Faisant clignoter ses lumières rouge, jaune et verte, le pokémon psy a l'air reposé et de bonne humeur. J'en conclus que sa nuit s'est bien passé. Généralement, il se lève avant moi et me prépare le petit déjeuner, mais j'en ai pas prévu pour aujourd'hui. J'ai juste quelques snacks à grignoter dans le sac et mon café. Hier soir, je me suis contenté de boeuf séché et de chips. Ce matin ce sera barre de céréale et des baies à partager avec Galilée. À la maison, c'est lui qui cuisine. Mais ce midi, on ira au restaurant d'Halosis pour se relaxer, il n'aura qu'à profiter de la cuisine locale et de l'atmosphère paisible des lieux.

- On va ranger les affaires et rentrer tranquillement au village, ça te dit ?

Je demande à mon ami en m'étirant une nouvelle fois.

Aussitôt dit, voilà que le petit pokémon aux grands pouvoirs psychiques utilise ses dons pour ranger ... absolument tout. J'observe la tente être détachée, pliée et rangée dessus le sac à dos, puis attachée à l'aide de petits ceinturons. Il range le duvet soigneusement plié en forme cylindrique dans le sac, faisant attention à mettre la nourriture sur le dessus pour qu'elle soit facilement accessible. Les bouteilles d'eau sont sur le côté, il ne reste qu'à partir.

- Merci mon beau, t'es ... plus efficace que moi.

Je ramasse mon gilet et l'attache autour de ma taille avant de me mettre en route.

- Allez allons-y, j'aimerais arriver à Halosis pour le repas du midi.

Vu que je me suis levé aux aurores, on arrivera peut-être vers 13h si je ne fais aucune pause, et ça me suffira largement, étant bien reposé et motivé.

Le chemin du retour est plus agréable qu'à l'aller. Hier il faisait chaud et ça me forçait à m'arrêter plusieurs fois pour chercher de l'ombre et boire beaucoup d'eau. Heureusement, j'ai ces gouttes médicinales qui purifient l'eau au bout d'une heure. Donc en arrivant hier après avoir installé la tente, j'ai rempli mes bouteilles vides de l'eau du lac puis rajouté les gouttes pour qu'elle soit potable. Mais ce matin, puisqu'il fait pas encore si chaud, c'est plus agréable de marcher. Galilée flotte en tournoyant autour de moi comme la lune tourne en orbite autour de la Terre. J'aime quand il fait ça, je trouve ça mignon. Il y a beaucoup plus de pokémon sauvage sur le chemin que la veille. Peut-être que les pokémon aiment se lever plus tôt eux aussi ? Ils sont plus matinaux que moi.

- On va trier les photos que tu as prises hier soir une fois arrivés à Halosis, d'accord ? J'ai eu le temps d'en voir quelques unes, elles sont vraiment sublimes.

Je flatte les compétences de photographe de Galilée, ça lui plaît. Il aime se sentir utile et être flatté dans tout ce qu'il fait. Ce pokémon adore autant l'attention qu'on peut lui offrir que l'aide qu'il peut proposer.

- Ce soir on se couchera tôt, j'aimerais revoir un lever de soleil depuis Halosis. L'hôtel que j'ai réservé a des chambres avec des balcons pourvus de chaises et d'une table, on s'installera là pour déjeuner en admirant le lever du soleil, t'en penses quoi ?

Je fais toujours attention de proposer mes plans à Galilée, lui aussi à son mot à dire. C'est rare qu'il me dise non et c'est déjà arrivé deux ou trois fois.

Les rares fois où mon ami pokémon a refusé de suivre le plan, c'était toujours avec une bonne raison. Qu'il soit fatigué, pas très en forme, ou tout simplement parce qu'il jugeait mon plan trop dangereux ou stupide. Une fois il m'a sauvé en m'empêchant de faire une excursion en forêt sous la pluie. Heureusement parce qu'il y avait eu des inondations et de nombreux arbres étaient tombés. Depuis, j'écoute toujours l'avis de Galilée et son instinct infaillible. Il sait les choses mieux que moi et ça me suffit pour être rassuré à chacun de nos voyages lorsqu'il m'accompagne.

- Je me demande quelles sont les spécialités culinaires d'Halosis. J'ai hâte d'y goûter. On commandera un peu de tout et on piochera dans chaque plat, ça te dit ?

Je demande, sachant très bien que le gourmand ne dira pas non.

Les minutes et les heures passent. Je ne me sens pas fatigué et comme prévu la chaleur est moindre par rapport à hier après-midi. Je me sens bien au point de ne m'arrêter qu'une minute le temps de boire un peu d'eau et de partager deux baies oran avec Galilée. J'aurais du me faire un autre café avant de partir et le mettre dans mon thermos, j'aurais pas dit non à un petit café serré pour encore mieux me réveiller. Le vent est tombé, cette même brise qui hier soir transportait les Spododo au gré de sa volonté, donnant un spectacle magnifique et magique.

De temps en temps des pokémon eau se montrer à la surface puis plongeant à nouveau dans les eaux sombres du lac. Dans la forêt sur ma droite, j'entends des cris de pokémon oiseaux qui chantent, parfois des herbes remuent.

Un Gouroutan nous observe en silence à l'orée de la forêt sur ma droite. Il agite son éventail lentement. Je le salue en me penchant légèrement en avant. Je crois que Galilée fait de même en faisant clignoter ses loupiotes au bout de ses membres lui servant de bras. Et le pokémon sauvage ne dit rien, nous regarde nous éloigner. Les Gouroutan ont une aura mystérieuse et presque dangereuse autour d'eux, mieux vaut ne pas les provoquer, même s'ils ne sont pas vraiment connus pour être des pokémon hostiles. Mon téléphone sonne, j'ai reçu un message. Ma mère encore, elle envoie une photo d'Olivia son Olivini. Elle l'aime tellement qu'elle ne peut plus s'empêcher de la prendre en photo pour n'importe quelle raison et l'envoyer à mon père et moi.

"Présente la moi quand je rentre à la maison la prochaine fois, d'accord ?"

Et je joins au message une photo de Galilée et moi en train de marcher.

Mon père qui est dans le group chat me demande où je me trouve et lui envoie ma localisation précise. J'explique aussi dans mon message que j'ai campé au bord du lac et j'ai vu un spectacle lumineux floral magnifique, leur disant qu'il s'agissait d'un nuage gigantesque de Spododo balloté par le vent comme un ruban étoilé. Et avec ça, je leur envoie une photo, l'une des seules que j'ai pris avec le téléphone hier soir. Enfin ... que Galilée a pris après avoir terminé la recharge de papier glacé du polaroïd.

- Oooooh c'est magnifique mon chéri, ça a dû être magique ! Repose toi bien quand même et fais attention sur la route !

Ma mère répond alors que mon père envoie un emoji d'un Famignol émerveillé.

- Promis oui, là je rentre au village le plus proche, je vais manger au restaurant à midi et réserver un hotel pour pouvoir passer le reste de ma journée et la journée de demain à peindre et écrire.

- Veinard. Pense à moi. Et envoie des photos de tes plats.

Répond mon père tout en envoyant un emoji d'un Poussacha envieux.

- Et envoie les photos de tes peintures une fois fini, j'ai hâte de les voir !

Surenchérit maman ajoutant un emoji d'un Couaneton surexcité. Je leur promets de faire ça et je ferme la conversation pour voir les réseaux sociaux. J'accumule encore quelques fans chaque jour grâce à mon publiciste qui utilise aussi mes photos et peintures pour donner envie aux fans d'attendre mon prochain bouquin. Il utilise l'art visuel pour entretenir leur passion et leur impatience, leur donner un avant goût, les faire se poser des questions et émettre des suppositions sur le contenu des prochains ouvrages que j'écrirai. J'envoie les photos envoyées à mes parents à mon publiciste également, il les utilisera en temps et en heure quand il jugera approprié.

- Merci pour les photos, je vais pouvoir en poster deux ou trois durant les prochains mois pour donner quelques indices et bribes d'idées aux lecteurs.

Très professionnel, son message lui ressemble bien, jamais à se détendre celui là. Mais c'est ce qu'il faut, je suis pas assez strict sur moi même en ce qui concerne le monde du travail. Moi j'écris et je voyage, je ne m'attarde pas sur les conventions sociales avec l'aspect hiérarchique dans cet univers. Je prends les gens comme ils sont, je les accepte. Je ne les aime pas tous, mais je les accepte et leur parle d'égal à égal. Les personnes âgées en revanche, je reste respectueux et je garde une certaine déférence. Mais c'est parce que j'étais élevé comme ça avec les mamies du village qui m'aimaient bien.

- De rien, il y en aura encore deux ou trois de plus demain. Bon travail. Courage.

J'essaye de respecter son souhait de rester professionnel et d'entretenir une relation purement centrée sur le travail, et parfois demander comment va la vie, mais d'un commun accord tacite, on doit toujours répondre une phrase dans le genre de "tout va bien, on fait aller", même quand ça va pas trop. Juste une forme de politesse pour passer à autre chose et se concentrer sur ce qui est le plus important : notre métier et le produit de nos efforts.

Je range le téléphone dans ma poche, on a bien avancé. Le chemin est bien délimité, je vois un panneau indiquant la direction d'Halosis et le nombre de kilomètres restant à faire. Quinze kilomètres environ, c'est faisable. J'espère simplement que les restaurants restent ouverts et servent encore le repas du midi, même à quatorze heure si jamais je prends un peu de retard sur le chemin.

Je sors de ma poche gauche un étui cubique dans lesquels mes airpods reposent silencieusement et en sors un seul des deux. Je le mets délicatement dans mon oreille gauche avant de retrouver mon téléphone. J'ouvre une application musicale compilant toutes mes chansons et playlists musicales favorites. J'écoute beaucoup la musique quand je peins, quand je dessine. Parfois même quand j'écris. Elle me permet d'exprimer encore plus d'émotion à travers mes gestes de poignet et le mouvement de mes doigts. Mais puisque je marche, je préfère garder une oreille attentive à Galilée et aux alentours si un quelconque obstacle ou un danger surviendrait. Même si je suis persuadé que mon Lewsor m'avertirait ou me protégerait en utilisant ses pouvoirs psychiques - oui c'est déjà arrivé ... plusieurs fois même - mais je ne peux pas me reposer tout le temps sur lui quand il s'agit de ma survie.