Une musique épique commence à résonner dans mon oreille gauche. Le genre de chanson qui évoque un voyage, un air enjoué débordant d'énergie et de bonheur. Les notes fusent dans toutes les directions, comme le ruban de Spododo hier soir, virevoltant dans librement. La musique me fait penser au vent. Un vent libérateur. Un vent qui t'emporte et te pousse vers l'avant. Le vent tiède qui lorsque tu ouvres grand les bras, tu as l'impression de pouvoir t'envoler. Le vent qui t'aide à courir plus vite, plus loin, à sauter plus haut. Sans m'en rendre compte, j'accélère le pas, calant la cadence de ma marche au rythme dynamique de la chanson. Une seconde arrive, dans le même genre, c'est une playlist spéciale. Je l'ai appelée "Voyage Rapide". Car elle me motive à aller plus vite, à ne jamais m'arrêter.

Je presse le pas et Galilée adapte sa course flottante à mon rythme. Il semble heureux de me voir motivé et avoir la pêche. Flottant en orbite autour de moi, ses lumières s'illuminent dans un ordre que je reconnais mais dont j'ignore la réelle signification. Je sais que c'est positif, et c'est le principal. Je fredonne l'air que j'écoute tout en portant mon attention sur le lac. Un banc de Carapuce flotte à une dizaine de mètres plus loin, leurs carapaces brillent au soleil, elles s'éloignent pour rejoindre l'autre côté du lac à un rythme aussi assuré que le mien. Deux Manglouton se goinfrent de baies sur mon côté droit, un troisième a grimpé dans un arbre pour en faire tomber ses fruits et les faire partager à ses comparses. J'accélère légèrement le pas afin qu'il ne me suive pas pour réclamer à manger.

Une ombre passe au-dessus de moi. Un taxi Corvaillus. Quelqu'un se rend à Lucinel, sûrement depuis Halosis ou de ses environs. J'aime voler dans ces cabines. Le simple fait de voler dans les airs, je trouve ça époustouflant. Qui sait, peut être qu'un jour Galilée évoluera en Neitram et ses capacités psychiques seront encore plus développées au point de pouvoir nous faire voler haut dans le ciel sans aucun problème. Il peut actuellement me faire flotter, mais sans grande précision et assez lentement. L'exercice psychique lui demande concentration et surtout aucune source de stress ou d'anxiété, sinon il me laisse tomber et panique. Heureusement, il a beaucoup de sang froid Galilée. Pas plus que moi, mais ça c'est parce qu'on me dit être un inconscient, ce qui est pire je pense.

- T'es pas trop fatigué, tu veux pas te reposer dans ta pokéball ? Ou sur le sac à dos ? Je peux te porter si tu veux.

Il réfléchit quelques secondes, comme s'il analysait la constitution de son petit corps fragile et de sa force mentale. Comme s'il se demandait s'il allait arriver à se soulever et flotter jusqu'à Halosis avec ses pouvoirs occultes. La réponse est non car il rentre de lui même dans la pokéball que je garde à sa ceinture après m'avoir fait un signe de la main comme pour me dire "à tout à l'heure !". Galilée est le genre de pokémon qui entre et sort de sa pokéball un peu quand il le souhaite. Il lui est même arrivé de sortir de sa pokéball pour me sauver la vie. J'étais trop absorbé par un croquis que je faisais de la grande tour d'Illumis depuis une route voisine sans me rendre compte qu'un Chevroum allait me foncer dessus. Galilée l'a stoppé dans sa course avant la colision.

Des remous dans l'eau attirent mon attention. Un Poissirène nage avec élégance près du bord. Je sors de ma poche un snack pokémon et l'envoie en direction du poisson blanc et corail. Cette dernière dévore la nourriture en poussant un cri semblable à une vocalise harmonieuse. Je ris doucement en la regardant poursuivre sa route et disparaître dans les eaux profondes de l'Oeil de Lathea. J'aimerais savoir respirer sous l'eau. J'aurais visité le fond de ce lac pour en découvrir les merveilles, peut être m'aurais je fait quelques amis pokémon en leur donnant à manger et ils m'auraient aider à me déplacer plus rapidement et aisément au fond de l'eau. J'aurais pu ensuite en faire un chapitre entier, sur les mystères aquatiques de Lathea. Ou un bouquin entier en plongeant dans chaque lac et chaque mer et océan de Lathea.

Si j'avais eu un pokémon aquatique, il aurait pu me faire traverser le lac jusqu'à Halosis de manière sécurisée, j'aurais gagné du temps, j'aurais pu admirer la vue et même observer les pokémon sous l'eau près de la surface. J'aurais été capable de plonger ma tête sous l'eau tout en étant tracté par un pokémon aquatique juste pour voir ce qui nous entoure dans cette immense étendue d'eau. J'ai déjà vu un Magicarpe donc je me doute qu'il doit y avoir des Léviator au fond de ce lac, tapis dans l'ombre des abysses. Ou alors ils ont tous été capturés par les dresseurs environnants et dés qu'un Léviator fait son apparition, tous les dresseurs viennent dans l'espoir de rajouter ce pokémon surpuissant à leur équipe. Chevaucher un Léviator ça aurait été tellement cool en plus d'être pratique.

Je le vois enfin. Le village. De loin, j'en vois les contours. Je ralentis légèrement la cadence et j'entreprends de boire un peu d'eau. Je commence à transpirer. Sans m'en rendre compte, le soleil a commencé à taper fort et je retrouve la chaleur que j'ai subi la veille dans l'après midi au chemin de l'aller. Fort heureusement, il commence à faire chaud uniquement sur la fin du chemin. D'ici une heure grand max je serai enfin posé devant un bon repas. J'ai été stupide de pas penser à prendre un chapeau ou une casquette. J'en ai. Des tas. J'adore en collectionner. Mais je les utilise surtout en été quand il fait très chaud ou alors dans des zones comme le désert. Je me doutais pas d'en avoir besoin ici près d'un lac dans une zone humide.

Je retrouve le second écouteur et le porte à mon oreille droite, m'enfonçant un peu plus dans l'humeur musicale, en pleine immersion dans le scénario mental que je me fais d'un voyage épique dont je serai le personnage principal. Ce qui est intéressant de souligner car dans mes romans, je ne me mets jamais en valeur, je parle à la troisième personne, je reste très descriptifs. Parfois poétique. Mais je ne dis pas ce que je pense, je ne me donne pas la parole ni ne dit exactement ce que je pense. Je suis comme un vecteur de la nature, de la faune et de la flore. Je la décris avec le plus de justesse possible et je la romance un peu pour la saupoudrer de magie. Donc penser être le personnage principal de mon scénario mental musical alors que je ne le suis pas dans mon roman, c'est bien le comble.

Je distingue de plus en plus les habitations au loin au fur et à mesure que je me rapproche. Je vois les pontons en bois, les nombreuses terrasses en rondins sur l'eau. La couleur des toitures. Quand je serai vieux c'est dans une ville comme ça que je voudrais vivre, finir mes jours. Que ce soit Halosis ou bien j'ai entendu parler d'une ville à Hoenn construite sur l'océan. Les maisons et bâtiments flottent sur des rondins de bois et les habitants sont bercés par le rythme des vagues toute l'année. J'en ai oublié le nom mais je sais déjà que lors de mon périple à Hoenn, c'est là bas que j'irai en premier et potentiellement en faire ma base. Je ne sais pas s'il y a des hotels ou des maisons à louer, mais si c'est le cas je sauterai le pas.

Sur le chemin, je croise un homme. Un pêcheur. Je le reconnais et il me reconnait également. Il est l'un de ceux m'ayant parlé des lumières dans le ciel au-dessus du lac.

- Ooooh jeune homme comment ça va ? Alors ces lumières, comment c'était donc ?

Je souris amicalement, le saluant d'une poignée de main après qu'il m'ait tendu la sienne. Je m'arrête donc pour lui faire la causette quelques minutes.

- C'était magnifique. Merci de m'en avoir parlé, ça valait le coup. Mais j'avais une question. Ce phénomène se déroule toutes les nuits au ciel dégagé ? Ou pas tout le temps ?

Il rit aux éclats.

- Tout le temps. Du moment qu'il fait beau et qu'il y a une légère brise, les Spododo décident de traverser le lac par la voie des airs chaque nuit, c'est comme un jeu pour eux.

Je l'écoute avec curiosité et surprise quand il me dit que c'est tous les soirs comme ça. Il faut absolument que j'emmène Loki voir ça. Je me demande s'il a déjà vu ce phénomène. Il est à Lathea depuis plus longtemps que moi, donc c'est possible.

- Merci en tout cas. Je reviendrai sûrement avant la fin de l'été pour assister à ce phénomène encore quelques soirs et m'imprégner de cette ambiance ... magique.

Il me sourit gentimnt et me tape sur l'épaule amicalement, ravit que ça m'ait donné envie de revenir.

- Allez mon p'tit jeune, je te laisse, je vais pêcher. Hésite pas à revenir quand tu veux, on aime recevoir des gens qui aiment la paix à Halosis.

Et sur ces mots, je lui dis au revoir et l'observe emprunter le chemin que j'ai fait en sens inverse.

Je vois des gens. La ville grandit au fil de mes pas. Certaines personnes travaillent en périphérie de la ville. D'autres passent du bon temps. Certains pêchent sur la rive, des adolescents jouent les pieds dans l'eau. Plus je me raproche d'Halosis, plus je croise de monde. J'augmente le volume de ma musique pour ignorer le brouhaha humain et me concentrer sur mon but. Mon ventre grogne. Je pose mon sac quelques secondes pour en sortir une baie oran et la grignoter en marchant doucement, ça calera ma fringale en attendant d'arriver au restaurant. Il est midi trente cinq, j'avais vu juste, j'arriverai aux alentours de treize heures en ville.

- Bonjour ...

Je lâche de temps en temps à des passants me frôlant presque sur le chemin. Il y a quelques couples qui se sont fait un pic-nic en amoureux et sont étalés sur l'herbe.

Je pense à Leo, mon ex. On faisant ça aussi avant. On se mettait à l'ombre d'un olivier dans les grandes oliveraies à l'ouest de Mesaledo. On discutait pendant des heures. On s'embrassait, on se dévorait des yeux et on se disait à quel point on s'aimait. J'ai un léger pincement au coeur. Je sais que Leo n'est plus pour moi, désormais il est marié. Mais j'aimerais retrouver ce bonheur avec quelqu'un et le partager, même pour un bref instant. Se perdre dans les bras de l'un et l'autre pour un week-end avant de passer à autre chose. Ou mieux encore, trouver quelqu'un qui partage la même philosophie que moi, le même amour que moi pour les voyages et les aventures et qui parcourait le monde à mes côtés pour le restant de nos jours. C'est beau de rêver.