« Attends, comment ça convaincu ? Y en a pas vraiment un ? » Quoi, il croit encore qu'il y a un léviator rouge au Lac Colère ? C'est incroyable ce qu'on peut lui faire avaler n'importe quoi ; cette fois il pouffe, Oliver, il passe une main sur sa bouche pour que ça ne s'entende pas trop mais bien sûr, Gaspar n'en loupe absolument rien. Il s'est redressé comme si un Taupiqueur venait de lui pousser les fesses, et maintenant il le dévisage, encore vexé. Tant pis, il n'a jamais tenu compte de ses vexations, le batteur, ça l'a toujours amusé et ça ne change pas maintenant. Quand il fait la princesse, ça a quelque chose de mignon, encore un truc qui n'a pas changé en dix ans, hein ? Enfin, si ; apparemment, ça ne s'est pas du tout arrangé au fil des années.  

« Eh eh eh, t'y es allé, toi ? T'as plongé dedans pour tout regarder ? Non, bah alors, t'en sais rien, si ça se trouve il vit tout au fond de l'eau et il sort jamais.
– Ouais, peut-être, ricane-t-il en roulant sur le côté, avant de s'appuyer sur un coude pour le regarder. Et donc, tu vas prendre une paire de palmes et un tuba pour aller voir ? » Il a l'image, c'est ridicule et vraiment très rigolo. Et pas crédible pour deux ronds non plus d'ailleurs, parce que  non, il n'y a pas de Léviator rouge au Lac Colère, c'est un peu le même délire qu'il n'y a pas de Célébi ici. Ou que s'il y en a un, il est drôlement bien planqué, il faut le dire. Retombant sur le dos en même temps que le chanteur, il rigole encore un peu, lève les yeux au ciel. N'importe quoi. « Arrête avec ton scepticisme là, laisse-moi rêver, tu veux ? » Rêver, oui, y croire dur comme fer, quand même ? Il y a une nuance.
« Un jour j'aurai un Léviator.
– Il va te manger tout cru, réplique le batteur en jetant un oeil au chanteur, dont le sourire est immense, rêveur. » Qu'est-ce que t'es beau. « Tu vas te retrouver avec une équipe drôlement féroce, quand même. C'est toujours des dragons que tu veux ? »

Sûrement pour pallier à son manque d'assurance, hein ? Il a toujours fait ça, Gaspar. La plus grosse voiture, la plus belle moto, le plus beau visage, parce qu'au fond il ne s'est jamais supporté, il a toujours eu besoin que quelqu'un l'aime à sa place. Et ce quelqu'un, ça l'arrange que ce soit le monde envier, songe le batteur en regardant le ciel, un peu rêveur, lui aussi. C'est sûrement contagieux. « Moi je voudrais un Absol, dit-il finalement, en calant ses mains contre sa nuque. J'en ai vu un, une fois. La veille de la destruction de Myrtha. » Et c'était la créature la plus belle, et la plus étrange qu'il ait jamais vue. « J'étais en train de marcher en périphérie de la ville et... j'sais pas, il est comme apparu. Il est resté un moment là à me regarder, et puis il est parti. Quand j'en ai parlé à ma mère, elle a pris peur. D'après elle, ils portent malheur. » Il soupire, quand il se contorsionne un peu, parce qu'il peut sentir sa hanche lui faire mal, quand il y pense. « Elle avait pas tout à fait tort, quelque part. Mais si j'avais dû devenir dresseur, j'aurais sûrement écumé Lathea pour en trouver un. »

« Il va te manger tout cru.
– N'importe quoi, réplique Gaspar en riant, les lèvres étirées en un grand sourire tandis qu'il regarde les étoiles. 
– Tu vas te retrouver avec une équipe drôlement féroce, quand même. C'est toujours des dragons que tu veux ?
– Oui ! répond le chanteur avec enthousiasme. J'y ai pas trop réfléchi ces dernières années mais oui. Et puis y a rien de plus fort que les Dragons, j'serai maître de la Ligue super vite comme ça. »
Est-ce qu'il y croit vraiment, à ça ? Peut-être pas tous les jours, mais ce soir, oui. Ce soir, il croit en absolument tout. « Moi je voudrais un Absol, dit alors Oliver, qui a apparemment décidé de rêver avec lui, au moins ce soir. J'en ai vu un, une fois. La veille de la destruction de Myrtha. »
C'est un drôle de motif pour avoir envie d'en capturer un mais après tout, pourquoi pas ? C'est bien le dernier Pokémon que Gaspar voudrait avoir dans son équipe ; ils sont de très mauvais augure, les Absol. Peut-être que c'est celui-là qui a provoqué la catastrophe à Myrtha. « J'étais en train de marcher en périphérie de la ville et... j'sais pas, il est comme apparu. Il est resté un moment là à me regarder, et puis il est parti. Quand j'en ai parlé à ma mère, elle a pris peur. D'après elle, ils portent malheur. »
Bien, alors si Cassandre pense comme lui, c'est sûrement qu'il a raison. « Elle avait pas tout à fait tort, quelque part. Mais si j'avais dû devenir dresseur, j'aurais sûrement écumé Lathea pour en trouver un.
– Si j'en croise un un jour, je le capturerai pour toi, affirme-t-il sans l'ombre d'une hésitation. Mais si tu veux mon avis un Pokémon comme lui, il doit vivre dans un endroit un peu compliqué d'accès. T'y seras sûrement avant moi. »
Après tout, Oliver a toujours été plus dégourdi que lui, et cette histoire de hanche ne change rien. « Suffirait que t'en aies envie, mais j'suis sûr que t'iras plus vite que moi. Rien que pour les badges, il suffit que les champions me testent sur autre chose que la puissance et j'vais chialer, je bite rien à ces histoires de stratégie. »
Ça le fait rire ; il n'a pas vraiment de mal avec cette idée. Peut-être parce qu'il est convaincu que frapper le plus fort possible suffira. « Toi par contre, tu vas gérer. C'est sûr. »

« Si j'en croise un un jour, je le capturerai pour toi. Mais si tu veux mon avis un Pokémon comme lui, il doit vivre dans un endroit un peu compliqué d'accès. T'y seras sûrement avant moi. » De toute manière, et ce même si l'attention est touchante, il doit capturer ce Pokémon lui-même ; un Absol, ça se mérite, au moins autant que tous les Pokémon qu'il aurait rêvé d'avoir dans son équipe, s'il avait décidé de sauter le pas et de devenir dresseur tout seul. Souvent il s'est imaginé une vie où, après une lourde déception comme celle-là, il aurait décidé de se barrer du jour au lendemain, disparaître sur les routes, écumer les régions du monde avec juste son sac sur le dos et quelques Pokéballs. Est-ce qu'une version de lui, dans une autre dimension, aurait trouvé le courage de s'en aller et de ne plus jamais revenir ? Peut-être. S'il n'y avait pas eu Mallo, peut-être. Mais confronté à la douleur de son meilleur ami, il n'a jamais pu se résoudre à le faire ; il a besoin de lui, c'est tout. L'abandonner, ç'aurait été se comporter exactement de la même manière que cet homme qu'il a maudit pendant dix ans et qu'il regarde maintenant, pourtant. Parce qu'il peut pas s'en empêcher.

« Suffirait que t'en aies envie, mais j'suis sûr que t'iras plus vite que moi. Rien que pour les badges, il suffit que les champions me testent sur autre chose que la puissance et j'vais chialer, je bite rien à ces histoires de stratégie.
– Ça s'apprend, tu sais. T'es pas plus con qu'un autre, t'as juste pas eu un père assez lucide pour te l'apprendre. » Lui, il sait déjà que s'il le demande, sa mère lui fera un cours magistral sur les types, les attaques, les natures et la façon qu'avaient les Pokémon de gérer la pression sur le terrain. Il ne lui a jamais demandé, parce qu'il sait que c'est inutile ; il se souvient de quelques notions, pourtant, ce qu'il a appris quand il était jeune et qu'il n'a jamais vraiment réussi à oublier.

« Toi par contre, tu vas gérer. C'est sûr.
– Je vais rien gérer, j'ai pas l'intention de me présenter à la Ligue de Lathea, Gaspar. » Il tourne doucement la tête, croise deux yeux verts, contrariés et déçus mais c'est comme ça. S'il ne l'accuse pas ce soir, il faut encore qu'il lui rappelle que non, il n'est pas et ne sera jamais un dresseur. Il laisse ça à ceux qui ont encore ce rêve brûlant dans leur regard, lui il n'en a conservé que les cendres. « C'était avec toi que je voulais le faire, ce voyage. C'était quand j'étais en forme et que je pensais que certaines choses étaient encore possibles. » Eux deux, ensemble, et connement main dans la main, cet étrange et doux fantasme a toujours eu la vie dure dans l'esprit d'Oliver, qui  n'a jamais aspiré qu'à ça, lui, la simplicité d'une vie sur les routes, ses doigts enlaçant les siens et leurs progrès, à tous les deux. Rassurant quand il aperçoit la mine mélancolique du chanteur, il lui sourit, pourtant. « Mais c'est pas grave, tu sais ? J'suis musicien, le groupe cartonne, les gens aiment les trucs que j'compose, j'ai de quoi vivre de mes rentes pour toujours, ça pourrait être pire. Faut juste savoir renoncer à ses rêves, parfois. » Et tant pis pour ce que ça doit coûter, il a toujours voulu vieillir sans regrets, Oliver ; il sait maintenant que ça ne sera plus possible. « Je regarderai tes progrès à la télé. On pourra dire que j'vis l'aventure par procuration grâce à toi. »

« Je vais rien gérer, j'ai pas l'intention de me présenter à la Ligue de Lathea, Gaspar. »
Mais oui, c'est ça. A d'autres. Il change quand même vachement d'avis, Ollie ; on verra, et puis non, et puis ensuite ? Allez, ça ne prend pas, même si entendre le jeune homme lui rabacher la même connerie ne lui fait pas plaisir. « C'était avec toi que je voulais le faire, ce voyage. C'était quand j'étais en forme et que je pensais que certaines choses étaient encore possibles. »
Cette phrase-là, elle lui serre un peu la gorge. C'est complètement débile ce qu'il raconte ; c'est pas parce qu'ils se sont perdus de vue pendant dix ans qu'il faut laisser tomber son rêve, ça peut avoir du sens... autrement, suppose-t-il. Oliver est beaucoup trop absolu ; avec toi ou rien, mais il ne veut pas venir avec lui. Si ce sont des excuses pour expliquer le fait qu'il n'en a plus envie, alors elles sont débiles, parce que ce n'est pas la faute de Gaspar. Et s'il en a vraiment envie, alors il n'a qu'à le faire. « Mais c'est pas grave, tu sais ? J'suis musicien, le groupe cartonne, les gens aiment les trucs que j'compose, j'ai de quoi vivre de mes rentes pour toujours, ça pourrait être pire. Faut juste savoir renoncer à ses rêves, parfois. »
Gaspar n'est pas d'accord. Mais c'est sûrement plus facile pour lui d'avoir cette réflexion ; après tout, c'est lui qui est parti, il y a dix ans et plus que ça, même. Onze, douze ? Apparemment c'est le temps qu'il fallait aux rêves d'Oliver pour se faire la malle. « Je regarderai tes progrès à la télé. On pourra dire que j'vis l'aventure par procuration grâce à toi.
– Ouais, tu parles, dit-il, la gorge vraiment serrée, maintenant. Tu partages ton joint ? »
Une main se tend, et il récupère la précieuse cigarette. Tout est de faute, Gaspar, non seulement tu m'as brisé le cœur mais en plus à cause de toi j'ai renoncé à mes rêves et j'me contenterai de rester avec mon vieux pote pour jouer de la musique comme quand on avait quinze ans. Il voulait peut-être être chanteur, Ollie, mais il voulait surtout être dresseur. C'est débile de renoncer et encore plus à cause de lui, mais de toute façon Gaspar ne peut pas choisir pour lui. Il n'a qu'à assumer ses conneries, une fois de plus. « Il en dit quoi Mallory, de ça ? »

« Ouais, tu parles. Tu partages ton joint ? » C'est un peu dommage, songe Oliver, d'y croire si peu alors qu'il vient à peine de commencer. Devenir maître lui prendra sûrement des mois, des années peut-être même, selon la façon dont il avance ; les tribulations de ses parents ne se sont pas faites en quelques jours, et on lui a suffisamment dit qu'il fallait faire preuve de patience et de rigueur dans ce genre de profession qu'il avait fini par soigneusement intégrer l'information. Mais Gaspar était impatient ; il lui fallait toujours tout tout de suite, c'était visible en musique à l'époque, ce doit être tout aussi vrai aujourd'hui. Doucement, Oliver se contorsionne, lui tend le joint entamé ; au cas où, il y en a d'autres, il ne part jamais sans, et c'est pas la police qui va les emmerder dans un endroit aussi reculer. Et puis, ça fait du bien. Beaucoup de bien.

« Il en dit quoi Mallory, de ça ? »

Ah, Mallory, c'est la grande question ; Mallory va penser tout et son contraire du jour au lendemain, après tout. Il soupire, Ollie, se rallonge, repose ses yeux vers le plafond étoilé, inaccessible. C'est un peu là-bas qu'il aimerait avoir la tête ce soir pourtant, droit dans les étoiles. Il a souvent rêvé qu'il volait. « Il dit que maintenant qu'il est à l'arène, je peux partir sans que ça fasse de mal au groupe. D'après lui, j'me suis assez occupé de lui ces dernières années pour m'occuper de moi, maintenant. » Et ça le fait franchement ricaner, en fait, ce genre de phrase à la con de la part de son meilleur ami. Il ne se gêne pas d'ailleurs, et peut-être que c'est un peu aigre. « Il a un sacré culot, quand même. Tu sais, j'ai failli tout lâcher et devenir dresseur. Ismaël voulait que je parte avec lui à Hoenn. Qu'on fasse la route et les arènes ensemble, et j'ai failli accepter. » Parce qu'il a insisté, Isma. Souvent, longtemps, il lui a proposé cette deuxième chance qu'il a fini par refuser. « Mais à l'époque Mallo était trop malade pour que j'parte. Il a tout fait pour nous séparer, et il a réussi. » Il soupire. Sinon, il serait sûrement parti. « Il s'est disputé avec Isma, j'sais pas exactement ce qu'il s'est passé, mais le lendemain il s'est barré et je l'ai pas revu depuis. Alors j'le trouve un peu gonflé de donner un avis sur ma vie alors qu'il la contrôle depuis que j'suis môme. »

Maintenant c'est trop tard, c'est tout. « J'ai pas envie de partir tout seul. Mallo me dit que j'ai qu'à me trouver un mec, mais honnêtement, j'ai pas le courage. A chaque fois que j'ai essayé ça s'est mal fini, alors autant être chanteur et en profiter pour trouver des plans d'un soir. C'est mieux comme ça. Tout est une question de choix, j'suppose. Ou de timing. »

« Il dit que maintenant qu'il est à l'arène, je peux partir sans que ça fasse de mal au groupe. D'après lui, j'me suis assez occupé de lui ces dernières années pour m'occuper de moi, maintenant. »
Eh bah, en voilà un au moins qui a gardé sur les épaules. Peut-être que Mallory le déteste et le méprise, maintenant, mais au moins il encourage Oliver à ne pas... rester là-dessus, suppose-t-il, même si une fois de plus il essaie probablement juste de se décharger de sa responsabilité pour le fait que les rêves d'Oliver lui semblent désormais inaccessibles. Oliver qui rigole, d'ailleurs, même si Gaspar ne comprend pas très bien pourquoi. « Il a un sacré culot, quand même. Tu sais, j'ai failli tout lâcher et devenir dresseur. Ismaël voulait que je parte avec lui à Hoenn. Qu'on fasse la route et les arènes ensemble, et j'ai failli accepter. »
Cette idée lui serre un peu le coeur, mais sur ce coup, Gaspar n'est pas assez égoïste pour en tenir compte : il aurait mieux valu ça plutôt que l'abandon pur et simple de ce projet, quand bien même à la base, c'était le leur. « Mais à l'époque Mallo était trop malade pour que j'parte. Il a tout fait pour nous séparer, et il a réussi. »
Hm. Ça n'étonne qu'à moitié Gaspar ; il espère que Mallory le regrette, aujourd'hui. Et puis il se rappelle qu'il s'agit de Mallory. Donc qu'il ne regrette sûrement pas, en fait. « Il s'est disputé avec Isma, j'sais pas exactement ce qu'il s'est passé, mais le lendemain il s'est barré et je l'ai pas revu depuis. Alors j'le trouve un peu gonflé de donner un avis sur ma vie alors qu'il la contrôle depuis que j'suis môme.
– Ouais, effectivement. Ça l'empêche pas d'avoir raison sur ce coup, cela dit. 
– J'ai pas envie de partir tout seul. Mallo me dit que j'ai qu'à me trouver un mec, mais honnêtement, j'ai pas le courage. A chaque fois que j'ai essayé ça s'est mal fini, alors autant être chanteur et en profiter pour trouver des plans d'un soir. C'est mieux comme ça. Tout est une question de choix, j'suppose. Ou de timing.
– Si t'as envisagé partir avec Isma, c'est bien que ça te semblait possible de faire ce voyage avec quelqu'un d'autre que moi, répond doucement Gaspar, en s'efforçant de masquer la légère jalousie qui rend ces mots difficiles à prononcer. Pourquoi tu lui en parles pas, à Ismaël ? J'suis sûr qu'il serait encore partant. »
Il a un petit sourire un peu triste, un peu amer, aussi, alors il décide de détourner le visage de l'autre côté pour qu'Oliver ne puisse pas le voir. « Il était vraiment très amoureux de toi. Ça m'étonnerait que ça ait totalement disparu en seulement dix ans. »

« Si t'as envisagé partir avec Isma, c'est bien que ça te semblait possible de faire ce voyage avec quelqu'un d'autre que moi. » Oui, il l'a envisagé, mais à quel prix exactement ? Il a pris peur au dernier moment Oliver, et il n'a pas dit toute la vérité. Si Mallo s'est démerdé pour qu'ils se séparent, c'est parce qu'il savait comment ça allait finir, et il avait raison. Il a fallu les lui arracher, ces mots-là, quand il l'a confronté pour lui demander pour quelle putain d'obscure raison il avait décidé de s'en prendre à Ismaël et Mallory, après une heure de cris et de dispute, avait fini par craquer ; comme si ce mec allait te faire oublier le connard qui t'a abandonné, a-t-il craché, à raison, la seule chose que t'aurais fait, c'est que tu l'aurais rendu malheureux, essaie même pas de me faire croire le contraire, je sais que c'est vrai, j'le sais. Il est parti et il m'en voudra pour toujours mais au moins t'auras pas fait souffrir un mec inutilement. Pourquoi s'était-il autant inquiété du sort d'Isma, Oliver ne l'a jamais su. Mais il disait vrai, en tout cas.

« Pourquoi tu lui en parles pas, à Ismaël ? J'suis sûr qu'il serait encore partant. » Oh, sûrement pas. Ou si ? Il aurait trop honte d'aller le lui demander, de toute manière, donc la question ne se pose pas. Un sourire étrange se dessine sur les lèvres de Gaspar ; il ne le relève pas, Oliver, il décide simplement de ne pas faire comme s'il espérait que ça le rendrait un peu jaloux. « Il était vraiment très amoureux de toi. Ça m'étonnerait que ça ait totalement disparu en seulement dix ans.
– Oh, tout le monde est pas comme moi, répond-il, trop vite, trop connement, pour se rendre compte de son erreur. Non, j'pense qu'il m'en veut. Il m'a même pas dit au revoir, j'devrais prendre un abonnement, sans déconner. » Ce soir, ça le fait plus rire que pleurer, finalement. Parce qu'il se sent bien, ici, avec le chanteur, ça lui rappelle toutes ces soirées où ils étaient là, allongés dans son lit ou dans l'herbe, rien que tous les deux. C'était aussi de futur qu'ils parlaient, tous les deux, à l'époque.

« Vaut mieux pas que tu t'intéresses à ma vie sentimentale, c'est un charnier depuis... toujours, j'suppose. » Il hausse les épaules, puis réclame le joint. Il s'est bien assez lamenté. « Enfin j'suis pas le seul, hm ? »

« Oh, tout le monde est pas comme moi. Non, j'pense qu'il m'en veut. Il m'a même pas dit au revoir, j'devrais prendre un abonnement, sans déconner. » 
Si la fin de cette phrase avait été différente alors peut-être que Gaspar aurait eu assez de temps pour en comprendre le début ; l'ennui, c'est que le reproche peut-être involontaire d'Oliver accapare son attention et lui fait pincer les lèvres, si bien qu'il n'accorde pas assez d'attention au comme moi qui pourtant lui aurait permis d'avaler un peu mieux la pilule. Au lieu de ça, il pince les lèvres et tire sur le joint tout simplement volé, puisqu'Ollie va être obligé de s'en sortir un autre, à ce rythme. « Vaut mieux pas que tu t'intéresses à ma vie sentimentale, c'est un charnier depuis... toujours, j'suppose. »
La main tendue d'Oliver accueille l'espèce de micro morceau de pétard laissé par Gaspar, qui lui adresse un petit sourire d'excuse, la tête rentrée dans les épaules. A la maison, il n'a pas le droit de fumer. « Enfin j'suis pas le seul, hm ?
– Ahah, bah, c'est à dire qu'avant Sacha ça a été... un peu le bordel, avoue-t-il du bout des lèvres. Tu te rappelles de Jill ? »
C'est assez fou, la façon dont il se sent brutalement con et coupable en un seul prénom prononcé. Dépité par ses propres conneries, il se met à arracher quelques brins d'herbe pour essayer de ne pas penser sérieusement à ce qu'il s'apprête à dire. « On est sortis ensemble y a... j'sais pas, sept ou huit ans. Peut-être six, honnêtement j'sais plus. Ça a duré jusqu'à ce que Sacha débarque. »
Il arrache deux pleines poignées d'herbe, murmurant la fin à voix basse : « A elle non-plus, j'lui ai pas dit au revoir. »

« Ahah, bah, c'est à dire qu'avant Sacha ça a été... un peu le bordel. Tu te rappelles de Jill ? » Oui, bien sûr qu'il se rappelle de Jill, Oliver ; il s'en rappelle même très bien, il n'a pas eu l'occasion de la revoir après Myrtha, il n'a pas la moindre idée de ce qu'elle est devenue. C'était une amie, une amie dans un autrefois qu'il avait décidé de rayer ; pourquoi est-ce qu'il lui en parle, au juste ? C'est marrant mais il a très peur de comprendre, Oliver. Oliver qui termine rapidement le cul de joint que Gaspar a eu la bonté de lui laisser, soupire, puis en allume un autre. Celui là c'est pour sa gueule et uniquement, non mais. Surtout que quelque chose lui dit qu'il va en avoir besoin.

« On est sortis ensemble y a... j'sais pas, sept ou huit ans. Peut-être six, honnêtement j'sais plus. Ça a duré jusqu'à ce que Sacha débarque. » Et voilà. Ses doigts se crispent sur le tube de papier, il fronce les sourcils, pince les lèvres, réfrène à grand peine une très longue inspiration, se fait violence pour ne pas hurler quoi, mais pourquoi, elle, pourquoi, crétin, pourquoi t'as fait ça après tout il ne lui devait plus rien. Et Jill ne savait pas pour lui et Gaspar, même si elle aurait aisément pu le deviner. Peut-être que c'était le cas. Peut-être qu'elle s'en est foutu. « A elle non-plus, j'lui ai pas dit au revoir.
– Pourquoi t'es sorti avec elle ? assène-t-il, peut-être un peu brutalement parce qu'il en sursaute, Gaspar, et il soupire, pour se calmer. Tout se passe trop bien, il n'a pas envie de foutre cette soirée en l'air. Laisse-moi deviner. Parce que Neskov fils-de-pute de père te l'a ordonné ? » Ça ne peut pas être pour autre chose. Gaspar, il a toujours aimé les mecs, tout le monde le savait avant qu'il s'en rende compte. Alors pourquoi Jill ? « Et t'as pas gagné au change. T'es heureux avec Sacha, pour de vrai ? Réponds-moi franchement, t'es amoureux de ce type que t'as épousé ? » Jill, il a pas envie d'en parler ; elle fait partie de ces blessures anciennes qu'il a soigneusement dissimulées. Sacha est sûrement un sujet plus intéressant, hein ? Sûrement.

« Pourquoi t'es sorti avec elle ? »
La question, soudaine, et surtout son intonation presque agressive, fait sursauter Gaspar, qui n'ose absolument pas tourner la tête vers Oliver. Des réponses lui viennent, aussitôt, il a envie de répondre, de se justifier, mais d'autres questions l'interceptent. Pourquoi tu réagis comme ça ? Il ne demande pas. C'est trop casse-gueule, surtout qu'Oliver est en train d'inspirer à fond pour se calmer ; mais pourquoi ça le met en colère, qu'est-ce que ça lui fait, c'est quoi le problème ? « Laisse-moi deviner. Parce que Neskov fils-de-pute de père te l'a ordonné ? »
Même pas ; ou du moins, pas que. Son père voulait qu'il l'épouse. Ça, c'est la raison pour laquelle ils se sont fiancés. Mais à la base, c'était plutôt une question de visibilité. Et puis, c'était logique. A elle, il lui faisait confiance. Il n'avait rien à craindre. « Et t'as pas gagné au change. T'es heureux avec Sacha, pour de vrai ? Réponds-moi franchement, t'es amoureux de ce type que t'as épousé ? »
Acculé par ces questions presque accusatrices, le chanteur ne répond pas tout de suite ; il a un peu de mal à saisir les tenants et aboutissants de cette conversation. Pourquoi, alors que tout était si tranquille, il a brusquement l'impression que beaucoup trop de choses dépendront de la réponse qu'il donne à Oliver ? Qu'est-ce que ça change, pourquoi ça compte ? Il ne comprend pas tout, il y a des choses qui le dépassent ici, des choses qui échappent totalement à sa compréhension et c'est exactement la raison pour laquelle il hésite. Parce que la réponse elle-même, il la connaît. « C'est pas si simple, finit-il par répondre du bout des lèvres. J'vois pas très bien comment on peut tomber amoureux de quelqu'un quand... »
Quand on a abandonné son coeur avec celui qu'on a décidé de laisser derrière. La phrase lui vient, naïve, stupide. Il n'ose même pas imaginer comment elle serait reçue, alors il s'arrête, soupire. « Peu importe. De toute façon je peux pas revenir en arrière. Il est plus vraiment question de ce que je veux, maintenant. »

Le silence dure, après sa question, et Oliver regretterait presque de l'avoir posée. Encore une fois, c'est lui qui fout la bonne ambiance en l'air avec ses interrogations, ses espoirs à la con qu'il ne devrait même pas avoir ; mais ce n'est pas de sa faute, c'est plus fort que lui. Parce que merde, ce mec là qui est allongé près de lui, c'est le même que l'ado qui l'a abandonné, toujours aussi peu assuré, toujours aussi apeuré par le monde qui l'entoure, toujours aussi enfermé dans ces petites choses stupides, l'apparence, la chanson, la célébrité, les belles choses, en laissant tout ce qui pourrait le rendre vraiment heureux derrière. Pourquoi continue-t-il à s'infliger ça, pourquoi en dix ans il n'a pas été foutu de rencontrer quelqu'un qui aurait été capable de lui faire changer de voie ? S'il avait rencontré un autre homme qui l'aurait vraiment rendu heureux, Gaspar ne serait pas là. Il n'aurait pas autant besoin de faire la route avec lui, ou peut-être que si, mais qu'il aurait compris beaucoup plus vite que c'est absolument impossible. Il a besoin de cette réponse, et bien sûr, celle que Gaspar lui donne est une nouvelle fuite, une autre dérobade.

« C'est pas si simple. » Si. Si, bordel, si ça l'est.
Tu l'aimes ou pas ? Est-ce que tu l'aimes ? « J'vois pas très bien comment on peut tomber amoureux de quelqu'un quand... » Quand quoi ? Pourquoi a-t-il l'impression que depuis qu'ils se sont revus la dernière fois, Gaspar ne lui donne que des demi-réponses ? Pourquoi n'est-il pas clair, hein ? Tu m'as manqué, lui a-t-il dit, bah il ne fallait pas partir, il fallait rester avec lui. Juste avec lui, rien qu'avec lui, au bout du monde s'il l'avait fallu, il l'aurait suivi jusque là-bas, et même au-delà. Et maintenant ils en sont là et putain oui, oui c'est énervant.

« Peu importe. De toute façon je peux pas revenir en arrière. Il est plus vraiment question de ce que je veux, maintenant.
– Ah bon, et pourquoi ? Le divorce a été interdit à Lathea pendant que j'étais pas là ? » C'est pas vraiment sec, c'est pas aimable pour autant, il se redresse Oliver, il le regarde, ce mec qui a suicidé sa vie années après années, parce qu'il n'a pas été là pour lui dire qu'il prenait la mauvaise route. « On a toujours le choix. Tu viens de passer un quart d'heure à me dire que j'devrais devenir dresseur, mais toi tu veux pas foutre en l'air tout ce qui te rend malheureux. J'le connais pas ton mari, j'ai pas du tout envie de le connaître, mais t'es pas bien avec lui. » Qu'il essaie seulement de protester. « Je le sais. J'te connais. C'est un peu effrayant de se dire que même dix ans après je sais mieux que ce tocard ce qui serait bon pour toi mais c'est vrai. Tu serais mieux avec n'importe qui, mieux, tout seul, plutôt qu'avec un con qui sait pas qui tu es. » C'est sûrement le joint qui lui délie la langue, à Oliver, mais il sait qu'il ne dit que la stricte vérité. Il le sent, il l'a toujours senti, il l'a toujours su. « Mais personne peut lui en vouloir. Personne sait qui tu es. Même toi tu sais pas, dans un miroir tu vois juste un beau mec riche et célèbre, et la plupart du temps t'arrives à te convaincre que c'était ça que t'as toujours voulu. Et maintenant ? » Maintenant, maintenant que j'suis là, maintenant que tu m'as retrouvé, « T'as pas l'impression qu'il te manque quelque chose ? » Sa vie entière, par exemple ?

« Ah bon, et pourquoi ? Le divorce a été interdit à Lathea pendant que j'étais pas là ? »
C'est pas vraiment la question, le fait est plutôt que recommencer tout à zéro, recommencer tout seul, Gaspar ne sait pas faire, il n'a jamais su, parce qu'aussi égoïste qu'il soit il n'a jamais réussi à se contenter de lui-même. Peut-être que Sacha n'est pas un type pour lui et qu'il ne le rend pas heureux mais au moins, il le tolère. Et il n'y en a pas beaucoup qui auraient fait ça, qui auraient dit oui à cette demande débile qu'il n'aurait jamais dû faire. Mais rien que pour cet effort, ça doit valoir le coup de s'accrocher, non ? « On a toujours le choix. Tu viens de passer un quart d'heure à me dire que j'devrais devenir dresseur, mais toi tu veux pas foutre en l'air tout ce qui te rend malheureux. J'le connais pas ton mari, j'ai pas du tout envie de le connaître, mais t'es pas bien avec lui. »
Et alors ? Et alors, qu'est-ce que ça change ? « Je le sais. J'te connais. C'est un peu effrayant de se dire que même dix ans après je sais mieux que ce tocard ce qui serait bon pour toi mais c'est vrai. Tu serais mieux avec n'importe qui, mieux, tout seul, plutôt qu'avec un con qui sait pas qui tu es. »
C'est pas vrai, dit-il, mais si bas qu'Oliver ne doit même pas l'entendre ; de toute façon ce n'est pas vraiment comme s'il allait en tenir compte. A chaque phrase qui lui est jetée à la figure, Gaspar sent son ventre se nouer, sa gorge se serrer. Bien sûr qu'il a raison Ollie mais qu'est-ce que ça change, pourquoi il lui dit ça ? Ça change rien, c'est trop tard. « Mais personne peut lui en vouloir. Personne sait qui tu es. Même toi tu sais pas, dans un miroir tu vois juste un beau mec riche et célèbre, et la plupart du temps t'arrives à te convaincre que c'était ça que t'as toujours voulu. Et maintenant ? »
La question appelle son regard, il croise deux yeux sombres rivés sur lui, étrangement à la fois accusateurs et suppliants. « T'as pas l'impression qu'il te manque quelque chose ?
– Et si j'te disais que oui, ça changerait quoi ? répond-il, vivement, en se redressant, appuyant ses mains tremblantes sur le sol comme si ça allait empêcher sa voix de faire de même. J'ai toujours eu l'impression qu'il me manquait quelque chose, Ollie, toujours, à part... »
A part quoi ? Oliver le sait très bien. C'était pas un secret, il le lui a même déjà dit. J'pourrais être avec toi tout l'temps, j'sais pas c'que tu fais pour ça mais... quand t'es là, j'ai envie d'être nulle part ailleurs. Gaspar ne sait pas dans quel monde il a pu ne pas comprendre le sens de ses propres mots, à l'époque. Maintenant, il trouve ça stupide. Mais maintenant, c'est trop tard. « ...avec toi, assène-t-il pourtant, en l'accusant presque du regard avant de se détourner. Et c'est pas la peine de m'dire que j'peux m'en prendre qu'à moi-même, j'le sais, et j'sais aussi que c'est trop tard alors... »

« Et si j'te disais que oui, ça changerait quoi ? » Oliver sait pas. Il a jamais su, il en sait rien, il sait pas ce qu'il lui faudrait ou si, il le sait, c'est avec lui qu'il aurait dû être depuis le début, Gaspar. Il aurait pris soin de lui, pas à pas il l'aurait sorti de sa zone de confort, il l'aurait emmené tout doucement prendre un autre chemin, avec lui. Il l'aurait sauvé, il se serait sans doute sauvé un peu lui-même, aussi, de tout ce qu'il a raté en son absence, tout ce qu'il a été incapable de faire à l'époque, se relever, changer de vie. Sans lui, ça n'avait absolument aucun sens. Et son coeur de garçon de seize ans se souvient encore de la façon dont il a battu, furieusement, quand ils étaient ensemble et qu'Oliver avait encore espoir qu'un jour, il saurait lui montrer.

« J'ai toujours eu l'impression qu'il me manquait quelque chose, Ollie, toujours, à part... » Quand, hein ? Quand il était avec Jill ? Avec Sacha ? Non, ça ne sert à rien d'ironiser intérieurement, Oliver connaît la réponse avant même que Gaspar la formule. Ils se sont redressés, tous les deux, et s'il cherche une solution face à l'implacable tension qui a envahi ses muscles maintenant, le batteur sait qu'il ne la trouvera pas. C'est la seconde fois qu'ils se revoient tous les deux, et il y a eu bien plus de moments difficiles que d'éclats de rire. Parce que tout n'a pas été dit, parce qu'Ollie n'aura jamais le courage de lui balancer ce qu'il a de coincé au fond de son esprit depuis dix ans. Qu'il a jamais arrêté de l'aimer, que c'est comme une gifle de le constater à chaque fois qu'il le regarde, que ça balance trop d'électrochocs dans sa poitrine pour qu'il croie à autre chose. Tant qu'ils ne se seront pas dits... « ...avec toi. »

Tout semble s'arrêter soudain, sous la pression de ce regard sévère qui les dérobe définitivement à la réalité. Ça ressemble un peu trop à la dernière fois dans la Lande, quand il n'a plus été capable de dissimuler comme il lui avait manqué ; ce sont de vieux remugles d'un passé révolu qui reviennent les envahir, tous les deux, les enfermer dans cette bulle qu'il croyait éclatée depuis longtemps. Non, elle est toujours là ; quand il le regarde comme ça, Oliver le sait. Ces yeux-là, ils sont à lui, cet homme-là, il est à lui, comme était à lui l'adolescent qui s'endormait paisiblement dans son lit, baissé par la caresse de ses doigts sur son front et dans ses cheveux. Cette dévotion, elle n'est jamais partie. Quand bien même fuirait-il son regard, comme maintenant. Il sait. Il a toujours su le voir, pour de vrai, contrairement au monde entier. « Et c'est pas la peine de m'dire que j'peux m'en prendre qu'à moi-même, j'le sais, et j'sais aussi que c'est trop tard alors...
– C'est pas ce que j'allais dire. »

A vrai dire, il ne sait pas trop quels mots il devrait prononcer, maintenant. Ceux que Gaspar vient de prononcer devraient être la bonne réponse, mais il ne peut tout simplement pas s'y résoudre. La morsure du passé le prend à la gorge quand il se rapproche, que ses yeux noirs brillent dans la nuit, qu'il le dévore des yeux maintenant, incapable de s'en cacher. « Si tu pouvais revenir en arrière, dit-il finalement, la voix presque grondante quand il atteint la hauteur de son visage, dévore ses yeux verts, tu le ferais ? Tu serais resté ce matin-là ? » S'ils avaient pu remonter le temps, est-ce qu'ils auraient pu, se réveiller dans les bras l'un de l'autre ? Est-ce qu'il lui aurait donné le courage de rester à ses côtés pendant plus de dix ans, est-ce qu'ils s'aimeraient encore, maintenant ? Aurait-il échappé à Myrtha, où en seraient-ils, tous les deux ? « Dis-moi oui, chuchote-t-il à l'orée de ses lèvres, satisfait seulement de ne pas sentir le moindre souffle sur son visage. Dis-moi que t'aurais tout donné pour revenir me chercher. » Même si c'est un mensonge, Oliver en a besoin, ce soir. Même si c'est pas vrai, peu importe ; quand la main du batteur s'égare sur la joue de cet amant perdu, il oublie ce qu'il risque de laisser, d'abandonner, de perdre sur sa peau. C'est comme si ces dix années n'avaient duré qu'une poignée de minutes quand il les effleure, ces lèvres interdites que trop d'autres ont embrassées, qu'il lève les yeux pour le regarder. « Dis-le. »