Il a fini par l'avoir, ce petit Evoli ; il n'est pas encore entré dans sa Pokéball, mais il n'a pas lâché le batteur d'une semelle depuis qu'il est arrivé. Il est émerveillé ce soir Oliver, alors qu'il remue le curry qu'il a préparé pour la soirée, assis devant un petit feu soigneusement allumé par Meleys et Drogon. Ces deux-là surveillent les flammes, lovés l'un contre l'autre, tandis qu'en face, Gaspar essaie de monter sa tente. La nuit est tombée depuis une petite heure, et il a été convenu qu'il valait mieux rester dormir ici et repartir au matin ; quand Gaspar l'a proposé, Oliver n'a pas réfléchi deux secondes avant d'accepter. Parce qu'ils ont fait le tour de la clairière ensemble, qu'ils se sont envoyés de l'eau à la figure quand Silver a lancé les hostilités, qu'ils ont parlé des légendes sur les statuettes et qu'Oliver a tenté, vraiment tenté d'expliquer au chanteur que non, c'est pas possible de faire venir un chromatique en dansant comme un con autour des statuettes. Il n'en démord pourtant pas, un peu comme son idée de faire du batteur... un dresseur.

Cela dit, ça commence à faire beaucoup, songe le jeune homme en regardant sa petite équipe. S'il a laissé le premier Evoli complètement épuisé se reposer dans sa Pokéball, il a en revanche laissé vadrouiller l'adorable petit argenté se promener dans le campement à peine monté. Il a également libéré Calypso, la timide petite Tarsal qu'il a capturé ici même ; cette dernière fait doucement connaissance avec Silver, qui ne lâche pas Choupette d'une semelle. « Tu t'en sors avec cette tente ? » Demande gentiment le batteur en entendant pester le chanteur, qui a refusé son aide, je suis PARFAITEMENT capable de monter une tente tout seul, figure toi. Pas fou, Oliver n'a pas insisté ; mais elle a l'air drôlement tordue quand même. « Sans vouloir jouer les empêcheurs de dormir en rond, ça tiendra jamais la nuit, ça. » Il fait sombre maintenant dans la clairière ; mais d'étranges lueurs venues des arbres éclairent les lieux, c'est magnifique.

Pourquoi cette connerie refuse de se tenir correctement ? Pourquoi ? C'est pourtant bien comme ça qu'il faut faire, c'était écrit sur le plan, il en est sûr, il l'a lu dans tous les sens et plusieurs fois, c'est comme ça qu'il faut faire alors... bordel, il en a mal à la tête ; depuis combien de temps il est en train de se torturer les pauvres méninges qui lui restent ? Gaspar ne sait même pas. Ça le rend dingue. Complètement dingue, et ça l'énerve, alors que tout se passait très bien, il a passé un après-midi génial... et la soirée l'aurait été toute autant si seulement il n'était pas en train de se mettre en colère tout seul à cause de cette saloperie de tente de merde. « Tu t'en sors avec cette tente ?
– Oui très bien, j'm'en sors très bien, fulmine-t-il dans son coin en essayant de tendre les câbles pour éventuellement redresser cette toile toute flasque.
– Sans vouloir jouer les empêcheurs de dormir en rond, ça tiendra jamais la nuit, ça.
– Mais si, ça ira, grogne-t-il en réponse, donnant un dernier coup de marteau dans une sardine récalcitrante. Il faudra bien, de toute façon. »
Maintenant il fait trop noir pour continuer de toute façon alors... Il va falloir s'en contenter.
Fatigué par tant d'efforts, exaspéré, le chanteur revient vers le feu et se laisse lourdement tomber sur le sol en soupirant tout ce qu'il peut. Ça l'aurait définitivement foutu de mauvaise humeur si, aussitôt installé près d'Oliver, les Pokémon de sa petite équipe ne s'étaient pas tous approchés pour le câiner et le féliciter - sauf Drogon, qui se contente de lui adresser un petit cri de félicitations, même s'il n'y a pas vraiment de quoi. Silver sur les épaules et Tesla sur les genoux, il s'autorise enfin à sourire. « Au pire j'dormirai à la belle étoile, il y a pas trop d'insectes ici, ça va. »
En tout cas c'est ce qu'il se dit avant de pâlir légèrement en avisant la masse blanche contre un arbre un peu plus loin. Ça ressemble bien à un Blindalys, ça. « Et puis au pire du pire... ça me tuera pas. »
Voilà. Et son propos aurait peut-être presque été crédible si son ton n'avait pas été aussi inquiet.

« Mais si, ça ira. Il faudra bien, de toute façon. » Sans répondre, Oliver relève le nez ; aperçoit la gueule de la tente du dresseur en herbe, et retient un petit sourire moqueur. Ouais, ça ira, il va juste se retrouver le cul dehors au milieu de la nuit, rien de bien grave, en somme. Amusé, il se penche vers la marmite, ajoute deux baies en silence. Lui dire maintenant, c'est un tout petit peu du suicide, monsieur a sa fierté et il n'a pas du tout envie d'entendre que c'est vraiment loupé là, hm ? Enfin, heureusement, ses Pokémon sont moins pessimistes que lui ; à l'évidence, ils se sont tous très bien trouvés, il n'y en a pas un seul qui lui fait comprendre qu'il va falloir faire un peu mieux que ça s'il veut accéder à sa tente.

De longs et lourds soupirs retentissent, beaucoup trop forts pour être honnêtes ; Gaspar a toujours adoré manifester son exaspération de manière à ce que tout le monde l'entende bien, et ça non plus ça n'a pas changé, de toute évidence. Là, il n'est pas content parce qu'il sait très bien que ça va se casser la gueule dans la nuit, mais qu'il ne peut rien y faire vu qu'il n'a pas accepté l'aide du batteur. Sauf qu'Oliver, il sait monter une tente ; ses parents lui ont appris tout jeune, à l'époque où ils l'encourageaient à devenir un dresseur. La sienne est montée depuis belle lurette, avec toutes ses affaires à l'intérieur. « Au pire j'dormirai à la belle étoile, il y a pas trop d'insectes ici, ça va. » Ah oui ? Pourtant, il en a vu, lui. Des Chenipotte principalement et leurs évolutions, rien de très effrayant en somme, mais il sait bien que si Gaspar a le malheur de voir un Mimigal ou un Statitik, il va le retrouver sanglotant au milieu de la clairière.

« Et puis au pire du pire... ça me tuera pas. » Ouais, sa voix tremble déjà, vaut mieux faire quelque chose avant qu'il le retrouve pleurnichant à l'entrée de sa tente parce que dormir avec lui, c'est mort, qu'il ne l'envisage même pas. Il soupire Oliver, donne un petit coup de cuillère dans la préparation pour s'assurer que le mélange ne va pas brûler, avant de lever le nez. « Bon, allez. Arrête de faire le gamin et laisse-moi arranger ça, d'accord ? Surveille la bouffe » Est-ce que c'est une protestation qu'il entend ? Il décide de s'en foutre ; prenant appui sur ses genoux pour se lever, le batteur se met debout, puis se dirige vers la tente tordue. Il fait nuit, c'est vraiment pas facile, et il est agréablement surpris quand Drogon et Meleys décident de le rejoindre pour l'éclairer. « Merci les gars. Alors, voyons voir l'étendue du massacre... » Les sardines sont tordues, mais ça c'est pas étonnant. La toile a l'air d'aller bien, elle est solide et de bonne facture ; ça a dû lui coûter cher et ça n'a jamais servi, de toute évidence. Examinant les éléments, il finit par hausser un sourcil. « La tige du dessus est complètement tordue, comment tu t'es démerdé ? Pourquoi t'as pas acheté une tente qui se lance et qui se fait toute seule, t'aurais eu moins de problèmes, non ? » Ou alors il voulait faire comme les vrais aventuriers, c'est quoi l'histoire ?

« Bon, allez. Arrête de faire le gamin et laisse-moi arranger ça, d'accord ? Surveille la bouffe
– Oliver, non ! proteste-t-il en sursautant si fort sous le coup de la consternation qu'il fait peur à Silver. Reste tranquille, c'est bon, ça ira. »
Il ne sait pas si c'est vrai mais il en va de sa fierté : cette tente, il l'a montée tout seul, et au pire il racontera que la nuit était horrible mais que c'est le lot de tous les aventuriers en herbe, voilà. « Ollie, reste-là, c'est bon, t'façon ça me prend la tête et j'en ai marre de... »
Mais l'homme l'ignore totalement, ce qui n'arrange pas sa vexation : le chanteur décide de croiser les bras et de retomber sur son cul en fixant furieusement la marmite. Surveille la bouffe, boniche. Ça fait plaisir. « Tu m'énerves ! lui lance-t-il tout de même, exaspéré, ce qui lui vaut un regard désapprobateur de la part de Drogon, lequel se lève pour... rejoindre Oliver. Tu... non mais allez-y, ignorez-moi, c'est pas grave. »
Franchement, on est où là ? « Merci les gars. Alors, voyons voir l'étendue du massacre...
– Fais comme si j'étais pas là au pire, ça fera une grande différence !
– La tige du dessus est complètement tordue, comment tu t'es démerdé ? Pourquoi t'as pas acheté une tente qui se lance et qui se fait toute seule, t'aurais eu moins de problèmes, non ?
– C'est ce que j'ai voulu faire mais le vendeur m'a assuré que celle-là était dix fois mieux et facile à monter, bougonne-t-il en se renfrognant. Mais au pire tu veux pas laisser ça comme c'est ? J'suis un grand garçon hein, au cas où ça se voie pas. »
Un grand garçon qui va profiter que son compagnon du jour soit occupé ailleurs pour mettre son masque sur son visage, voilà, ça le détendra.

« C'est ce que j'ai voulu faire mais le vendeur m'a assuré que celle-là était dix fois mieux et facile à monter. » Sous-titre : cet imbécile s'est encore fait pigeonner, hein ? Le vendeur a dû voir ce type arriver, les poches toutes pleines de fric, et il a décidé d'en profiter. Lamentable mais logique, et en attendant il a une tente, certes de bonne qualité, mais qui risque non seulement de ne pas du tout être étanche, mais en plus de s'effondrer à tout instant. Il fronce  les sourcils, Oliver, attrape la barre horizontale, circonspect. Il faudrait la détordre mais il n'en aura jamais la force ; comment il s'est démerdé, ce crétin, pour bousiller une tente à la première utilisation ?

« Mais au pire tu veux pas laisser ça comme c'est ? J'suis un grand garçon hein, au cas où ça se voie pas.
– Très bien ! Soit, je la laisse comme elle est. » Bon d'accord, cette fois Oliver est un tout petit peu agacé, il faut bien l'admettre. Sous le regard d'un Drogon un peu désemparé, il se remet debout, et retourne vers le feu de camp. « Tu veux dormir là dedans ? Fais. Mais j'te préviens. » Il le pointe du doigt ; c'est peut-être un peu con et un peu infantile, mais tant pis parce que ça sert à rien de lui  grogner dessus, c'est quand même pas de sa faute si Gaspar est le plus inadapté des mecs quand il s'agit de s'occuper de soi-même, alors dans la nature ? On courait forcément à la catastrophe. « Un Migalos, de la pluie, un ouragan ou même Giratina en personne ne seront pas des excuses valables pour toquer à la porte de ma tente en pleine nuit. Vu ? » Que les choses soient bien claires, c'est même pas la peine d'essayer. « Allez, donne moi ton assiette, c'est prêt. Princesse insupportable. »

« Très bien ! Soit, je la laisse comme elle est. »
Eh bah voilà, c'est pas si compliqué de le laisser faire tout seul ; il est grand, c'est bon, ça va aller. Sur un merci bien peut-être un peu ratatiné parce que Gaspar ne fait pas vraiment le fier en percevant l'exaspération d'Oliver, il tend le bras pour attraper son plus petit sac, décroché du gros et gardé près du feu. Il y a son masque là-dedans, ce sera fait comme ça, se dit-il tandis que le batteur revient vers lui. « Tu veux dormir là dedans ? Fais. Mais j'te préviens. »
Qu'est-ce que c'est que ce doigt autoritaire ? Si ceux de Gaspar n'étaient pas plein d'une précieuse pâte verdâtre, il aurait peut-être imité le jeune homme en rigolant, mais du coup il ne s'y risque pas - pour ça et peut-être aussi parce qu'il a quand même l'air un peu agacé, Ollie. « Un Migalos, de la pluie, un ouragan ou même Giratina en personne ne seront pas des excuses valables pour toquer à la porte de ma tente en pleine nuit. Vu ?
– Vu, et si Giratina est là tu pourras toujours crever pour que je te prévienne. Non mais eh. »
Voilà, et toc, se félicite-t-il intérieurement, toujours en essayant de ne pas rire, avant de commencer à étaler son masque sur son visage. Ça va lui faire un bien fou, il se sent tout gras, là, c'est insupportable. « Allez, donne moi ton assiette, c'est prêt. Princesse insupportable.
– Ehm, tu veux bien... ewh, une seconde. »
Non parce que sa première main tient le pot de mixture et la deuxième en est recouverte, alors il essaie de faire tenir son précieux récipient en équilibre sur son genou pour saisir son assiette et la tendre à Oliver, mais c'est un peu compliqué quand même alors il se contorsionne en grimaçant, la tronche à moitié verte. « Tiens... tu l'as c'est b... Ah! putain... »
Bien sûr, ce qui devait arriver arriva et le pot tombe à l'envers directement sur le sol. « Oh non c'est pas vrai, mais... ne ris pas, ordonne-t-il, mortellement sérieux cette fois, alors qu'il saisit avec précaution le petit pot totalement souillé de terre et de... d'il ne veut même pas savoir quoi, en fait. Bon. C'est pas grave. C'est pas grave, c'est pas grave. »

Il a faim, voilà, c'est pour ça qu'il est grognon, c'est tout, il a faim et il vient de faire tomber trois cent pokédollars par terre. Et accessoirement il ne va avoir que la moitié de la figure regardable demain matin. Il soupire, en refermant le pot qu'il balance dans son sac, à défaut de pouvoir le jeter le plus loin possible pour ne plus jamais le voir - ça lui serait resté sur la conscience. « D'accord, ma salle de bain me manque peut-être un peu, grimace-t-il en observant sa main encore à moitié pleine de pâte qu'il ne sait où essuyer, du coup. Un tout petit peu. »

« Ehm, tu veux bien... ewh, une seconde. »

Qu'est-ce qu'il fabrique, ce grand idiot ? Il a la main pleine d'une mixture toute verte, et il s'en est étalé plein la moitié du visage ; maintenant, le voilà à galérer, à poser un pot sur ses genoux pour prendre son assiette ; sauf qu'il a toujours été très maladroit, Gaspar, et qu'il n'a pas besoin de le deviner pour savoir qu'il va y avoir un accident, que ce soit avec la bouffe ou avec le truc qu'il s'est étalé sur la tronche. Finalement, le batteur se saisit avec précaution de l'assiette, qu'il remplit généreusement ; il est un peu maigre, son chanteur, il doit faire régimes sur régimes et pour tenir en tant que dresseur, il va falloir se remplumer un peu. Puis, il la lui tend de nouveau, après avoir ajouté des couverts ; sauf que Gaspar est toujours en galère, c'était bien le moment de mettre son masque débile, là.

« Tiens... tu l'as c'est b... Ah! putain... » Et voilà, le pot est par terre, et bien sûr il s'est renversé à l'envers ; quelque chose lui dit que la mixture à l'intérieur va être inutilisable, surtout qu'il est tombé pile poil sur une trace du passage de Choupette. « Oh non c'est pas vrai, mais... ne ris pas. » Il a bien fait de lui dire, parce qu'un sourire s'était déjà dessiné au coin des lèvres d'Oliver ; il reste immobile alors, un peu blasé face à la mine totalement désemparée de l'artiste qui ramasse piteusement son pot, après avoir mis l'assiette en sécurité. Bah, c'est pas grave, si ? Des crèmes à la con il doit en avoir des pleins pots chez lui, et puis ça se rachète, non ? Et puis quelle idée d'emmener ça dans la nature, franchement. Quelque chose lui dit que Gaspar le sait très bien, alors il n'en rajoute pas, ça vaut effectivement mieux. Tout se passait bien, autant ne pas re-déclencher une dispute tout de suite. « Bon. C'est pas grave. C'est pas grave, c'est pas grave. »

Le pot hors d'usage finit rageusement jeté dans le sac du chanteur, et un autre problème se pose, alors ; sa main est couverte de produit tout vert, son visage aussi. Il va manger comment, là ? « D'accord, ma salle de bain me manque peut-être un peu. Un tout petit peu.
– Ils ont pas encore inventé de toile de tente avec salle de bains intégrée, j'en ai bien peur, répond-il avec un petit sourire, avant de fouiller dans son sac pour en sortir un paquet de mouchoirs en papier et un petit sac poubelle. Tiens, essuie-toi avec ça. Tu devrais enlever ce truc horrible que tu as sur la figure, tu ressembles à la moitié d'un Deoxys. » En plus moche, mais ça, il se garde bien de le dire. « Allez, essuie-ça et mange, ça va refroidir. » Il est mignon avec son air tout piteux, Gaspar ; et bien sûr qu'il s'empare du paquet et du sac, même si ça a l'air de clairement l'emmerder, de devoir tout enlever. « Et puis bon, j'sais pas ce que ton crétin de mec te dit, mais t'as pas besoin de ces cochonneries. Pas besoin d'être beau quand on veut être un dresseur. » Et de toute façon il l'est sans ce genre de produits mais ça, il n'y a bien que son regard qui le dit. « Bref. Ça va, c'est bon ? demande-t-il en désignant l'assiette, désireux de ne surtout pas continuer sur ce sujet. »

« Ils ont pas encore inventé de toile de tente avec salle de bains intégrée, j'en ai bien peur.
– Et c'est bien dommage, répond tristement Gaspar en soupirant, saisissant pourtant avec gratitude le mouchoir que lui tend Ollie pour qu'il puisse se débarrasser de la mixture inutilisable sur sa main.
–Tu devrais enlever ce truc horrible que tu as sur la figure, tu ressembles à la moitié d'un Deoxys. »
Ça fait plaisir, se dit le chanteur en pinçant les lèvres dans une petite moue vaguement vexée ; il ne répond pourtant pas, conscient que sur ce coup, ça doit probablement être bien fait pour lui. « Allez, essuie-ça et mange, ça va refroidir. »
Un peu dépité, le dresseur en herbe s'exécute, non sans jeter un coup d'oeil attristé vers son sac, dans lequel a disparu son précieux pot. Il l'aimait bien, ce truc, il sentait bon et ça lui faisait une peau digne de... enfin bref, inutile de ressasser le passé, comme on dit. « Et puis bon, j'sais pas ce que ton crétin de mec te dit, mais t'as pas besoin de ces cochonneries. Pas besoin d'être beau quand on veut être un dresseur.
– Bah, c'est pas lui qui m'a dit d'en prendre en partant. De toute façon il est à Lucinel tout le weekend alors. Puis j'crois qu'il trouve ça débile. » 
Un peu comme tout ce que fait Gaspar à l'exception de la musique, mais bon, inutile de le préciser ; il n'a pas envie de parler de Sacha. Et il en a encore moins envie quand, relevant le nez après avoir saisi son assiette, il croise un regard sombre, perçant, qui lui rappelle de beaucoup trop près ceux qu'Oliver posait sur lui quand ils étaient adolescents et que Gaspar ne comprenait rien. « Bref. Ça va, c'est bon ? 
– Très bon, répond-il, la bouche pleine, en songeant qu'il devait avoir un peu de produit sur la lèvre parce que cette première bouchée a vraiment un drôle de goût. C'est gentil d'avoir fait à manger. J'peux te faire n'importe quoi avec une vraie cuisine, mais là... »
Un peu comme pour la salle de bain finalement, hm ? « C'est pas juste, grogne-t-il, il est super mal fait ce principe de devoir être largué en pleine nature sans le moindre matos quand on veut être dresseur. C'est quoi le principe, on peut pas et être quelqu'un de raffiné, et avoir envie de capturer des Pokémon pour les entraîner ? Paye ta logique hein... »

« Très bon. C'est gentil d'avoir fait à manger. J'peux te faire n'importe quoi avec une vraie cuisine, mais là... » Mais là ils sont en pleine nature, alors ça risque d'être un peu compliqué de dégainer une gazinière. Il sait cuisiner, alors ? C'est marrant, Oliver n'aurait jamais cru ; Gaspar n'aimait pas tout ce qui était manuel, à l'époque, et maintenant il doit quand même bien constaté que beaucoup de choses le dégoûtent, le fatiguent ou simplement ne lui plaisent pas. Il l'imaginait plutôt dans  une villa avec son connard de mari et trois Wimessir pour s'occuper d'eux, pas du tout la main dans la cuisine en train de préparer des trucs. Et ça l'attendrit. Encore, et toujours, ça l'attendrit, comme plus de la moitié des actions de Gaspar, depuis toujours.

« C'est pas juste, il est super mal fait ce principe de devoir être largué en pleine nature sans le moindre matos quand on veut être dresseur. C'est quoi le principe, on peut pas et être quelqu'un de raffiné, et avoir envie de capturer des Pokémon pour les entraîner ? Paye ta logique hein... » C'est un peu  plus compliqué que ça, songe Oliver en prenant une bouchée brûlante dans son assiette, avant de poser tranquillement sa fourchette. « Je pense déjà qu'il te faut du matos pour être dresseur. Juste pas le même que celui dont t'as besoin dans ton petit chez toi, c'est tout. » Tranquillement, il compte avec ses doigts, énumère avec un sourire fin. « Un réchaud, une tente pas trop galère à monter, des réserves de bouffe, une pharmacie, et tout un florilège d'accessoires en plastique pour boire et manger, notamment. » Un couteau multi-usages, aussi. Super important. « J'pense que tu peux être dresseur et rentrer chez toi régulièrement, mais pour entraîner tes Pokémon, mieux vaut être dans la nature. Enfin, c'est ce que mes parents me disaient quand j'voulais être dresseur. » D'un geste du pouce, il désigne sa tente. « Ça c'était à mon père. Un peu avant Myrtha ils m'ont filé tout leur vieux matos, mais ça m'avait jamais servi jusqu'à maintenant. Isma m'avait filé deux trois trucs, aussi.  Si tu veux, je t'en passerai, c'est pas comme si j'allais m'en servir. » Comme il aurait aimé, pourtant. Quand il regarde autour de lui, comme la dernière fois, c'est plus évident que jamais.

« Je pense déjà qu'il te faut du matos pour être dresseur. Juste pas le même que celui dont t'as besoin dans ton petit chez toi, c'est tout. »
Bah ils devraient faire un kit du parfait dresseur, ce serait dommage. Gaspar en  a cherché un, et d'ailleurs il en a trouvé un, pour un prix étonamment bas. Ce n'est qu'une fois en caisse qu'il s'est rendu compte que c'était un assortiment de jouets pour enfant avec un faux Pokédex et quelques pokéballs en plastique. « Un réchaud, une tente pas trop galère à monter, des réserves de bouffe, une pharmacie, et tout un florilège d'accessoires en plastique pour boire et manger, notamment. »
Ah, oui, il y a ça aussi. Non parce que Gaspar serait sans doute mort de faim pendant la nuit s'il n'avait pas été avec Oliver, en fait : non seulement il n'avait pris à manger que quelques bonbons pour l'haleine, mais en plus s'il avait pris de quoi cuisiner il n'aurait rien eu pour le manger. La bouteille d'eau, il y a pensé, mais pareil : trente-trois centilitres ne suffisent clairement pas. « J'pense que tu peux être dresseur et rentrer chez toi régulièrement, mais pour entraîner tes Pokémon, mieux vaut être dans la nature. Enfin, c'est ce que mes parents me disaient quand j'voulais être dresseur. »
Oui, c'est bien ce qu'ils se disaient tous les deux à l'époque ; Cassandre et Kyle étaient les modèles d'Oliver, mais aussi ceux de Gaspar. Quelque part, la mère de son ancien meilleur ami a plus rempli le rôle de parent auprès de lui que ne l'a fait son propre père. « Ça c'était à mon père. Un peu avant Myrtha ils m'ont filé tout leur vieux matos, mais ça m'avait jamais servi jusqu'à maintenant. Isma m'avait filé deux trois trucs, aussi.  Si tu veux, je t'en passerai, c'est pas comme si j'allais m'en servir. »
Gaspar ne répond pas immédiatement ; il lève les yeux au ciel et reprend une bouchée de curry parce que c'est vraiment de la frappe ce truc. « Tu t'en sers, là. Et me dis pas que c'est occasionnel, j'te crois pas. »
Même si pour Oliver ce ne sera que quand l'envie le prendra, Gaspar est déjà convaincu qu'elle le prendra souvent. « Si c'est qu'une question de jambe, ça tient pas ; t'as des Pokémon, et quand on s'appuie sur eux et qu'on leur fait confiance, on devient capables de trucs incroyables. »
Ça aussi il en est sûr : il l'a vu à la télé, c'est prouvé dans tous les films qui sont fait sur les merveilleuses histoires de Pokémon avec leurs dresseurs, et c'est même des histoires vraies. « Et si t'aimes pas voyager seul, bah, commence-t-il, enthousiaste, avant de s'arrêter en plein élan et de poursuivre tout de même, plus tristement. ... tu devrais pas avoir de mal à trouver quelqu'un qui sera content de venir avec toi. »

« Tu t'en sers, là. Et me dis pas que c'est occasionnel, j'te crois pas. » Pourtant, c'est un fait : occasionnel, ça l'est. Il ne ressortira sans doute pas sa tente avant des mois, si tant est qu'il la ressorte. Après tout, ça fait des années qu'il l'a, et elle n'avait pas servi jusqu'à maintenant, c'est bien la preuve qu'il est pas fait pour ça, non ? Même s'il passe une bonne soirée, même si Nox vient de se lover contre lui, entre ses jambes en lotus, tout en lui montrant son petit ventre blanc prêt à être gratouillé. Qu'est-ce que j'vais faire de vous ? C'est vrai, il est un peu con, non ? Il a capturé plein de Pokémon, mais il va falloir s'en occuper, et même si son appartement fait la taille d'une maison, il va forcément arriver un moment où ils seront trop, où il faudra s'en occuper. Il n'a rien capturé durant ses voyages dans les autres régions, pourquoi ça le prend maintenant ? A cause de Meleys, sûrement. Et à cause de celui qui a capturé Drogon. Quelque part, et même si Oliver ne croit pas au destin, il faut parfois reconnaître que ce serait la seule bonne réponse.

« Si c'est qu'une question de jambe, ça tient pas ; t'as des Pokémon, et quand on s'appuie sur eux et qu'on leur fait confiance, on devient capables de trucs incroyables.
– Oh bah oui, j'me vois bien m'appuyer sur Choupette ou Nox, tiens, ricane le batteur en toute mauvaise foi, avant de lever les yeux au ciel. » Et s'il capturait quelque chose de plus gros, il ne pourrait pas s'en occuper à cause du groupe. Non, dresseur, c'est pas fait pour lui. « Et si t'aimes pas voyager seul, bah... tu devrais pas avoir de mal à trouver quelqu'un qui sera content de venir avec toi.
– Quelqu'un comme un chanteur qui serait mort en vingt quatre heures si j'avais pas été là, par exemple ? demande-t-il, un sourire moqueur aux lèvres, avant de reprendre une bouchée de bouffe. » Voyager avec Gaspar, c'est la pire des idées, non ? Ce serait de la folie, si encore il avait vécu tout seul, mais là... « Je suis sûr qu'il doit y avoir des applications sur Motismart du genre trouvez votre compagnon de voyage... enfin, on verra. On verra bien. »

Pour l'instant, ce n'est pas d'actualité. Ils terminent leur repas en silence, et Oliver file nettoyer les couverts dans le ruisseau près de la seconde cascade ; quand il revient, Gaspar n'a pas bougé, mais observe sa tente avec circonspection. Peu désireux d'insister à ce sujet, Oliver prend place près de la sienne ; le feu s'éteint tout doucement, mais craque encore entre eux tandis qu'il s'allonge dans la mousse avec un soupir de soulagement. Sa hanche commence à tirer un peu comme tous les soirs, et il n'y a qu'un seul remède à ça ; un bon pétard. « Ça fait du bien quand ça s'arrête, commente-t-il tranquillement en allumant le tube de papier, recrachant la fumée vers le ciel étoilé. C'est magnifique, ici. » Les Lampignon éclairent la clairière d'une lueur bleutée, magique ; la Lumiclairière porte vraiment bien son nom. « C'était des endroits comme ça que j'voulais qu'on aille voir, quand on était gosses. Tu te souviens du Lac Colère ? » Lui, il se rappelle, beaucoup trop, de tout. Et pourtant maintenant qu'il y repense, ça le fait sourire. « Tu voulais y aller parce que t'étais convaincu qu'il y avait vraiment un léviator rouge là-bas. »

« Quelqu'un comme un chanteur qui serait mort en vingt quatre heures si j'avais pas été là, par exemple ? »
Le sourire que répond Gaspar à cette remarque est un peu triste, et il s'en rend tout à fait compte, alors il préfère ne rien dire de plus et hausser les épaules d'un air un peu désolé. Oui, par exemple. « Je suis sûr qu'il doit y avoir des applications sur Motismart du genre trouvez votre compagnon de voyage... enfin, on verra. On verra bien.
– Tu devrais regarder, ce serait vraiment con que tu laisses tout tomber à cause de... tout ça. »
A cause de moi. Sa remarque met fin à la conversation ; de toute façon il a trop faim pour essayer de parler pendant qu'il mange, ça l'obligerait à discuter la bouche pleine et il l'a déjà trop fait pour que continuer soit décent - une autre de ses manies qui horripile Sacha.
Le repas terminé, le chanteur laisse Oliver aller nettoyer la vaisselle ; il aurait bien proposé de le faire mais ça, pour le coup, c'est un peu au-delà de ses capacités : il a toujours eu un lave-vaisselle. Au lieu de tenter quelque chose de stupide, alors, il grattouille gentiment ses Pokémon en jetant quelques coups d'oeil un peu nerveux à sa tente, priant pour qu'elle passe la nuit et cette fois ce n'est pas tant par fierté que par inquiétude. S'il y a des insectes et qu'il n'a nulle-part où se réfugier, il ne va vraiment pas rigoler. « Ça fait du bien quand ça s'arrête. C'est magnifique, ici. »
Oui, c'est vrai, se dit Gaspar en s'étendant lui-aussi le dos dans l'herbe, levant les yeux vers les lueurs qui illuminent les arbres tout autour d'eux. « Carrément, c'est génial, dit-il alors, un fin sourire au coin des lèvres, rêveur.
– C'était des endroits comme ça que j'voulais qu'on aille voir, quand on était gosses. Tu te souviens du Lac Colère ?
– Évidemment, répond-il. On devait y aller tous les deux.
– Tu voulais y aller parce que t'étais convaincu qu'il y avait vraiment un léviator rouge là-bas.
– Attends, lâche-t-il cette fois, en se redressant d'un bond, les yeux écarquillés. Comment ça convaincu ? Y en a pas vraiment un ? »
Et pourquoi il rigole encore, hein ? Cette fois non, pas question de se laisser faire. « Eh eh eh, t'y es allé, toi ? T'as plongé dedans pour tout regarder ? Non, bah alors, t'en sais rien, si ça se trouve il vit tout au fond de l'eau et il sort jamais. »
Bon, d'accord, c'est pas ultra crédible, et il rigole un peu en se laissant retomber lourdement sur le dos. « Arrête avec ton scepticisme là, laisse-moi rêver, tu veux ? »
Il sourit, l'air sans doute un peu con, les yeux rivés vers les étoiles. « Un jour j'aurai un Léviator. »