« C'est exactement ce que j'ai l'intention de faire, oui, lui repond-il avec insolence, ignorant parfaitement la pique à peine dissimulée qu'Eva vient de lui envoyer. Et je te signale que puisque tu n'as pas lu mes lettres tu ne sais pas pourquoi j'ai fait de la prison. C'est un peu facile de condamner sans rien savoir, mais bon, je peux pas t'en vouloir. T'es encore en colère. » Oh mais quel preux chevalier, mazette ; il ne lui en veut pas de n'en avoir strictement rien à foutre de sa vie, c'est absolument formidable, elle se sent honorée, Eva, d'être ainsi pardonnée pour son sale caractère par cet idiot qui l'a laissée comme une merde sur un trottoir pendant six ans. D'ailleurs, le regard acide qu'elle lui jette l'avertit déjà avant que sa main se lève de nouveau ; parce que s'il continue sur sa lancée, elle ne sait pas exactement si elle va résister à lui envoyer une deuxième calotte directement dans les maxillaires. Alors qu'il se calme un peu, Dom Juan.

« Si ça t'intéresse, tu me poseras la question. Et Aconit, tu l'as depuis longtemps ? Il a l'air vachement sociable, regarde on dirait qu'il s'est fait un nouveau copain. » Effectivement ; Aconit est en train de jouer avec un Rozbouton, et le courant a l'air de plutôt bien passer, à l'évidence. Curieuse, Eva s'arrête, l'observe ; ce petit Pokémon est très mignon, et elle a toujours beaucoup aimé ses évolutions. Quoi qu'elle ne l'admettra jamais bien sûr, tout comme elle n'admet pas que l'ortide qui débarque ensuite pour effrayer les deux petits l'intéresse tout autant. « C'est un petit bébé, répond-elle en tirant deux Pokéballs de sa poche. Je l'ai trouvé à Nathalia, près des quartiers inhabités. Il était tout seul et il pleurait. » Bon, elle va commencer par le Rozbouton. Il a l'air tellement effrayé par la présence de ce gros Ortide puant que sa capture sera facile. « Je l'ai ramené à la maison, je lui ai donné à manger, et je suis repartie pour voir si je trouvais pas ses parents, mais non. Alors je l'ai gardé. » C'est d'ailleurs grâce à lui qu'elle a eu envie de l'ouvrir, cet élevage. « J'ai aussi un Tritox à la maison. Je vais souvent aux grottes pour lui chercher une femelle mais je fais chou blanc à chaque fois, alors... » Alors elle va sans doute y retourner, hein ? Elle verra bien. « De toute façon il était temps que je parte. Aconit a besoin d'attention presque constante et j'ai pas assez de temps à la maison pour m'en occuper comme je voudrais, j'ai vraiment hâte de vivre toute seule. » Lentement, et alors que le petit Rozbouton remue dans sa pokéball, elle jette à son ex-fiancé un regard entendu. « Complètement toute seule. »

« C'est un petit bébé, lui explique Eva en observant le petit manège des Pokémon dans l'étendue d'herbe. Je l'ai trouvé à Nathalia, près des quartiers inhabités. Il était tout seul et il pleurait. »
Ça aussi, ça lui ressemble bien ; il suffit qu'elle entende un bébé pleurer pour se jeter à son secours. C'est dingue d'avoir un instinct de protection pareil et d'être quand même une connasse caractérielle. Cette femme est fascinante. Et c'est sa femme à lui. « Je l'ai ramené à la maison, je lui ai donné à manger, et je suis repartie pour voir si je trouvais pas ses parents, mais non. Alors je l'ai gardé. »
Oui, forcément, elle n'allait pas le reposer dans la boue et l'abandonner là tout seul. Par contre qu'est-ce qu'elle fait avec ces pokéballs ? Il fronce les sourcils en voyant la première sphère enfermer le petit Rozbouton qui n'avait rien demandé à personne. « J'ai aussi un Tritox à la maison. Je vais souvent aux grottes pour lui chercher une femelle mais je fais chou blanc à chaque fois, alors... »
Eh bah. Cet élevage a l'air de drôlement la motiver pour qu'elle se mette en tête de capturer des Pokémon comme ça, au point de partir en exploration dans les grottes spécialement pour ça. Il ne lui connaissait pas une âme aussi aventurière. « De toute façon il était temps que je parte. Aconit a besoin d'attention presque constante et j'ai pas assez de temps à la maison pour m'en occuper comme je voudrais, j'ai vraiment hâte de vivre toute seule. »
Bah, toute seule, toute seule, ce n'est pas vraiment le propos ; le tout c'est qu'elle ne vive plus dans la maison de ses parents, en fait. « Complètement toute seule. »
Est-ce qu'elle lit dans les pensées ? Ah, ils sont toujours en symbiose, c'est très touchant à constater, mais Jim ne risque pas de le dire à voix haute. « Oh, et ton petit-ami imaginaire ne le prend pas trop mal ? ricane-t-il. Il risque de ne pas bien prendre mon retour non-plus, d'ailleurs. Tu lui diras que tu es déjà prise, du coup, ou je m'en occupe ? Le pauvre. Ça va lui briser le coeur. »
Enfin, s'il en avait un. Mais ce n'est pas le cas. Un homme qui n'existe pas ne peut pas avoir de coeur, hein ? Ou alors un coeur qui n'existe pas. Bref, cette réflexion tourne en rond.
La pokéball dans laquelle le pauvre Rozbouton est enfermé cesse de remuer, et la lumière de capture s'allume. Il hausse les sourcils, et croise les bras en désignant la sphère d'un geste du menton. « Tu sais que c'est interdit, n'est-ce pas ? »

« Oh, et ton petit-ami imaginaire ne le prend pas trop mal ? Il risque de ne pas bien prendre mon retour non-plus, d'ailleurs. Tu lui diras que tu es déjà prise, du coup, ou je m'en occupe ? Le pauvre. Ça va lui briser le coeur. » A vrai dire, songe Eva en observant la Pokéball remuer, Deklan n'est pas du tout du genre jaloux. Au contraire, il l'encourage à sortir le plus possible, parfois seule, parfois avec lui ; c'est important que t'aies tes amis à toi et tes loisirs, ça évite qu'on se marche dessus. Il lui fait du bien, il est très attentionné et Eva se fait souvent violence pour dissimuler ses plus mauvais côtés ; pour cette fois, elle n'a pas envie que ça foire et si le retour de Jim va effectivement compliquer les choses, pas question de s'en formaliser. Deklan va sûrement bien rire de l'audace de cet ex fiancé sorti de prison pour la récupérer comme si elle était encore à lui ; comme si elle avait déjà été à lui. La pokéball s'immobilise et tandis que le pauvre Aconit se retrouve tout seul face à l'ortide agressif qui lui fait face, elle ramasse l'objet, satisfaite.

« Tu sais que c'est interdit, n'est-ce pas ? » Oh non, sérieusement ? Il va vraiment lui sortir ça alors qu'il a passé quatre années derrière les barreaux ? C'est la meilleure. « Pour tout te dire, réplique la jeune femme en ignorant superbement la dernière intervention de son ex-compagnon, je pense qu'il va pas du tout se sentir menacé, en fait, puisque j'ai pas l'intention de le quitter. Mais tu sais, si ça te rassure de te dire qu'il existe pas, ça me pose aucun problème du moment que tu viens pas nous emmerder. » Parce qu'elle ne sait pas si elle aimera Deklan aussi fort qu'elle a aimé Jim, à vrai dire c'est plutôt incomparable. Mais il est gentil avec elle, il ne la presse pas, il l'encourage, il lui consacre le temps dont elle a besoin et elle espère lui rendre la pareille ; une relation plutôt saine, en somme.

Profitant d'un moment d'inattention de la part de l'ortide, Eva lance la seconde Pokéball dans sa direction. « Il a même proposé de m'aider pour installer mes clôtures à Nathalia. Et il respecte tout à fait l'idée que j'aie besoin d'un peu d'indépendance, lui. »

Jim a un peu de mal à comprendre comment le régime Weaver a pu perdre en popularité aussi brutalement. Dans les parcs de Myrtha, jamais personne ne se serait risqué à lancer une pokéball sur un Pokémon sauvage. Pour ne pas mentir, il trouve ça assez désolant. « Pour tout te dire, je pense qu'il va pas du tout se sentir menacé, en fait, puisque j'ai pas l'intention de le quitter. Mais tu sais, si ça te rassure de te dire qu'il existe pas, ça me pose aucun problème du moment que tu viens pas nous emmerder. »
Mais oui, c'est ça. À nouveau, l'homme lève les yeux au ciel ; si elle avait vraiment quelqu'un elle n'aurait pas accepté de venir au restaurant avec lui ce soir, faudrait voir à pas trop le prendre pour un con non-plus. Eva n'a personne d'autre ; ils se sont aimés trop fort pour qu'elle ait renoncé à lui pour de bon, c'est pas possible. Il n'y croit pas une seconde.
Et voilà qu'elle lance une pokéball pour attraper l'Ortide aussi. De mieux en mieux. Il voulait juste jouer, et le voilà enfermé maintenant, c'est génial. « Il a même proposé de m'aider pour installer mes clôtures à Nathalia. Et il respecte tout à fait l'idée que j'aie besoin d'un peu d'indépendance, lui.
– Tu t'es dressé un beau petit portrait de l'homme parfait, dis donc, fait-il en ricanant jaune, parce qu'assister à la capture de ces deux pauvres Pokémon ne le ravit clairement pas. C'était à ce point difficile d'assumer que t'étais parfaitement heureuse avec un salaud comme moi, il a fallu que te fantasmes autre chose ? »
Il secoue la tête. « Me fais pas rire, s'te plaît. C'était pas possible de s'aimer comme on s'aimait sans être dépendants l'un de l'autre, ça a toujours été comme ça et ça sera toujours comme ça. »
Que ça leur plaise ou pas, d'ailleurs. Dans l'absolu ce serait sûrement plus simple pour lui s'il l'avait oubliée pendant son séjour en prison, mais ce n'est absolument pas au programme. « Et c'est toujours interdit, signale-t-il encore en regardant la ball de l'Ortide s'immobiliser à son tour. »

« Tu t'es dressé un beau petit portrait de l'homme parfait, dis donc. C'était à ce point difficile d'assumer que t'étais parfaitement heureuse avec un salaud comme moi, il a fallu que te fantasmes autre chose ? » La voix de Jim a l'air beaucoup plus tendue, soudain. Est-ce parce qu'il commence à douter, ou juste parce qu'elle a ignoré sa petite réflexion de merde ? Sans doute un savant mélange des deux, songe-t-elle en regardant la seconde pokéball bouger, libérant Aconit de sa peur et lui offrant, très probablement, un autre Pokémon à ajouter à son élevage. Quand elle les aura tous installés à Nathalia, ils seront sans doute très contents, quoiqu'il faudra sûrement penser à quelques installations supplémentaires pour les Rozbouton, qui risquent de craindre le manque d'eau pure et de soleil pour se nourrir en dépit de leur double-type. Elle aura le temps d'y penser plus tard, pour l'instant il faut encore qu'elle supporte les fanfaronnades de Jim, et ça lui demande au moins autant de temps que d'énergie.

« Me fais pas rire, s'te plaît. C'était pas possible de s'aimer comme on s'aimait sans être dépendants l'un de l'autre, ça a toujours été comme ça et ça sera toujours comme ça. » C'est dingue d'avoir des idées aussi arrêtées, quand même. Combien de fois se dit-il ce genre de conneries dans la journée pour réussir à s'en convaincre si fort ? Parce qu'elle n'a jamais laissé la moindre trace de confirmation, Eva, bien au contraire, depuis qu'il est arrivé elle n'a accepté son invitation que pour lui poser un joli Sapereau quand il l'attendra devant la porte. Alors quoi ? « Et c'est toujours interdit.
– Et je t'emmerde, réplique-t-elle sur le même ton, en allant ramasser bien sagement la pokéball qu'elle range dans son sac à côté de celle du petit Rozbouton. Tu vas faire quoi, appeler les flics ? » Elle les libèrera dans le jardin tout à l'heure, ou quand elle partira pour Nathalia. Isma sera sûrement très content de voir qu'elle n'a toujours pas lâché l'idée de son élevage, mais en attendant...

« Ecoute, Jim, soupire-t-elle finalement en se redressant pour reprendre sa marche. J'ai pas assez de temps ou d'énergie à te consacrer pour essayer de t'expliquer que je suis plus ta femme, et qu'il va falloir te faire une raison. T'as l'air beaucoup trop convaincu du contraire pour que le simple fait que six ans d'absence auraient déjà dû te mettre la puce à l'oreille, alors : tu verras bien. Par contre je te préviens, ça risque de te faire vraiment drôle quand tu vas redescendre, tu viendras juste pas dire que je t'aurais pas prévenu, hm ? » Il le fera quand même. Il n'a jamais été capable que de lui reprocher toutes ses conneries, et même son départ, à l'évidence. « J'ai pas ouvert tes lettres, je suis pas allée te voir en prison, j'ai pas du tout envie que tu foutes un pied à la maison, j'ai un mec, une vie, et t'en fais plus partie. Si ça peut soulager ta petite conscience de pas me croire, tant mieux cela dit, t'as toujours très bien su te dédouaner de tes responsabilités, aujourd'hui ne fait visiblement pas exception. » Elle ricane, doucement, cherchant des yeux un autre Pokémon susceptible de l'intéresser ; les gardiens ne réprimandent jamais les gens qui capturent, ici. Tout le monde le fait. « Il va sûrement y avoir un moment où il faudra que t'assumes tes conneries, et je serai sûrement aux premières loges, j'ai vraiment hâte, tu peux pas savoir. Mais en attendant, lâche-moi la grappe. Et si j'ai envie de capturer des Pokémon ici je vois pas très bien ce que tu pourrais faire pour m'en empêcher quand bien même j'aurais préféré que tu laisses ta maniaquerie du contrôle en prison à côté de ta dignité, c'est bon ? »

« Et je t'emmerde, lui répond-elle, évidemment. Tu vas faire quoi, appeler les flics ? »
Non, loin de lui cette idée. Il n'est pas sorti de prison pour y envoyer Eva, ce serait quand même un peu contreproductif dans la mesure où il voulait la retrouver. Mais bon, il n'aime pas trop la voir faire ça, c'est tout ; ces Pokémon n'avaient rien demandé. « Ecoute, Jim, continue-t-elle en reprenant sa progression le long du chemin, le forçant à allonger le pas pour ne pas se faire distancer. J'ai pas assez de temps ou d'énergie à te consacrer pour essayer de t'expliquer que je suis plus ta femme, et qu'il va falloir te faire une raison. »
Roh, si elle veut ; après tout ce n'est pas surprenant que son grand délire d'indépendance lui soit monté à la tête pendant qu'il n'était pas là mais ils savent tous les deux que tout va redevenir comme avant, alors qu'elle arrête un peu de contredire tout ce qu'il dit par principe. C'est un peu pénible. Et immature, en plus. « T'as l'air beaucoup trop convaincu du contraire pour que le simple fait que six ans d'absence auraient déjà dû te mettre la puce à l'oreille, alors : tu verras bien. Par contre je te préviens, ça risque de te faire vraiment drôle quand tu vas redescendre, tu viendras juste pas dire que je t'aurais pas prévenu, hm ? »
Elle verra bien comment leur dîner de ce soir se passera ; quand elle tombera sous son charme comme au premier jour elle changera sûrement de discours. Il avait juste besoin qu'elle lui donne l'opportunité de discuter, et c'est ce qu'elle a accepté de faire, alors... elle peut bien dire ce qu'elle veut. « J'ai pas ouvert tes lettres, je suis pas allée te voir en prison, j'ai pas du tout envie que tu foutes un pied à la maison, j'ai un mec, une vie, et t'en fais plus partie. Si ça peut soulager ta petite conscience de pas me croire, tant mieux cela dit, t'as toujours très bien su te dédouaner de tes responsabilités, aujourd'hui ne fait visiblement pas exception. »
Ah bon sang c'est l'hôpital qui se fout de la charité ; d'ailleurs il rigole, un peu, mais il ne répond pas. Il n'a pas envie de se disputer avec elle aujourd'hui. « Il va sûrement y avoir un moment où il faudra que t'assumes tes conneries, et je serai sûrement aux premières loges, j'ai vraiment hâte, tu peux pas savoir. Mais en attendant, lâche-moi la grappe. Et si j'ai envie de capturer des Pokémon ici je vois pas très bien ce que tu pourrais faire pour m'en empêcher quand bien même j'aurais préféré que tu laisses ta maniaquerie du contrôle en prison à côté de ta dignité, c'est bon ?
– Je t'empêche de rien du tout, je te rappelle les règles, mais bon, de toute façon t'as jamais eu besoin de mon approbation pour faire ce que tu voulais. »
Et d'ailleurs c'était un peu énervant ça aussi, mais bon ; il hausse les épaules. « J'ai toujours très bien assumé mes conneries, je te signale. C'est pas pour faire joli que j'ai passé quatre putains d'années en prison sans faire d'histoire. J'attendais juste le moment de sortir pour te retrouver, et ce moment est arrivé alors... dis ce que tu veux, je suis content, explique-t-il simplement, s'apaisant lui-même par des paroles qui, malgré l'exaspération, expriment la plus stricte des vérités. Tu m'as horriblement manqué, tous les jours. J'me ferai pardonner pour cette absence beaucoup trop longue, tu verras. Je commencerai ce soir, t'auras le grand jeu au restaurant, c'est promis. »
Et alors qu'il s'apprête à détailler ce qu'il entend par-là, un grand cri tout aigu de tout petit Pokémon se fait entendre derrière eux. Surpris, l'homme s'arrête et se retourne, juste à temps pour voir un tout petit Rozbouton l'esquiver de justesse et se jeter sur les jambes d'Eva dans le but manifeste de... l'attaquer ? « Hep-là, doucement toi, fait-il en se penchant pour attraper le petit Pokémon dans ses mains. Il a l'air vraiment très énervé contre toi... tu as dû kidnapper son copain. »

« Je t'empêche de rien du tout, je te rappelle les règles, mais bon, de toute façon t'as jamais eu besoin de mon approbation pour faire ce que tu voulais. » Non, en effet, elle ne lui a jamais rien demandé ; et pourtant Jim n'a jamais pu s'empêcher de lui donner son avis sur à peu près tous les sujets y compris ceux qui ne le concernaient pas. Maintenant qu'il est sorti, et maintenant qu'il sait pour l'élevage, il va sans doute vouloir fourrer son nez dedans ; mais cette fois, pas question. Parce que c'est à elle, c'est son projet, c'est sa vie qu'elle est en train de construire et il y a six ans, Jim a décidé que la sienne, de vie, n'était plus avec elle. Qu'importe alors qu'il ait voulu faire demi-tour plus tôt, et qu'importent les raisons pour lesquelles il est resté quatre ans dans une cellule, il y était pendant qu'elle tenait sa famille à bout de bras. Alors surtout qu'il la ferme, avec ses réflexions à la petite semaine.

« J'ai toujours très bien assumé mes conneries, je te signale. C'est pas pour faire joli que j'ai passé quatre putains d'années en prison sans faire d'histoire. J'attendais juste le moment de sortir pour te retrouver, et ce moment est arrivé alors... dis ce que tu veux, je suis content. » Formidable, alors c'est vraiment super s'il est content, songe Eva en levant les yeux au ciel, totalement exaspérée. Qu'elle ne le soit pas en revanche, cela ressemble à un détail absolument insignifiant pour monsieur Ryder, hein ? « Tu m'as horriblement manqué, tous les jours. J'me ferai pardonner pour cette absence beaucoup trop longue, tu verras. Je commencerai ce soir, t'auras le grand jeu au restaurant, c'est promis. » Oui, sans doute. Un grand jeu qu'elle ne verra pas, mais elle demandera sans doute à quelqu'un de prendre une photo de ça. Il n'y a rien qui fait plus plaisir à Eva que de coiffer au poteau l'imbécile qu'il est, Jim, quand il commence à faire le coq ; quand il commence à considérer qu'une chose lui est due et qu'il finit par constater qu'en vérité, elle ne l'a jamais été. A commencer par elle.

D'ailleurs elle s'apprête à ignorer parfaitement la suite du beau discours de son ex-fiancé, quand un cri perçant suivi d'un choc contre sa jambe lui fait froncer les sourcils, baisser le nez. Près d'elle, un Rozbouton est en train de mettre des coups de tête dans ses mollets, furieusement. Qu'est-ce qui lui prend, à celui-là ? « Hep-là, doucement toi, dit Jim en saisissant le Pokémon braillard, qui se débat en couinant et en lui jetant une série de regards furieux. Il a l'air vraiment très énervé contre toi... tu as dû kidnapper son copain.
– Dis-moi si c'est une femelle, si c'est le cas elle pourra repartir avec moi aussi, répond-elle très calmement, sans sortir ses Pokéballs pour autant. Dans le cas contraire tu pourras lui expliquer les conséquences de séparations longues, hm ? »

Bien sûr qu'elle ne rate jamais une occasion, Eva. S'il se croit tout permis, il déchantera, ou il se mettra en colère et quelque part, c'est peut-être un peu tout ce qu'elle attend. « Au fait, tu as l'intention d'aller voir les autres ? demande-t-elle finalement, en tournant la tête. Ils habitent un peu partout maintenant, mais bon t'as l'air d'avoir gardé ta voiture, hm ? Isma habite à Enoville, Laz est à Thiapolis, Soan s'est barré à Lucinel... et Isa est un peu partout, bon courage pour le trouver. Enfin, il y en aura sûrement un qui sera d'accord pour te loger je suppose. »

« Dis-moi si c'est une femelle, si c'est le cas elle pourra repartir avec moi aussi. »
Ah oui et c'est quoi le principe, qu'il vérifie ça comme ça, en vrac, comme s'il essayait de connaître la variété de la pomme de terre qu'il a dans les mains ? Ce n'est pas un objet, bon sang. « Dans le cas contraire tu pourras lui expliquer les conséquences de séparations longues, hm ?
– Oui, ou les conséquences des kidnappings sauvages dans une zone supposée tranquille pour les Pokémon. Enfin, la séparation posera problème seulement si la Rozbouton que tu as capturée le tient pour responsable de la situation, alors que clairement... il n'a rien demandé, lui. »
À part à ce que son copain soit libéré, mais de toute évidence ce pauvre petit n'obtiendra pas gain de cause, songe Jim en retenant un soupir, adressant un regard désolé au Pokémon qui se débat toujours. Il devrait le reposer, mais étant donnée la façon dont il foudroie Eva du regard, il y a de bonnes chances pour qu'il se remette à l'attaquer. Et tout le monde sait que les Rozbouton sont des Pokémon dont les attaques peuvent être empoisonnées, alors autant le garder dans ses mains le temps qu'il accepte l'évidence : son ami vient d'être enlevé et c'est parfaitement normal de ne rien avoir à y redire, apparemment. « Au fait, tu as l'intention d'aller voir les autres ? reprend Eva sur le ton de la conversation. Ils habitent un peu partout maintenant, mais bon t'as l'air d'avoir gardé ta voiture, hm ? Isma habite à Enoville, Laz est à Thiapolis, Soan s'est barré à Lucinel... et Isa est un peu partout, bon courage pour le trouver. Enfin, il y en aura sûrement un qui sera d'accord pour te loger je suppose.
– Oh, tu t'inquiètes pour moi ? Je suis flatté mais t'en fais pas, je suis pas à la rue. Et puis je te rappelle que j'ai une chambre à la maison. »
La maison familiale, oui, celle des parents d'Eva. D'ailleurs la chambre est sûrement celle d'Eva aussi mais après tout c'était la leur, ça implique bien qu'il y soit chez lui, n'en déplaise à la harpie. « Mais j'irai effectivement voir tout le monde, ils m'ont manqué aussi. J'aurai pu vendre ma voiture pour payer ma caution si quelqu'un avait lu mes lettres et décidé d'engager les démarches de libération mais écoute... »
Il hausse les épaules, l'air de rien, et tient contre son ventre le petit Rozbouton qui ne gesticule plus maintenant, épuisé de trop s'être débattu. « J'ai passé quatre ans enfermé mais au moins la voiture est toujours là alors je pourrai aller voir tout le monde. On peut même en profiter pour aller au restau ailleurs qu'à Castlerain d'ailleurs, si t'as une préférence... »

« Oh, tu t'inquiètes pour moi ? Je suis flatté mais t'en fais pas, je suis pas à la rue. Et puis je te rappelle que j'ai une chambre à la maison. » Ah oui, et laquelle, la sienne ? Encore une fois, Jim risque d'avoir une sacrée surprise, dans la mesure où il est absolument hors de question qu'il dorme avec elle. Ils ne sont plus ensemble, il va quand même bien falloir qu'il se mette ça dans le crâne mais de toute évidence, il va certainement falloir qu'Eva change de tactique. Le répéter à cors et à cris ne fait que l'amuser, comme à chaque fois que Jim est persuadé de quelque chose, et rien ne pourra le faire changer d'avis. Rien, sinon l'évidence, et lorsqu'il se retrouvera tout seul comme un idiot à la porte d'un restaurant où elle ne sera pas, cela lui mettra sans nul doute la puce à l'oreille, songe-t-elle en surveillant Aconit du coin de l'oeil. Mais tout va bien ; son Pokémon fait connaissance avec les autres, sans agressivité.

« Mais j'irai effectivement voir tout le monde, ils m'ont manqué aussi. J'aurai pu vendre ma voiture pour payer ma caution si quelqu'un avait lu mes lettres et décidé d'engager les démarches de libération mais écoute...
– Ah, oui, ce serait sans doute arrivé si la destinataire desdites lettres en avait eu quelque chose à foutre, répond-elle, tranquille, en haussant les épaules précisement en même temps que lui. » Qu'il ne se fasse pas d'illusions, si Eva n'a jamais brûlé les lettres que Jim lui a envoyées depuis la prison, ce n'est pas pour autant qu'elle a eu envie de les lire. Ou peut-être que si ; et c'est sans doute pour ça qu'elle les a soigneusement placées dans un carton en se faisant la promesse de ne jamais en ouvrir une seule, d'ailleurs.

« J'ai passé quatre ans enfermé mais au moins la voiture est toujours là alors je pourrai aller voir tout le monde. On peut même en profiter pour aller au restau ailleurs qu'à Castlerain d'ailleurs, si t'as une préférence...
– Pourquoi pas ? » Elle est beaucoup plus détendue maintenant, Eva ; parce qu'elle va effectivement changer de technique et elle sait que ce sera beaucoup plus douloureux si Jim y croit que si elle continue de se débattre. « Il me semble qu'il y avait un resto plutôt sympa du côté de Jaeda. Ou Enoville... Hm, et un autre à Nathalia, j'ai plus les adresses, il faudra que je jette un coup d'oeil en rentrant, j'ai pas pris mon Motismart. » Le changement brusque d'humeur de la jeune femme devrait mettre la puce à l'oreille de Jim, mais il est beaucoup trop content pour ça, l'imbécile. « Je te donnerai mon nouveau numéro d'ailleurs, j'en ai changé. Et j'aurai peut-être même eu le temps de remettre la main sur mon corset... le noir. Je viendrai par mes propres moyens, par contre, pas besoin de passer me prendre. »

« Pourquoi pas ? lui répond une Eva visiblement beaucoup plus calme. »
C'est vraiment bizarre, elle a toujours été lunatique mais là, elle y va fort quand même. Il y a quinze secondes elle lui disait qu'elle en avait absolument rien à foutre qu'il soit resté en prison quatre longues années à cause d'elle et maintenant elle est tout à fait paisible à l'idée d'avoir accepté un restaurant avec lui alors qu'elle prétendait ne pas vouloir en entendre parler. En général, quand elle reconnaît avoir envie de quelque chose alors qu'elle prétendait l'inverse, elle fait un peu plus la gueule que ça. Est-ce qu'on lui a diagnostiqué une bipolarité ? « Il me semble qu'il y avait un resto plutôt sympa du côté de Jaeda. Ou Enoville... Hm, et un autre à Nathalia, j'ai plus les adresses, il faudra que je jette un coup d'oeil en rentrant, j'ai pas pris mon Motismart. »
Bah, qu'elle ne s'inquiète pas, du moment qu'ils ont une adresse pour dîner ce soir ça importe assez peu, à vrai dire. Quoique ça ne l'étonnerait pas que son hésitation soit due au fait qu'elle se rappelle mal duquel de ces trois restaurants est le plus cher ; elle va vouloir le faire raquer pour se venger, c'est ça ? Se venger de quoi, c'est un mystère, mais peu importe, c'est sûrement ça qui la calme alors il ne va pas se plaindre et il paiera ce qu'elle veut. « Je te donnerai mon nouveau numéro d'ailleurs, j'en ai changé. Et j'aurai peut-être même eu le temps de remettre la main sur mon corset... le noir. Je viendrai par mes propres moyens, par contre, pas besoin de passer me prendre.
– Le noir ? fait-il, un peu rêveur, soudain. C'est un revirement inattendu, je dois dire, mais je ne risque pas de m'en plaindre... »
Loin de là, même, il n'a qu'à l'imaginer dans ce corset pour avoir presque hâte que ce rendez-vous tant attendu soit terminé. Mais il vaut mieux qu'il ne s'emballe pas trop vite. « Au fait, tu vas élever quel type de Pokémon, à Nathalia ? C'est pas vraiment hospitalier comme coin, j'espère que t'es équipée... »

« Le noir ? » Ah, oui. Jim a passé quatre années en prison, ça a dû lui manquer, hein ? Il suffit de voir ce grand air d'imbécile heureux qu'il prend alors qu'elle hoche la tête l'air de rien, noyant le Magicarpe ; mais Eva est en colère, bien plus en colère que Jim peut l'imaginer, et lorsque viendra le moment où il le comprendra, il regrettera sans doute de ne pas être reparti au moment où elle le lui a dit, sur le pas de la porte, quand il n'avait pas encore franchi le pallier de la maison familiale pour venir s'imposer dans sa vie après tout ce temps en défection. Eva ne pardonne pas, pas quand elle ne reçoit pas d'excuses, et le chagrin qu'elle a ressenti, le terrible sentiment d'abandon, de trahison, il le paiera au centuple.

« C'est un revirement inattendu, je dois dire, mais je ne risque pas de m'en plaindre...
– Si tu as des souvenirs de ce corset, effectivement. » Tant pis pour toi, songe-t-elle sans le moindre regret. Plusieurs fois, elle lui a demandé de partir, si Jim reste c'est qu'il ne pourra comprendre la leçon que par la manière forte. Il y a quelques années, Eva l'aurait sûrement repris sans trop protester. Si un an après son départ, Jim était revenu avec des fleurs et ce joli sourire, il aurait sans doute quand même reçu une sacrée gifle, mais il s'en serait bien mieux tiré.

« Au fait, tu vas élever quel type de Pokémon, à Nathalia ? C'est pas vraiment hospitalier comme coin, j'espère que t'es équipée...
– J'ai pas choisi le terrain par hasard, figure-toi, réplique-t-elle aussitôt, immédiatement agacée par cette maudite manie de fourrer son nez dans ses affaires. J'ai l'intention d'élever des Pokémon de type poison, donc ils seront plutôt bien là-bas. D'ailleurs je vais sûrement déménager dans les prochains jours. » Si Jim décide de s'imposer dans sa chambre, elle dormira chez Deklan en attendant de pouvoir charger ses cartons dans le coffre rouillé de sa vieille trapanelle. « Et toi, alors ? Qu'est-ce que tu comptes faire ? Je sais pas si ton cabinet a été vendu. »

« J'ai pas choisi le terrain par hasard, figure-toi, rétorque Eva d'un ton apparemment agacé, bien qu'il ne comprenne pas pourquoi. »
Jim s'inquiète juste qu'elle soit bien protégée des effets néfastes de la zone ; les abords de Nathalia ne sont pas connus pour leurs étendues d'herbe fraiche ou leurs jolies fleurs, hein. « J'ai l'intention d'élever des Pokémon de type poison, donc ils seront plutôt bien là-bas. D'ailleurs je vais sûrement déménager dans les prochains jours. »
Le poison, ça lui va plutôt bien, songe-t-il sans trop savoir s'il est dépité par ce constat ou s'il est attendri. Tu ressembles à une Malamandre. Il se rappelle lui avoir dit ça, un soir. C'était déjà vrai à l'époque, ça l'est encore aujourd'hui. « Et toi, alors ? Qu'est-ce que tu comptes faire ? Je sais pas si ton cabinet a été vendu.
– Je ne sais pas non-plus, il faudra que je vérifie, répond-il, songeur. J'ai prévu d'aller faire un tour à Nathalia dans quelques jours, justement, je dois y retrouver Fairya Pinkman. Elle est éleveuse aussi, son nom te dit peut-être quelque chose. »
L'air de rien, l'ancien médecin coule un regard vers la femme qui marche près de lui. Fut un temps, Eva n'aimait pas vraiment qu'il parle des filles qu'il fréquentait, surtout quand il parlait de les voir dans un cadre qui n'était pas strictement professionnel. Non pas qu'elle ait vraiment eu l'habitude de partir dans des colères noires à ce sujet, mais il savait reconnaître sa contrariété. Est-ce que c'est encore le cas ? Si oui, elle s'applique à bien le cacher, et lui il n'a pas l'intention de pousser le bouchon trop loin de toute façon. « Elle m'a filé un coup de main à ma sortie de prison, j'avais pas l'intention de me pointer chez toi sans passer chez le coiffeur et acheter des fringues décentes alors j'ai passé quelques jours là-bas. J'avais vraiment besoin d'un nouveau costume, les autres étaient trop petits et je voulais surtout pas avoir l'air d'un clown pour te retrouver. »