« Oh arrête hein, tu dis ça pour me faire peur, je suis sûr que... AH ! » Un cri de petite fille retentit à côté de lui et Gaspar fait littéralement un grand bond de peur ; il ne lui fait pas peur hein ? Il en ricane, Oliver, alors que le short du chanteur est enfin arraché à la prise des ronces, déchirant impitoyablement les pauvres vêtements flambants neufs. C'est le métier qui rentre, après tout, songe le batteur en tournant  la tête pour voir ce qui lui a fait peur ; à priori, un petit Chenipote.

« C'est... c'était quoi ça ?!
– Un Chenipote, Gaspar, répond tranquillement le batteur en fouillant dans ses poches pour trouver ses clopes, non sans jeter un regard désolé au petit Pokémon sauvage qui les observe sans rien comprendre.
– La Lumiclairière bordel, pourquoi ils ont appelé ça avec un nom aussi mignon et buccolique si c'est plein de ronces et d'horribles insectes ?!
– Parce que les insectes ne sont pas horribles, pour commencer. » Cette fois, et alors qu'ils se rapprochent d'un gros caillou près du torrent, Oliver lui jette un regard sévère. « En partant comme une furie tu t'es bouffé un bosquet de ronces, et tu as dérangé un petit Pokémon qui est chez lui contrairement à toi. Alors tu ferais mieux de t'en excuser, plutôt que de lui faire de la peine comme ça. »  Il voit bien que le chanteur ouvre la bouche pour protester ; sauf que de protestation, il n'y aura pas, quand il pose une main sur son épaule pour le forcer à s'asseoir avant de fouiller dans son sac à la recherche de désinfectant. « Tu veux être dresseur ? C'est par ça qu'il faut que tu commences. Les Pokélovers sont des gros cons, mais ils ont raison au moins sur le fait qu'il faut être gentil avec les innocents. Allez, fais voir ta jambe, j'vais m'occuper de ça. » Le blond obéit ; et lui il soupire. « Dresseur tout seul, c'est courageux, hein, mais pour les débuts, t'aurais dû te trouver un compagnon de route, tu sais. »  

« Parce que les insectes ne sont pas horribles, pour commencer. »
Si. Bien sûr que si, ils sont horribles, moches, gluants et répugnants. Et Oliver peut le regarder avec cet air féroce s'il veut, c'est sexy mais ça ne risque pas de le guérir de sa phobie des insectes, ça va. « En partant comme une furie tu t'es bouffé un bosquet de ronces, et tu as dérangé un petit Pokémon qui est chez lui contrairement à toi. Alors tu ferais mieux de t'en excuser, plutôt que de lui faire de la peine comme ça. » 
De s'excuser ? A un Pokémon qui doit avoir un cerveau de la taille d'un grain de sable ? Gaspar lève les yeux au ciel, vexé par la leçon de morale qu'il n'a absolument pas demandée, et se penche pour regarder l'état de ses jambes. Bien sûr, maintenant ça saigne, et son short est foutu. Misère. « Tu veux être dresseur ? C'est par ça qu'il faut que tu commences. Les Pokélovers sont des gros cons, mais ils ont raison au moins sur le fait qu'il faut être gentil avec les innocents. Allez, fais voir ta jambe, j'vais m'occuper de ça. »
Très bien, Oliver Weaver, j'ai saisi, ne répond-il pas, conscient que pour le coup, ça, ça passerait mal. Il se contente de lui donner sagement sa jambe et de pincer les lèvres pour ne pas couiner au contact du désinfectant. « Dresseur tout seul, c'est courageux, hein, mais pour les débuts, t'aurais dû te trouver un compagnon de route, tu sais.
– Eh bien j'en ai un, aujourd'hui, répond-il vivement, sans réfléchir, un peu lassé des conseils paternalistes d'Oliver. Figure-toi que les gens avec qui j'pourrais faire ça sont pas ultra-nombreux dans le milieu où je travaille. On croise pas des gars comme toi à tous les coins de rue. »
Sinon il ne serait peut-être pas aussi malheureux à l'idée qu'Oliver, lui, ne soit là que pour sauver son appartement. Il ne serait peut-être pas aussi malheureux tout court, d'ailleurs. Attristé par le fil de ses pensées, il baisse le nez et observe le Chenipotte qui s'approche prudemment depuis un coin de son champ de vision. Le petit a l'air curieux, ses petits yeux effrayants se posent sur le chanteur alors qu'il penche la tête sur le côté, un peu comme l'aurait fait un Caninos. C'est plutôt mignon. « Désolé, soupire-t-il à l'attention du Pokémon. J'voulais pas te faire peur. Mais pour ma défense j'ai eu aussi peur que toi. »
Sinon plus, à vrai dire. Lui il ne se serait pas approché de l'objet de sa frayeur pour dire bonjour.

« Eh bien j'en ai un, aujourd'hui. » Oui, c'est sûr, sauf qu'Oliver n'est pas du tout là dans le but de devenir dresseur, en fait. Il est là pour aller faire un tour, s'aérer, et surtout permettre à Meleys d'être un peu moins insupportable dans les jours qui vont venir. Je partirai pas avec toi. Sa chance, Gaspar l'a laissée passer, et il ne peut s'en prendre qu'à lui-même ; le répéter serait sans doute contre-productif alors il leva seulement les yeux au ciel, avant d'imbiber un coton de désinfectant pour s'occuper de ses petites égratignures. « Figure-toi que les gens avec qui j'pourrais faire ça sont pas ultra-nombreux dans le milieu où je travaille. On croise pas des gars comme toi à tous les coins de rue. » Ah oui ? Pourtant, Oliver est presque certain que si, et même dans l'hypothèse ou ce soit vrai, c'est lui qui est parti, non ? De toute façon, un gars comme lui comme il dit, avec la hanche dans cet état ne pourra jamais prétendre à devenir un grand dresseur. Il est de notoriété publique qu'il a besoin de ses jambes pour en être un, pour voyager, et ce n'est plus possible. Ce sont des choses qui doivent absolument rester dans le passé et tout ça, c'est juste un énorme simulacre de vie, rien de plus.

Alors qu'il s'apprête à répondre, sans vraiment savoir ce qu'il va dire, Oliver est arrêté par le petit Chenipote qui s'avance, prudemment, vers les deux dresseurs. Curieux et pas rancunier, observe le batteur tandis que le Pokémon penche doucement la tête après avoir regardé les coupures de Gaspar. Est-ce qu'il culpabilise ? Et Gaspar, même s'il fait la gueule, est-ce qu'il a au moins retenu ce qu'Oliver vient de lui dire ? « Désolé, j'voulais pas te faire peur. Mais pour ma défense j'ai eu aussi peur que toi. » Ça ne fait aucun doute, vu comme le Chenipote s'approche ; il sent le dresseur tressaillir, et décide de le distraire en posant le coton sur sa peau blessée. « Tu vois, tu t'es fait un copain, observe-t-il, avec un petit sourire narquois et moqueur. C'est quand même pas si compliqué de... EH, Meleys ! aboie-t-il ensuite vers sa Salamèche, qui est tout simplement en train de chercher la merde auprès d'un pauvre Evoli qui s'était caché dans un buisson, et qui n'avait absolument rien demandé. Tu voudrais pas lui foutre la paix, non ?! »

Non bien sûr. Le combat est engagé, et même s'il a déjà un Evoli, il sait déjà qu'il ne résistera pas à l'envie de capturer celui-là aussi. Il soupire, lève les yeux au ciel. Le temps qu'elle se batte, il peut au moins finir de soigner ce grand couillon. « J'sais pas comment est le tien, mais elle elle est infernale. Un vrai caractère de merde, elle écoute absolument rien. » Pour la dresser, il va rigoler cinq minutes.

D'accord, c'est vrai, cet horrible truc est quand même un peu mignon, mais il vaut quand même mieux qu'il ne s'approche pas trop, parce que quand Gaspar parle de phobie, il est assez sérieux : la simple vue de cet insecte rampant vers lui le fait frissonner. Son attention est détournée par le coton qui s'applique sur une coupure et qui le pique, attirant son regard jusqu'aux gestes d'Oliver. « Tu vois, tu t'es fait un copain. C'est quand même pas si compliqué de... EH, Meleys ! »
Un copain, un copain, n'exagérons rien, se dit-il avant de regarder ce qui fait ainsi crier son soigneur du jour. Ah, apparemment c'est la petite furie qui fait des siennes. « Tu voudrais pas lui foutre la paix, non ?! »
Apparemment, la Salamèche est moins réceptive que lui aux conseils de Pokélover en herbe, songe Gaspar en retenant un ricanement. Elle n'a effectivement pas l'air commode du tout, contrairement à Drogon. « J'sais pas comment est le tien, mais elle elle est infernale. Un vrai caractère de merde, elle écoute absolument rien.
– Oh, Drogon est sage. Je savais qu'elle lui manquait parce qu'à chaque fois qu'il sortait de sa pokéball il venait me faire des câlins avec l'air le plus triste du monde, mais il n'a rien détruit du tout dans l'appartement. »
D'ailleurs il a l'air plutôt pacifique avec les Pokémon sauvages, à en juger par la façon dont il agite ses petits bras en couinant, sans doute pour convaincre son amoureuse d'y aller plus doucement. Ça n'a pas l'air très efficace. « Si ça peut te rassurer, y a pas que toi qu'elle écoute pas, observe-t-il avec un petit sourire. Merci pour ma jambe, grâce à toi à toi j'vais peut-être pas mourir. Par contre mon short est foutu... »
Mais il n'a pas envie d'entendre qu'il ne peut s'en prendre qu'à lui-même alors il se lève pour clore le sujet... et bondit en voyant le Chenipotte toujours juste là, qui le fixe avec ses grands yeux. « Euh... oui oui, t'es mignon. Tu peux t'en aller ? »
Sauf qu'au lieu de ça, le Pokémon sauvage se met à briller... briller, briller et « Oh bordel, murmure-t-il en reculant d'un pas, écarquillant les yeux en voyant apparaître un autre Pokémon à la place du premier. Il a évolué... »
Attiré par la lumière vive, Drogon s'est approché, et il se met à pousser de petits cris de joie en applaudissant de ses deux pattes avant, ce qui arrache à Gaspar le sourire le plus attendri du monde. « Tu vois, qu'est-ce que je te disais ? Pas méchant pour deux crédits. »

« Oh, Drogon est sage. Je savais qu'elle lui manquait parce qu'à chaque fois qu'il sortait de sa pokéball il venait me faire des câlins avec l'air le plus triste du monde, mais il n'a rien détruit du tout dans l'appartement. » Eh bah il a bien de la chance, hein, songe Oliver en grimaçant, tandis que le batteur regarde sa dragonne refuser de coopérer. Drogon a beau tenter de la calmer, il n'y a rien à faire ; il le savait, en plus, que les Salamèche femelles étaient de manière générale plus agressifs que les mâles. Mais là, c'est quand même sacrément visible, et si le pauvre Evoli est furieux d'avoir été dérangé, il se bat clairement comme un lion, et elle est forcée de reculer. Bien fait pour toi, ça t'apprendra. « Si ça peut te rassurer, y a pas que toi qu'elle écoute pas.
– Ouais, je vois ça. Quelque part j'serais presque content qu'il ait un répit sans elle, tiens. » Il n'en pense pas un mot, mais elle l'agace, entre le coup de fil qu'il a été obligé de passer et ça, il va quand même falloir qu'elle se calme, cette petite garce, à un moment donné.

« Merci pour ma jambe, grâce à toi à toi j'vais peut-être pas mourir. Par contre mon short est foutu... » Ouais bah ça il fallait y réfléchir avant de se vexer comme un pou, mais alors qu'il s'apprête à répondre, Oliver est stoppé par le petit bond du chanteur, qui échappe au coton qu'il n'avait pas tout à fait fini d'appliquer. Le Chenipote est toujours là et le regarde, sauf que cette fois il ne bouge vraiment plus du tout ; il se passe quoi, exactement ? « Euh... oui oui, t'es mignon. Tu peux t'en aller ? » Mais non, pas du tout, il y a de la lumière soudain, et le Chenipote disparaît... il est en train d'évoluer, là, non ? Oui, son corps grossit, s'arrondit, et Oliver est un peu émerveillé, cette fois, de voir que le petit Pokémon n'attendait visiblement qu'une interaction pour se faire.

Drogon a l'air tout content de voir ça lui aussi, puisqu'il s'est approché pour applaudir ; sa compagne s'en fout, elle essaie de mettre une grande tarte à l'Evoli qui l'esquive sans faillir. Bien, s'il arrive à le capturer, ce sera un vaillant petit combattant, songe-t-il avec bonne humeur. « Tu vois, qu'est-ce que je te disais ? Pas méchant pour deux crédits.
– Effectivement, répond le batteur avec un sourire, avant de tapoter la grosse tête du Salamèche. Ça te dit un Salamèche femelle ? On peut échanger, hein. »
Non, bien entendu, il ne va pas faire ça Gaspar mais il pouvait quand même tenter, l'air de rien. Rapidement, le batteur termine de le soigner, puis range son attirail avant de s'intéresser à l'autre Pokémon. « C'est un Blindalys, observe-t-il, tranquillement. J'suppose que tu veux pas le capturer ? » Non ? Bizarre, songe-t-il avant d'attraper le gros cocon. « On va pas le laisser en plein milieu, c'est un coup à ce qu'il lui arrive des bricoles. Je vais le remettre dans les ronces et après on repart, si on veut pas être surpris par la nuit. J'crois que si on suit le torrent, on va trouver la clairière. »

« Effectivement. Ça te dit un Salamèche femelle ? On peut échanger, hein.
– Ça va merci, répond-il très vite, en jetant un coup d’œil un poil inquiet vers Meleys qui vient de griffer sauvagement le pauvre Evoli qui tangue sur ses petites jambes. »
Une terreur pareil dans son appartement ? Jamais de la vie ; celle-là pour le coup, elle n'a effectivement rien à faire enfermée dans une maison. « C'est un Blindalys. J'suppose que tu veux pas le capturer ?
– Aha, ahaha, non, ricane-t-il avant de refuser fermement, grimaçant lorsqu'Oliver se penche pour prendre dans ses mains le gros truc sûrement très désagréable au toucher.
– On va pas le laisser en plein milieu, c'est un coup à ce qu'il lui arrive des bricoles. Je vais le remettre dans les ronces et après on repart, si on veut pas être surpris par la nuit. J'crois que si on suit le torrent, on va trouver la clairière. 
– Et tu laisses ce pauvre Evoli ici comme ça, monsieur il-faut-respecter-la-nature ? »
Bien sûr que non, et Oliver n'avait pas du tout oublié d'ailleurs, apparemment. Il a déjà une pokéball dans la main. 

L'affaire est très vite réglée, et alors que les deux hommes se remettent en route, Gaspar observe un peu longuement, du coin de l’œil, le petit sourire ravi et fier qui trône distraitement sur le visage d'Oliver. « Pour quelqu'un qui veut pas devenir dresseur, t'as l'air de vachement aimer ça, quand même, dit-il gentiment. Pourquoi tu veux pas essayer ? Puisque Mallory est champion maintenant tu dois avoir pas mal de temps libre. »

« Et tu laisses ce pauvre Evoli ici comme ça, monsieur il-faut-respecter-la-nature ? » Ça sort d'où ça, exactement ? Tandis qu'il dépose le Blindalys dans le couvert des ronces, Oliver hausse un sourcil ; ça veut dire quoi, ça, il est vexé parce qu'il l'a rabroué à propos du Chenipote ? Bah tant pis pour lui ; il en lève les yeux au ciel d'exaspération Oliver, en lui montrant la Pokéball qu'il tient dans la main. « Tu crois que j'ai pris ça pour jongler, crétin ? » Sans déconner, il va vraiment lui donner une leçon à ce sujet, là ? D'ailleurs ça y est, le pauvre Evoli a pris un formidable coup qui l'a envoyé au tapis ; c'est le moment de lancer, et il est très content d'avoir une nouvelle Pokéball dans les mains, Oliver, tandis qu'il la range dans une poche spéciale de son sac. Ce foutu sac qu'il a acheté la veille, conseillé par le vendeur qui lui disait qu'il était idéal pour les dresseurs. Cela dit, et de fait, c'est complètement vrai, il est hyper pratique.

Finalement, les deux hommes reprennent leur route, et se remettent à longer le torrent sans qu'un insecte vienne perturber leur promenade. Un rapide coup d'oeil à sa gauche lui indique que Silver et Choupette sont toujours en train de s'égayer dans l'eau et c'est rassuré par la proximité de son dresseur que la Minidraco semble enfin se détendre. Tant mieux, avec un peu de chance, sa Mucuscule parviendra peut-être à aider Silver à vaincre sa timidité. Gaspar a besoin d'un Pokémon pour le protéger, pas d'une trouillarde. Lui, il a un léger sourire aux lèvres, très content de sa capture ; avec les Pokémon qu'il a attrapés la dernière fois, ça lui fait deux Evoli et un Nymphali, sa mère risque de tomber complètement gaga. « Pour quelqu'un qui veut pas devenir dresseur, t'as l'air de vachement aimer ça, quand même. » Un peu surpris par la remarque, Oliver se retourne, pour observer le visage avenant du chanteur. « Pourquoi tu veux pas essayer ? Puisque Mallory est champion maintenant tu dois avoir pas mal de temps libre.
– Oui j'en ai, mais c'est pas vraiment la question. »

C'est pas qu'il ne veut pas devenir dresseur. Il en rêve depuis qu'il est gosse, il n'a jamais raté un match diffusé à la télé, il adulait les champions, il a adoré croiser ceux des autres régions. Mais il faut se rendre à l'évidence, et son sourire est peut-être un peu triste quand il hausse les épaules. « J'ai la hanche pétée, j'te rappelle. Une promenade jusqu'à une clairière, c'est pas la même chose que l'entraînement intensif. C'est hors de ma portée depuis longtemps. » Dix ans, pour être précis. Il a fini par se faire une raison, et il se l'était même faite avant. « Et puis tout seul, ça m'intéresse pas. »

« Oui j'en ai, mais c'est pas vraiment la question. »
Ah bon, alors quoi ? Sa hanche ? Il a l'air de bien s'en sortir. Un peu déçu par la sécheresse de la réponse, Gaspar perd doucement son sourire, et détourne le regard pour observer plutôt sa Minidraco qui barbote joyeusement. Au moins, elle, elle ne se prend pas la tête avec toutes ces histoires. Il aimerait bien être un Minidraco. « J'ai la hanche pétée, j'te rappelle. Une promenade jusqu'à une clairière, c'est pas la même chose que l'entraînement intensif. C'est hors de ma portée depuis longtemps. »
Le chanteur n'y croit pas. Certains jours seraient sans aucun doute plus compliqués que d'autres, un peu comme l'autre fois, mais... est-ce que ça l'arrêterait complètement ? Seul, ce serait du suicide. Mais s'il voyage avec quelqu'un ? « Et puis tout seul, ça m'intéresse pas.
– T'es pas obligé d'être tout seul, répond-il du bout des lèvres, en baissant la tête pour faire semblant de regarder où il met les pieds. Je serais content de t'accompagner, si t'avais envie de... d'essayer, au moins, juste d'essayer. »
Lui, ça lui est beaucoup trop souvent arrivé de considérer qu'une chose était perdue d'avance, et de renoncer avant même de commencer. A chaque fois, il l'a regretté, et Oliver est probablement le mieux placé pour en témoigner.

« T'es pas obligé d'être tout seul. » Il fallait s'y attendre, songe Oliver en pinçant les lèvres, détournant le regard. Qu'est-ce qu'il va lui dire, qu'il veut venir avec lui ? Est-ce qu'il a seulement conscience d'à quel point c'est cruel, de lui proposer ça ? Non, sûrement pas. Gaspar a rarement regardé plus loin que le bout de son nez, et ça le dépasse sûrement, de constater que les dix années ont laissé des stigmates dans l'esprit de l'adolescent qu'il a laissé tout seul, qu'il a jeté comme s'il n'était rien. Alors bien sûr qu'il va proposer. Oliver le sait déjà alors même que le chanteur n'a pas encore continué. « Je serais content de t'accompagner, si t'avais envie de... d'essayer, au moins, juste d'essayer. » Toi et moi. On se casse. On part faire le tour de la région, on capture, on s'entraîne, on défonce les arènes et après on voit. Demain, demain on se casse. Promets-le moi.

Combien y'en a-t-il eu, des serments de sioux comme ça, combien de fois ont-ils prononcés cette phrase, l'un comme l'autre ? Oliver a arrêté de compter, et ces promesses n'étaient rien d'autre que du vent, après tout. Les lendemains de ce genre de serments, rien ne se passait, personne ne partait. Il y avait toujours quelque chose pour les en empêcher, leurs parents d'abord, Mallory, les concerts, leur carrière dans laquelle ils étaient en train de s'embourber. Pourtant, il sait Oliver, qu'ils en ont rêvé tous les deux, qu'ils débattaient avec emphase de leur futur équipe, qu'ils sélectionnaient soigneusement quel champion ils allaient affronter en premier avant de s'opposer au maître de la Ligue. Quand après cette nuit-là, Oliver lui avait murmuré qu'ils pouvaient tout plaquer et s'en aller tous les deux, il y croyait, pour de vrai. Il était prêt à faire sa valise pour s'en aller, et Gaspar était parti tout seul. Sa carrière avait grimpé sans lui, il s'était marié avec un autre que lui, il avait décidé de devenir dresseur sans jamais chercher à le retrouver. Quelle valeur avait cette proposition, alors ? « Tu peux pas faire comme si dix années étaient pas passées, après la seule et unique fois où j'ai vraiment cru qu'on pourrait partir ensemble. T'essaye, mais tu peux pas. »

C'est dit d'un ton plus doux, cette fois ; parce que contre toute attente, tout se passe bien et il est trop con pour avoir envie de faire de la peine au chanteur. « J'suis boîteux, j'ai pas envie de passer ma vie à galérer sur les routes, et j'peux pas partir avec toi. Tes choix de vie l'ont absolument pas permis, et le permettront sûrement jamais. Tu crois que Sacha le prendrait comment si tu lui disais que t'allais faire la route avec moi, hein ? » Mal. Cet abruti le prendrait mal mais pour une fois, il aurait entièrement raison. Puis un petit rire s'échappe de ses lèvres, acide. « Et même dans l'hypothèse où tu le ferais quand même. Tu crois vraiment que j'aurais envie que tu rentres chez toi sans arrêt ? C'était pas ce qu'on s'était dit. Y'a quelques temps on s'était promis quelque chose de bien différent de cet espèce de simulacre merdique que tu proposes maintenant. » C'est comme ça. Le temps a suivi son cours, et ils ont été emportés. Maintenant, ils ne sont plus sur les mêmes rives et tenter de traverser pour se rejoindre, ce serait du suicide. « C'est trop tard pour ça. C'était il y a longtemps. » Et il en a trop bavé pour se dire qu'essayer serait une bonne idée, et surtout maintenant.

Est-ce qu'il croit qu'Oliver acceptera ? Gaspar n'en sait rien. Il n'ose pas espérer quoi que ce soit mais maintenant qu'il y pense l'idée est si belle qu'elle anime une petite étincelle dans le fond de sa poitrine ; celle d'un rêve qu'ils avaient tous les deux et qu'ils n'ont pas tout à fait laissé là-bas, dans le tiroir de souvenirs de leur précédente vie. Un peu comme celui des étoiles aux plafond ou des conneries à la batterie. « Tu peux pas faire comme si dix années étaient pas passées, après la seule et unique fois où j'ai vraiment cru qu'on pourrait partir ensemble. T'essaye, mais tu peux pas. »
Ouais, il s'en doutait. La douceur du ton d'Oliver n'arrête absolument pas ce qui vient de pincer le coeur de Gaspar, bien que pour l'instant, il arrive encore à s'en cacher. « J'suis boîteux, j'ai pas envie de passer ma vie à galérer sur les routes, et j'peux pas partir avec toi. Tes choix de vie l'ont absolument pas permis, et le permettront sûrement jamais. Tu crois que Sacha le prendrait comment si tu lui disais que t'allais faire la route avec moi, hein ? »
Il n'en sait rien. Il n'y a pas réfléchi. Et d'ailleurs, il n'a pas envie d'y réfléchir ; mais de toute façon, à entendre Oliver et le petit rire désagréable qu'il échappe, la question ne se pose même pas. « Et même dans l'hypothèse où tu le ferais quand même. Tu crois vraiment que j'aurais envie que tu rentres chez toi sans arrêt ? C'était pas ce qu'on s'était dit. Y'a quelques temps on s'était promis quelque chose de bien différent de cet espèce de simulacre merdique que tu proposes maintenant. »
Cette fois, c'est Gaspar qui sourit, d'un rictus moche, tordu et douloureux. « C'est trop tard pour ça. C'était il y a longtemps.
– Alors qu'est-ce que tu suggères ? demande-t-il un peu abruptement. M'embrasser comme ça parce que l'envie te prend et me rappeler pour me voir seulement parce que ta Salamèche est en train de te rendre la vie impossible et que par malchance c'est moi qui ai le remède ? »
Il pensait qu'il le garderait pour lui, ce reproche, mais de toute évidence, ça lui pesait un peu trop sur le coeur pour qu'il puisse simplement le laisser s'éteindre. « Bien sûr que c'est différent maintenant mais j'me disais que c'était... mieux que rien, j'imagine. »
Gaspar n'a aucune idée de s'il aurait pu s'en contenter ou pas, de ce simulacre merdique. Il aurait tendance à dire que non, mais au moins il aurait voulu essayer, cette fois. Dommage qu'il se réveille trop tard pour ça-aussi ; sa connerie, il la payera tout sa vie et c'est bien fait pour lui, apparemment. Qu'est-ce qu'il est encore allé imaginer ? « Enfin au moins on peut visiter des coins sympas le temps que Meleys prenne sa dose de Drogon, reprend-il d'un ton qui se veut le moins ironique possible alors qu'il relève le nez en s'efforçant d'avoir l'air joyeux et enthousiaste. On va pas tarder à approcher de l'entrée, non ? »

« Alors qu'est-ce que tu suggères ? M'embrasser comme ça parce que l'envie te prend et me rappeler pour me voir seulement parce que ta Salamèche est en train de te rendre la vie impossible et que par malchance c'est moi qui ai le remède ? » Ah, ça lui a pas plu, ça, hein ? Il tourne la tête, Oliver, croise deux yeux très amers, peut-être un peu en colère aussi ; ça lui fait une belle jambe, songe-t-il en serrant les dents, parce qu'il se demande bien pour quelle raison il a été assez con pour se dire qu'elle pourrait bien se passer, cette après-midi. C'était impossible, mort dès le départ, il ne pouvait juste pas accepter de revoir ce mec après ce qu'il s'est passé. Et là, il s'est vexé ? Ou ça l'a blessé ? La belle affaire. La douceur de son ton, visiblement, ça n'a pas suffi, et puisqu'il le prend comme ça, soit ; il ne fera plus aucun effort.

« Bien sûr que c'est différent maintenant mais j'me disais que c'était... mieux que rien, j'imagine. » Ouais, ben si Gaspar aurait pu s'en contenter, c'est pas son cas, à lui. Ça ne l'a jamais été. Même quand ils étaient jeunes, ça le torturait de l'aimer, cet ado malhabile, ça le tuait de savoir que c'était possible mais qu'il n'aurait jamais le courage de lui dire la vérité. Alors maintenant ? Mais dans quel monde il vit, hein ? Il en fronce les sourcils Oliver, manque bien de s'arrêter, et il sait déjà qu'ils vont se disputer, là. « Enfin au moins on peut visiter des coins sympas le temps que Meleys prenne sa dose de Drogon. » Et donc là, il lui fait quoi exactement ? « On va pas tarder à approcher de l'entrée, non ?
– Dans quel putain de monde tu vis, Neskov ? »

C'est sorti tout seul, parce que tant de culot, ça devrait presque être interdit par la loi, en fait. Au milieu du chemin, il s'arrête encore ; les Pokémon aussi, un peu surpris par la véhémence du batteur, mais là, ça va trop loin. « A quoi est-ce que tu t'attendais, au juste ? On s'est recroisés par hasard, on s'est retrouvés coincés, et toutes les excuses que t'as pu faire suffisent pas à réparer c'que t'as fait, pourquoi tu peux pas juste comprendre ça, hein ? » Parce que c'est un égoïste, parce qu'il est stupide et que si avant ça l'attendrissait, maintenant ça l'énerve. « Ce qu'il s'est passé la dernière fois, ça aurait pas dû arriver, j'aurais pas dû faire ça. Et tu sais très bien pourquoi, j'vois pas les raisons qui me pousseraient à faire la route avec toi alors que tu m'as... déglingué, putain, tu m'as déglingué y'a dix ans, j'ai mis des années à essayer d'oublier tout ça, et toi tu reviens, la bouche en coeur et tu voudrais que j'efface tout ? Que j'fasse un effort, qu'on prenne la route comme si on était potes ? Pourquoi j'devrais, hein ? J'y gagne quoi, moi ? J'ai pas confiance en toi. J'ai plus confiance en toi. » Et oui, ça doit faire très mal à entendre, mais tant pis.

Il le foudroie du regard maintenant, Oliver ; ça suffit, il en a marre, il faut que ça s'arrête, et vite. « Pour la dernière et putain de fois, tes choix tu les as faits, et j'ai pas ma place dans ta p'tite vie, j'ai pas envie d'en avoir une, ça me suffit pas, ça me suffira jamais. La seule fois où ça m'a suffi, t'as tout foutu en l'air, et j'm'en fous des raisons qui t'ont poussé à le faire à l'époque, c'est fait. Alors arrête de croire que j'ai envie de... j'sais pas, j'sais même pas c'que tu veux en fait, garder ton petit mari chez toi et me voir de temps en temps parce que ça te manque ? La belle affaire. » Il ricane, c'est douloureux maintenant, quelque chose rate un battement dans sa poitrine. « C'est pas maintenant qu'il faut se réveiller. »

« Dans quel putain de monde tu vis, Neskov ? »
C'était sûr, se dit le chanteur en s'arrêtant, un soupir au bord des lèvres quand il comprend que là, c'est le moment où il se fait engueuler d'avoir été con au point de nourrir quelques espoirs après avoir été embrassé à la sauvage au milieu de nulle-part. Et après avoir reçu un sms qu'il a interprété comme une bête envie de le revoir alors que la nécessité seule motivait le geste d'Oliver, qu'il a donc dû faire à contrecœur. Donc ouais, bien sûr, lui ça l'écoeure de se rendre compte qu'il s'est planté à ce point, et toutes les erreurs qu'il a pu faire dix ans plus tôt ne changent rien à ça.
Irrité, blessé, il relève pourtant les yeux vers Oliver, qui le fixe furieusement. « A quoi est-ce que tu t'attendais, au juste ? On s'est recroisés par hasard, on s'est retrouvés coincés, et toutes les excuses que t'as pu faire suffisent pas à réparer c'que t'as fait, pourquoi tu peux pas juste comprendre ça, hein ? »
Difficile de ne pas le comprendre. Gaspar veut bien être con mais il y a des limites à tout ; c'est bien parce que tout n'est pas pardonnable en claquant les doigts qu'il se disait que se voir de temps en temps pourrait... pourrait quoi d'ailleurs ? Être un bon compromis ? Ça-aussi c'était débile, à l'évidence ; un peu comme la totalité de ce qu'il pense. « Ce qu'il s'est passé la dernière fois, ça aurait pas dû arriver, j'aurais pas dû faire ça. Et tu sais très bien pourquoi, j'vois pas les raisons qui me pousseraient à faire la route avec toi alors que tu m'as... déglingué, putain, tu m'as déglingué y'a dix ans, j'ai mis des années à essayer d'oublier tout ça, et toi tu reviens, la bouche en coeur et tu voudrais que j'efface tout ? Que j'fasse un effort, qu'on prenne la route comme si on était potes ? Pourquoi j'devrais, hein ? J'y gagne quoi, moi ? J'ai pas confiance en toi. J'ai plus confiance en toi. »
C'était difficile à manquer, ça-aussi, mais c'est pas grave, qu'Oliver continue à le prendre pour un crétin ; après tout c'est pas comme si c'était logique et évident de faire le tri entre ce que Gaspar comprend et ce qu'il ne comprend pas. « Pour la dernière et putain de fois, tes choix tu les as faits, et j'ai pas ma place dans ta p'tite vie, j'ai pas envie d'en avoir une, ça me suffit pas, ça me suffira jamais. La seule fois où ça m'a suffi, t'as tout foutu en l'air, et j'm'en fous des raisons qui t'ont poussé à le faire à l'époque, c'est fait. Alors arrête de croire que j'ai envie de... j'sais pas, j'sais même pas c'que tu veux en fait, garder ton petit mari chez toi et me voir de temps en temps parce que ça te manque ? La belle affaire. C'est pas maintenant qu'il faut se réveiller.
– La seule chose que j'te reprochais c'est... de m'avoir rappelé seulement à cause de Meleys. Vraiment désolé d'avoir cru que tu me proposais cette balade parce que t'avais envie de me voir, répond-il simplement, la voix rauque. J'étais juste content de passer un moment avec toi, aujourd'hui. »
Il détourne les yeux, observe furtivement les deux Salamèche qui se sont à nouveau collés l'un à l'autre. « Pour le reste, un simple non aurait suffi. »

De toute façon, il n'a pas envie de se battre. Dans ce genre de combats il sait déjà qu'il ne peut pas gagner. « On continue ? dit-il alors, en désignant le chemin. Enfin à moins que tu préfères y aller sans moi, du coup. J'voudrais pas m'imposer. »

« La seule chose que j'te reprochais c'est... de m'avoir rappelé seulement à cause de Meleys. Vraiment désolé d'avoir cru que tu me proposais cette balade parce que t'avais envie de me voir. » Non. Non, il a pas envie de le voir, il a pas envie de retrouver cette complicité-là, parce qu'elle sera forcément tronquée et il le sait, Oliver. Est-ce que Gaspar a conscience de la façon dont ça l'a rendu malade, d'apprendre qu'il se mariait son chanteur, d'être le témoin forcé de cette putain de mascarade, d'imaginer les mains de Gaspar tenant un autre corps, nouées à d'autres doigts ? Non, hein, il voit pas plus loin que le bout de son nez, il s'en fout ou pire il s'en fout pas mais il n'a rien à lui dire, la situation est pourrie, figée, coincée. Et Oliver, il n'a absolument pas envie de lui dire que dans une autre vie il aurait tout donné pour le voir revenir. Parce qu'il l'aimait, il l'aimait comme un fou, il l'aimait à ne voir que lui à l'époque, et il n'y avait rien qu'il aurait été incapable de faire simplement pour le voir sourire, le rendre heureux, savoir qu'il était là, près de lui. A l'époque, c'était son seul désir. S'il avait eu une seule occasion de retrouver ce garçon qu'il aimait, il l'aurait saisie.

Mais revoir cet homme marié sans avoir le droit de demander plus, en sachant qu'il ne lui ferait jamais suffisamment confiance pour se dire qu'il resterait ? Non. Il n'a pas les épaules et le mental pour ça, il ne veut pas faire la route avec lui et le voir rentrer chez son connard de mec, il n'a pas envie de croiser ses yeux verts et se demander, à chaque fois, pourquoi à l'époque il n'a pas mérité ce qu'il a offert à un autre. Pas envie non plus de passer des nuits blanches, à se demander si ce mec le touche, ce soir, ou s'il est heureux dans ses bras. Rester avec lui, même un peu, c'est accepter une torture qu'il n'a pas envie d'assumer. Plus maintenant, c'est terminé. « J'étais juste content de passer un moment avec toi, aujourd'hui. » Il aurait été heureux, tellement heureux d'entendre ça il y a dix ans. Aujourd'hui pourtant, il n'y a que de l'amertume.

Les deux Salamèche se câlinent, comme pour le narguer, et il détourne le regard, blessé, malheureux, aussi. « Pour le reste, un simple non aurait suffi.
– Je t'ai déjà dit non. Quand tu m'as donné ton numéro, j'avais déjà dit non. » Et il ne l'a pas écouté, il le lui a donné quand même. Puis Meleys a commencé à foutre la merde, et voilà où ils en sont, maintenant. Tout simplement.
« On continue ? Enfin à moins que tu préfères y aller sans moi, du coup. J'voudrais pas m'imposer.
– Arrête. Vraiment, arrête. » Et il avance, Oliver, dans le plus grand des silences. Continuer à lui expliquer reviendrait à parler dans le vent, lui dire comme ça lui fait du mal de voir sa vie ne trouverait que l'écho de son silence et de son étrange soumission. Gaspar est passif devant sa colère, il refuse de discuter, de s'expliquer, de lui dire ce qu'il veut. Il ne veut pas, et Oliver est perdu. « Pourquoi tu veux me revoir ? Pourquoi tu y tiens à ce point ? » Il a tourné la tête, parce que ce n'est pas terminé ; mais ce n'est pas la colère qui parle, bien plus un étrange désespoir. « Tu t'es passé de moi pendant dix ans, alors pourquoi ça t'atteint comme ça, hein ? »