« Bah, tu sais bien qu'il a toujours été un peu soupe-au-lait. »
Cette fois, Gaspar pouffe. Soupe-au-lait ? Nan, lui, il est soupe-au-lait, mais Mallory, il est... est-ce qu'il existe seulement un mot pour le décrire ? Si oui, Gaspar ne le connaît pas, alors il se contente de se rappeler qu'à l'époque il était bien content d'être plutôt du côté de ses amis que de celui de ses ennemis. Et maintenant, il ne peut plus en dire autant. « C'était après un concert, on avait tous bu sauf lui, j't'avoue que je me rappelle pas très bien de ce que je lui ai dit. Mais ça l'a beaucoup énervé. J'me rappelle qu'il m'a dit de sortir, il m'a lâché Sophie dessus, et tu la connais, hein. Elle fait pas trop dans les états d'âme quand il s'agit pas de Mallo. »
Non, effectivement. C'était déjà pas triste quand elle était bébé alors maintenant, il n'ose même pas imaginer l'enfer que ce Pokémon doit être devenu. « Il s'est bouffé une Ball'Ombre en pleine tête et elle allait lui mettre la suite quand je l'ai rappelé. Mallory m'a dit que ça me servirait de leçon au cas où il me viendrait à l'idée d'en redonner aux autres, donc j'pense que j'ai vraiment dit une grosse connerie.
– Ouais enfin est-ce que c'était une raison pour t'humilier comme ça, demande Gaspar dans une question rhétorique en levant les yeux au ciel. »
Il adorait Mallory, à l'époque, mais certaines de ses méthodes ne lui ont jamais vraiment plu. Avant de s'en aller, le chanteur était bien content de ne jamais l'avoir contrarié trop sévèrement. « Il est pas devenu con. Il est... enfin tu sais bien comment il est. Il est pas guéri, ça s'est un peu arrangé mais ça sera jamais un enfant de chœur, hein. Je plains ceux qui vont devoir l'affronter en arène.
– S'il se comporte comme ça avec toi j'ose même pas imaginer ce à quoi j'aurai droit quand moi je l'affronterai, grimace Gaspar en jetant un oeil à Yucca qui renvoie promptement un Minisange dans son arbre. De toute façon je voudrais avoir mon équipe complète avant de tenter les arènes. Et j'ai pas encore trouvé de Magicarpe. »
Et là, il a un flash d'un pauvre Magicarpe entre les mains de Sophie et il pâlit, un peu. « Tu... Mallory sait que tu me revois ? demande-t-il du bout des lèvres, un peu inquiet, tout à coup. »

« S'il se comporte comme ça avec toi j'ose même pas imaginer ce à quoi j'aurai droit quand moi je l'affronterai. » Mallory avait déjà prévenu Oliver qu'il ne lui ferait pas de cadeau, le jour où ils se retrouveraient l'un contre l'autre dans l'arène de Castlerain. Il n'est pas impatient, bien sûr, mais s'il arrive à le battre, au moins il sait qu'il l'aura mérité. Quant à Gaspar ? C'est vrai qu'il ne donne pas cher de sa peau, au vu de la profonde rancoeur qui l'anime quand il s'agit du chanteur. Il lui en veut, et si Oliver a passé douze années à essayer de l'oublier, Mallory, lui, a alimenté cette frustration pas après pas. Quand ils sont revenus à Lathea, pourrir la vie de Gaspar est presque devenu sa mission divine. « De toute façon je voudrais avoir mon équipe complète avant de tenter les arènes. Et j'ai pas encore trouvé de Magicarpe. »

Un Léviator, hein ? Bien entendu, ça lui ressemble bien à Gaspar, même si Oliver a un peu de mal à imaginer un Magicarpe tressautant face à un monstre cruel comme Sophie. Et encore, ce n'est pas la pire ; Sophie ne lui fait pas peur, mais Hatta, lui, il lui fout vraiment les jetons. « Tu... Mallory sait que tu me revois ? » Et là, il grimace, Oliver ; ce sujet-là, il n'avait pas vraiment envie de l'aborder, conscient de se retrouver entre deux feux. Mallory va sûrement lui faire la misère, et ça il le sait déjà avant même d'avoir l'idée de lui en parler. « Pas encore, répond-il, peut-être d'une petite voix. Je l'ai pas vu aujourd'hui, il entraînait ses Pokémon. Et je lui ai pas dit qu'on s'était revus dans la Lande, comme je pensais que... enfin que j'allais pas te revoir, donc. » Donc il n'avait pas envie d'entendre son meilleur ami péter les plombs pour rien, en somme. C'est plutôt louable, non ? Pas courageux, certes, mais au moins il a évité une dispute inutile.

« J'ai l'intention de lui en parler, mais j'sais déjà que ça va pas bien se passer du tout. » Et c'est un euphémisme, se dit-il en coulant un regard vers le chanteur. « Il... tu sais, il aime pas grand monde, Mallo, et toi il t'aimait beaucoup. Il est... toujours très en colère. Encore plus que moi alors que bon, hein. Techniquement celui qui devrait avoir le plus de mal à pardonner c'est pas lui, mais. Enfin, il a plus ou moins vu ton départ comme une trahison. » Il a complètement vu le départ de Gaspar comme une trahison, en fait. « Sauf que vu que... enfin j'sais pas, je comptais lui en parler quand tu divorcerais, mais je suppose que j'vais devoir le faire avant, tu prieras pour moi ? » Parce que là, concrètement, il va vraiment en avoir besoin.

Ce n'est pas très compliqué de comprendre ce que cette grimace veut dire : non, Mallory ne sait rien. C'est assez amusant comme cette affirmation est à la fois rassurante et inquiétante. S'il ne sait pas, il ne risque pas - ou du moins, pas plus - de lui tomber sur la gueule pour lui refaire le portrait. Mais si Oliver ne lui a rien dit alors ça veut dire qu'il craint sa réaction et ça c'est mauvais signe. « Pas encore. Je l'ai pas vu aujourd'hui, il entraînait ses Pokémon. Et je lui ai pas dit qu'on s'était revus dans la Lande, comme je pensais que... enfin que j'allais pas te revoir, donc. »
Ah oui, c'est vrai, songe Gaspar en réprimant une grimace à son tour ; ils ne se seraient jamais revus et ils auraient manqué cette chance de vivre leur rêve ensemble - et dans le cas d'Ollie, de vivre son rêve tout court - si Meleys n'avait pas tout cramé. C'est amusant, d'un côté, et de l'autre c'est un peu triste quand même. « J'ai l'intention de lui en parler, mais j'sais déjà que ça va pas bien se passer du tout. »
Une seconde, le chanteur se demande à quel point, mais il prononce pas sa question à voix haute parce que le regard inquiet que lui jette son amant le convainc qu'en fait, non, il ne veut pas le savoir. « Il... tu sais, il aime pas grand monde, Mallo, et toi il t'aimait beaucoup. Il est... toujours très en colère. Encore plus que moi alors que bon, hein. Techniquement celui qui devrait avoir le plus de mal à pardonner c'est pas lui, mais. Enfin, il a plus ou moins vu ton départ comme une trahison. »
Plus ou moins ? C'est vrai ce mensonge ? Gaspar a du mal à ne pas grimacer, cette fois ; il pince les lèvres en baissant le nez. Il n'est pas fier de ce qu'il a fait. « Sauf que vu que... enfin j'sais pas, je comptais lui en parler quand tu divorcerais, mais je suppose que j'vais devoir le faire avant, tu prieras pour moi ?
– Hm! essaie-t-il de rire, sans aucun succès. J'vais pas t'obliger à lui dire, mais quelque chose me dit qu'il vaut mieux qu'il l'apprenne de ta bouche que de celle de quelqu'un d'autre. »
Il n'a pas vraiment hâte, lui non-plus, il faut bien le dire. « Tu crois que... j'devrais essayer de lui parler ? Pour lui expliquer, je sais pas... ou m'excuser. Comme ça il me mettra son poing dans la gueule et on en parlera plus, si ? »
Il ricane ; non, ça ne pourra pas se passer comme ça avec Mallory, il le sait très bien. « Il a raison de m'en vouloir, j'suis pas fier de moi. Mais... »
Gaspar ne termine pas sa phrase, ou si, mais avec un long soupir triste bien plus qu'avec des mots. Mais j'aime pas l'idée qu'il me déteste encore aujourd'hui. Alors qu'il a changé, qu'il a grandi et qu'il s'est rendu compte du mal qu'il avait fait. S'il existait une formule magique pour réparer ses conneries, ça l'arrangerait vraiment beaucoup, là.

« Hm! » Et il a bien raison d'en rire, parce que là, Oliver le sait, il peut numéroter ses abattis. Mais que serait la vie sans prise de risque, après tout ? Et puis, il ne va pas avoir le choix. S'il reprend Gaspar, s'ils décident de recommencer, de se mettre ensemble et d'essayer pour de vrai, il ne sortira pas Mallory de sa vie pour autant. Alors ces deux-là, ils vont sûrement devoir se réconcilier, hein ? « J'vais pas t'obliger à lui dire, mais quelque chose me dit qu'il vaut mieux qu'il l'apprenne de ta bouche que de celle de quelqu'un d'autre. » Oh, oui. Pour le moment personne n'est au courant, mais Mallory n'accepterait pas de savoir après quelqu'un d'autre une nouvelle comme celle-ci ; ce serait un coup à le rendre vraiment fou de rage, et il n'en a aucune envie. La discussion va être houleuse, alors mieux vaut essayer d'être sage, et de faire les choses correctement, quand bien même le batteur n'aurait absolument aucune envie d'être confronté à la colère de son meilleur ami. Sauf que s'il n'est pas capable de subir ça, il ne sera pas capable de subir grand chose, alors...

« Tu crois que... j'devrais essayer de lui parler ? Pour lui expliquer, je sais pas... ou m'excuser. Comme ça il me mettra son poing dans la gueule et on en parlera plus, si ? » Cette fois, Oliver hausse un sourcil. T'es sûr que tu t'en rappelles ? Parce que des excuses ne suffiront jamais à Mallory, jamais. Il raye les gens de sa vie et il n'y a pas de retour en arrière possible ; mieux vaut se placer du côté de ses alliés, et Gaspar n'en fait plus partie. Ce qu'il va tenter, il ne l'a encore jamais fait, et il n'a pas la moindre idée de savoir si ça va marcher ou non. Si Mallo n'est pas trop con, il ne va pas lui demander de choisir entre Gaspar et lui. Sauf que Mallory est vraiment très con, la plupart du temps, alors il ne donne clairement pas cher de sa peau. « Il a raison de m'en vouloir, j'suis pas fier de moi. Mais... »

Il soupire, son chanteur, et Oliver raffermit sa prise en douceur au creux de sa paume. Il lui sourit, encourageant, parce que si Mallo doit être leur première épreuve, alors soit. « Mieux vaut que tu restes en-dehors de ça pour le moment. Je lui en parlerai vite, d'accord ? Mais toi... mieux vaut que tu ne le revoies que quand je te donnerai le feu vert, sinon tu cours droit au casse-pipe. » Et il vient à peine de le retrouver alors ça serait vraiment bien s'il pouvait le garder, un peu. Avant qu'il se fasse crucifier, par exemple. Mais avant d'ajouter quoi que ce soit, c'est un drôle de cri qui l'alerte et lui fait lever le nez ; un peu plus loin dans un buisson, il semble y avoir un Pokémon en danger. « T'as entendu ça ? » Demande-t-il, alors que Yucca et Calypso se précipitent vers le bruit. Un cri se sa Tarsal suivi d'un pépiement à fendre l'âme lui font lâcher la main de son amant, accélérer le pas. Lorsqu'il écarte le buisson pour regarder à l'intérieur... son coeur se craquelle en voyant le Pokémon qui se cache, apeuré. « C'est un Nirondelle, souffle-t-il en se penchant malgré la douleur. Regarde son aile... » D'accord, ils n'ont pas le droit de capturer de Pokémon. Mais en sauver, ils peuvent ou pas ?

Quelle situation de merde, se dit Gaspar en retenant un soupir de plus, n'osant même pas imaginer ce qui l'attend si d'aventure il devait croiser la route de Mallory un jour, dans l'arène ou pas. La main qui se noue un peu plus étroitement à la sienne a le mérite de l'arracher à ses sombres idées. « Mieux vaut que tu restes en-dehors de ça pour le moment. Je lui en parlerai vite, d'accord ? Mais toi... mieux vaut que tu ne le revoies que quand je te donnerai le feu vert, sinon tu cours droit au casse-pipe. »
Vite, vite, il n'est pas obligé de faire ça demain non-plus, parce que tant qu'à faire Gaspar aimerait bien profiter un peu de sa présence avant de finir désossé par un Ectoplasma aussi taré que son dresseur, mais il n'a pas le temps de le préciser. Un bruit parmi les autres dans le parc infesté de Pokémon attire son attention. « T'as entendu ça ?
– Euh, non ? »
Mais si, les Pokémon se dirigent en courant vers l'origine d'un bruit de plus qui résonne et que cette fois, Gaspar différencie de tous les autres qu'il capte sans y faire attention depuis qu'ils sont là. Intrigués, les deux hommes les suivent... puis accélèrent quand le son semble clairement être un appel de détresse. Resté un peu en retrait, Gaspar laisse Oliver dégager le buisson, puis se penche pour voir ce qui se passe. « C'est un Nirondelle. Regarde son aile... »
Oliver ramasse le petit Pokémon blessé entre ses mains ; clairement, ça doit faire mal, se dit le chanteur en grimaçant, avisant l'aile presque totalement retournée du petit oiseau. « Merde alors, souffle-t-il. On peut pas le laisser comme ça... tu crois qu'on doit l'apporter au Centre Pokémon ? »
Ils sont ouverts pendant la nuit aussi, justement pour ce genre de cas, non ? « A moins que tu veuilles essayer de le soigner là mais... j'y connais rien moi en Nirondelle. »

Il a l'air vraiment très mal en point, le pauvre petit Nirondelle ; son aile pend mollement à côté de lui, et s'il pépie de peur et de colère lorsqu'Oliver tend les mains pour l'attraper, le batteur décide de ne pas en faire grand cas ; cette pauvre petite bestiole a besoin de soins, et c'est une drôle d'inquiétude qui lui transperce la poitrine, quand dans les yeux du Pokémon, il revoit comme dans ses cauchemars une forme étalée sur le ventre, sous une avalanche de gravats, la hanche brisée et criant pour être sorti de là. Ces cris le hantent souvent, la nuit, même dix années après ; pas question de laisser ce Nirondelle tout seul, il faut absolument le sauver. « Merde alors, on peut pas le laisser comme ça... tu crois qu'on doit l'apporter au Centre Pokémon ? » Oh oui, et vite ; est-ce qu'ils vont pouvoir la réparer, cette aile ? Est-ce qu'il est tombé, ce pauvre Pokémon ? Oliver n'ose pas trop manipuler la créature sauvage de peur de lui infliger plus de souffrances encore ; entre ses doigts, il est tout mou, et à sentir l'évidente faiblesse de ses plaintes qui émanent de son bec, c'est tout son corps à lui qui frissonne d'horreur. Oui, il faut absolument l'amener au centre Pokémon.

« A moins que tu veuilles essayer de le soigner là mais... j'y connais rien moi en Nirondelle.
– Moi non plus, répond le jeune homme, très pâle maintenant, quand il attire le Pokémon contre lui d'un bras, amenant son autre main à sa canne. Il y a un centre pas loin de chez moi juste à l'entrée du parc, on va l'amener là. Allez, faut faire vite. »
Sauf que vite, Oliver ne sait plus vraiment ce que c'est ; vite, c'est quand il savait courir au lieu de boiter pitoyablement sur le chemin de promenade pavé, entraîné par Gaspar qui lui jette de brefs coups d'oeil inquiets. Parce qu'il prend furieusement appui sur sa canne pour avancer, qu'il observe régulièrement le Nirondelle qui se tord de souffrance par intervalles, comme si son aile lui envoyait de cruelles décharges de douleur. Par chance, le centre n'est pas très loin ; en une dizaine de minutes de marche un peu sportive, ils atteignent les portes automatiques, et s'engouffrent à l'intérieur.

La situation est rapidement expliquée à l'infirmière aux cheveux roses, qui sourit doucement en ôtant la Nirondelle des bras du dresseur. Est-ce que c'est votre Pokémon ? Non, elle est sauvage, mais Oliver sait déjà qu'il ne la laissera pas ; d'après l'infirmière, l'aile est trop touchée pour que le pauvre Pokémon ait une vie normale même après ses soins. Elle aura peut-être du mal à voler comme les autres. C'est étrange, l'écho qui sonne dans sa poitrine comme un terrible coup de gong, et qui le poursuit alors qu'il sort, accompagné d'un Gaspar qui a doucement saisi sa main. Attendez un peu dehors, je reviendrai vous chercher quand elle ira un peu mieux. En attendant ils sont là, comme deux cons ; cigarette au bec, Oliver fume en silence, pendant de longues secondes. Ce n'est que lorsqu'une main, douce, se pose sur son épaule qu'il finit par tourner la tête, peut-être un peu trop perturbé pour une histoire d'aile brisée et de Pokémon en détresse. Mais ce regard, bordel, il est sûr d'avoir eu le même, dix ans auparavant. « T'étais où, toi ? demande-t-il, en suivant le fil de ses pensées avant de se rendre compte que Gaspar ne pourra pas comprendre, en l'état. Quand ça s'est passé, à Myrtha. »

« Moi non plus. Il y a un centre pas loin de chez moi juste à l'entrée du parc, on va l'amener là. Allez, faut faire vite.
– Je te suis. »
Il le suit, oui, et plusieurs fois Gaspar a envie de proposer à Oliver de tenir le Pokémon blessé pour qu'il puisse au moins se déplacer un peu mieux, mais la série de regards tout simplement paniqués que jette son amant au Nirondelle le convainc que là, rien ni personne ne pourrait séparer le dresseur du Pokémon. La raison de cet étrange instinct de protection échappe totalement au chanteur, lequel est certes inquiet pour ce petit blessé, mais certainement pas autant qu'Oliver ; peu importe. Pour l'instant il n'a pas le temps de poser de questions et il accompagne sans discuter le batteur et son protégé jusqu'au Centre Pokémon.

Ollie a tout simplement l'air sous le choc, quand il regarde le Nirondelle disparaître dans les couloirs du Centre, escorté par une escouade de Leveinard. On dirait qu'il a vu un fantôme, et il ne réagit même pas aux paroles rassurantes de l'infirmière avant que Gaspar lui-même ne prenne doucement sa main pour l'emmener dehors, remerciant l'hôtesse au passage. Peu désireux de briser le silence dans lequel son amant s'est plongé, le chanteur s'assoit simplement avec lui et accepte une cigarette sans un mot. Qu'est-ce qui t'arrive ? ne demande-t-il que d'un regard, alors que ni l'un ni l'autre ne parle. Pourquoi c'est si important, cette histoire ? C'est comme si Ollie avait vu une partie de lui-même lui être arrachée.
La tige de tabac est à moitié consumée quand, subitement, le musicien sort de son mutisme. « T'étais où, toi ? Quand ça s'est passé, à Myrtha. »
D'abord perdu par le manque de contexte autour de la question, Gaspar se reprend vite, et répond du bout des lèvres, comprenant enfin le lien entre l'angoisse de son amant et ce petit Pokémon blessé. « J'étais en concert à Enoville. On a tout arrêté quand les gens dans la salle ont commencé à paniquer à cause des infos sur leur Motismart, nous on comprenait absolument pas ce qui se passait. »
C'est un peu con à dire à quelqu'un qui y était, qui a tout pris sur la gueule directement. De là où il était, lui, ça avait l'air irréel ; il n'avait pas remis les pieds à Myrtha depuis son départ, deux ans plus tôt. Douze maintenant. Il tend la main, et saisit doucement, quoiqu'un peu maladroitement les doigts d'Oliver. « Tu as envie d'en parler ? »

C'est sûrement très con, c'est même complètement débile, cet étrange parallèle qu'il est en train de faire, Oliver. Pourtant, il ne peut pas s'en empêcher ; cette souffrance, cette détresse, il l'a ressentie, lui. Quand on l'a privé de sa mobilité, c'était comme le priver de sa vie, de ses jambes, de ses rêves. A peine rassuré quand on lui a assuré qu'il pourrait reprendre la batterie à peu près normalement, c'est Isma qui, à l'époque, a fait les frais de ses premières effusions de rage. Quand le jeune baroudeur lui a proposé de venir avec lui, ça a été comme une abominable décharge électrique ; Et comment j'suis supposé faire ça ? lui a-t-il craché à la figure, à cloche-pieds ? En fauteuil roulant ? Tu sais que j'peux plus alors arrête. Et aujourd'hui, alors que ce rêve lui paraît si accessible, ce drôle d'incident si soudain le ramène à tout ce qu'il n'arrivera plus jamais à faire. Courir. Sauter par-dessus un obstacle, grimper, il ne pourra plus jamais. Comment alors, pourra-t-il seulement prétendre à suivre quelqu'un sur la voie qu'il rêve d'emprunter, aura-t-il seulement cette prétention ? Non, sans doute pas. Tout ça, à cause de Myrtha. Et quand il tourne la tête vers Gaspar, ce n'est que de l'inquiétude qui l'étreint, certes mais une inquiétude profonde, ancrée, qui ne l'a jamais quitté même lorsqu'il était persuadé de s'être résigné, d'avoir renoncé.

« J'étais en concert à Enoville. On a tout arrêté quand les gens dans la salle ont commencé à paniquer à cause des infos sur leur Motismart, nous on comprenait absolument pas ce qui se passait. » Eux non plus. Ils n'ont pas compris, personne n'a compris, et personne ne se souvient. Ces terribles questionnements durent depuis dix ans, chaque année au moment de la commémoration des morts de Myrtha les études fleuristent, toutes plus stupides les unes que les autres, sur les origines de la destruction de la ville. Personne ne comprend et lui peut s'estimer heureux de n'avoir perdu que l'usage partiel de ses jambes. Certains, comme les Esperanza, ont dû porter le deuil d'un enfant de huit ans. « Tu as envie d'en parler ? » Est-ce qu'il en a envie ? Il a même envoyé chier Mallory quand ce dernier a eu l'audace de lui poser la même question. Quand c'est arrivé, tout le monde a quitté la ville par les moyens du bord et par chance, Mallory n'était pas à Myrtha. Alors, est-ce qu'après dix ans il va accepter d'en reparler autrement que comme d'habitude, légèrement, sans entrer dans les détails ? Il soupire. Se penche, écrase sa cigarette, puis en prend aussitôt une autre.

« On était chez nous quand ça a commencé. J'me rappelle de presque rien, juste... d'un bruit horrible, de flashs de lumière et des immeubles qui tombaient comme des châteaux de cartes. C'est tout. » Quand celui d'à côté s'est effondré, ils sont enfuis en courant, ont essayé de rejoindre la voiture familiale. Et puis... « La maison m'est tombée sur la gueule, j'men souviens à peine. J'me rappelle très bien quand je me suis réveillé par contre. J'étais dans le noir, et quelque chose de très lourd m'écrasait le bassin. Ils ont mis quelques heures à me sortir de là. J'ai eu une extinction de voix pendant deux semaines après ça parce que... j'ai pas mal crié pour qu'on me trouve. » Et ensuite, c'est le cauchemar qui n'a fait que continuer. Il en ricane un peu, même. « J'avais déjà renoncé à devenir dresseur quand t'es parti mais... quand on m'a dit que j'allais plus jamais marcher correctement, enfin. Tu te rappelles de moi, avant ? » Oui. Sûrement que oui. Bien sûr que oui, même. « A l'époque j'crois que j'aurais préféré crever sous la maison plutôt que de vivre ça. Maintenant ça va mieux, mais... » Cette petite Nirondelle, qui par instinct va avoir besoin de ses ailes, que se passera-t-il quand elle se rendra compte qu'elle ne pourra peut-être plus jamais voler ?

Bien sûr, Oliver n'est pas obligé d'en parler et Gaspar ne le forcera jamais à rien, mais à la façon dont ça a l'air de le torturer ce soir, il se dit que ça lui fera peut-être du bien. En tout cas, il l'espère et si ce n'est pas le cas, il sera là, comme Ollie aura besoin qu'il soit. La dévotion dont le chanteur se sent capable envers son amant ne connaît plus de limites, désormais. Alors il attend et, voyant que le musicien prend une inspiration, il écoute. « On était chez nous quand ça a commencé. J'me rappelle de presque rien, juste... d'un bruit horrible, de flashs de lumière et des immeubles qui tombaient comme des châteaux de cartes. C'est tout. »
C'est tout ce qui en ressort, de la part de tous ceux qui y étaient ; et c'est tout ce qu'on peut voir, de loin, sur les caméras de surveillance qui ont filmé la scène par pure inadvertance. « La maison m'est tombée sur la gueule, j'men souviens à peine. J'me rappelle très bien quand je me suis réveillé par contre. J'étais dans le noir, et quelque chose de très lourd m'écrasait le bassin. Ils ont mis quelques heures à me sortir de là. J'ai eu une extinction de voix pendant deux semaines après ça parce que... j'ai pas mal crié pour qu'on me trouve. »
Et il a bien fait, sinon peut-être qu'il serait mort là-bas, songe Gaspar avec une horreur semblable à celle qui l'a traversé la première fois qu'Ollie lui en a parlé. S'il avait dû mourir là-bas, le chanteur ne se le serait jamais pardonné, même si techniquement il n'a rien à voir avec ce cataclysme. « J'avais déjà renoncé à devenir dresseur quand t'es parti mais... quand on m'a dit que j'allais plus jamais marcher correctement, enfin. Tu te rappelles de moi, avant ? »
Bien sûr, répond-il en silence, hochant doucement la tête. « A l'époque j'crois que j'aurais préféré crever sous la maison plutôt que de vivre ça. Maintenant ça va mieux, mais...
– Est-ce que tu as essayé, depuis, de partir un peu en vadrouille ? demande Gaspar du bout des lèvres, après un bref silence. J'veux dire, vraiment essayé, sans partir du principe que de toute façon t'y arriverais pas ? »
Non ? C'est bien ce qu'il pensait, se dit-il, dessinant un doux sourire sur son visage en posant délicatement sa paume sur la jambe d'Oliver. « Alors tu sais pas de quoi t'es capable. J'sais que c'est facile à dire pour moi mais... il faut pas abandonner. »
Après tout, abandonner, à l'un comme l'autre, ça ne leur a pas beaucoup réussi jusqu'à maintenant, hein ? Combien de temps ils ont perdu parce qu'ils n'ont pas voulu essayer ? « Et ce sera pareil pour ce Nirondelle, renchérit-il avec douceur, en cherchant le regard d'Oliver. J'suis sûr qu'il va y arriver, s'il est assez encouragé. »

« Est-ce que tu as essayé, depuis, de partir un peu en vadrouille ? J'veux dire, vraiment essayé, sans partir du principe que de toute façon t'y arriverais pas ? » Est-ce qu'il a essayé en dix ans ? Oui ? Non ? Il n'en sait rien. Dans les différentes régions qu'Oliver a visitées, il lui est arrivé de s'isoler pour essayer de penser à autre chose, de ne pas se formaliser, s'enfermer dans un schéma de vie à l'intérieur duquel il aurait toujours eu le sentiment de manquer de quelque chose. Dans ces fausses échappées, il y trouvait un semblant de liberté, mais ce masque qu'il avait décidé d'enfiler ne dissimulait que la résignation latente qui l'attendait à la sortie, dès l'instant où ses pieds se posaient dans l'entrée de son appartement, de sa chambre d'hôtel. Les conclusions étaient toujours les mêmes, et peu importait alors combien de temps il avait fait semblant de mener une autre vie tout en sachant que ce n'était pas le cas : il était seul. Il le serait sûrement toujours et même si les gens qui l'entouraient l'aimaient au moins autant qu'il espérait que Gaspar l'avait aimé, cela n'avait jamais rempli le trou profond que le chanteur avait laissé au creux de sa poitrine en partant. Et cela n'avait jamais consolidé sa hanche, celle-là même qui lui avait empêché de partir.

Alors, il secoue la tête. Nombre de fois il s'est imaginé tout plaquer, Mallory, le groupe, sa petite vie de batteur souriant et déconneur malgré sa blessure, comme le putain de guerrier qu'il n'était pas, l'homme solide qu'il ne serait jamais. Souvent, il s'est dit qu'il allait partir, qu'il ferait son sac et disparaîtrait comme Isma l'avait si égoïstement fait, sans plus donner de nouvelles jusqu'à réapparaître un jour peut-être, lorsque le temps serait clément, lorsqu'il n'aurait plus l'impression d'être seul au monde mais plutôt d'avoir trouvé sa voie. A chaque fois, ces rêves-là trouvaient un écho dans le creux de pensées anciennes, puis disparaissaient aussitôt qu'elles venaient, laissant la place à des songes plus sombres, des cris dans le noir et la poussière et la douleur, cuisante, qui lui écrasait la poitrine et les hanches. Alors, il renonçait. Encore une fois.

Une paume se pose finalement sur sa jambe et lui fait relever la tête ; ces songes-là, Oliver n'y avait pas pensé depuis des semaines, ou des mois il ne sait plus. Cela faisait longtemps, et ça ne lui avait pas manqué. Douter ce soir, ce n'est pas la meilleure des idées, pas maintenant qu'il a enfin le droit d'avoir de l'espoir, quand bien même ça ne serait pas gagné. Dans les yeux d'eau sale de l'homme qu'il n'a jamais cessé d'aimer, c'est bien ce sentiment qui domine, et qui prend toute la place. Aujourd'hui, et sans doute dans les mois à venir, c'est au tour du chanteur de prendre cette place si familière qu'Oliver occupait avant, quand Gaspar était seul, quand il souffrait et que son seul pansement était celui que le batteur appliquait sur son coeur meurtri à chaque fois qu'il en avait besoin. Maintenant, c'est à lui de le faire, et c'est presque étrangement qu'il le fait bien, constate un Ollie un peu désemparé, devant l'effective douceur de cet amant secret dont le regard vert brille, ce soir, comme il a si souvent brillé pour lui mille années auparavant. « Alors tu sais pas de quoi t'es capable. J'sais que c'est facile à dire pour moi mais... il faut pas abandonner. »

Il a raison. Abandonner, ça ne lui a pas réussi, ces dix années de résignation n'ont fait que renforcer son amertume envers le monde entier. Oliver aussi a envie d'y croire. Il veut pouvoir se dire qu'il a réussi, ça a l'air si con vu comme ça, ce besoin qu'il a de partir en paix, sans regrets, sans remords. Seulement avec la satisfaction simple d'avoir assez vécu pour ne pas avoir envie de revenir en arrière, et pas seul. Surtout pas seul. « Et ce sera pareil pour ce Nirondelle. J'suis sûr qu'il va y arriver, s'il est assez encouragé.
– Quoi, tu voudrais que je l'adopte ? répond-il avec un petit rire, avant de comprendre que le chanteur est sérieux. J'sais pas, j'ai déjà pas mal de Pokémon... et elle a sûrement besoin de beaucoup de temps, j'sais pas si Mallo va beaucoup m'en accorder, alors... » Mais qui le fera, si ce n'est pas lui ? Qui voudra d'un Nirondelle à peine capable de voler, survivra-t-elle à la vie sauvage, même dans le parc Pokélovers ? Non, de toute manière il n'a pas le choix ; elle a besoin de lui, comme il a eu besoin d'aide à l'époque, et cet écho ne souffre d'aucune équivoque. S'il l'a trouvée, ce n'est pas un hasard. « T'as sûrement raison. Pour à peu près tout. C'est juste que... j'en sais rien. Peut-être que ça me fait un peu peur de tout plaquer pour partir pile poile au moment où j'avais arrêté d'espérer. » Ce regain d'air aurait dû arriver plus tôt, des années auparavant. Est-ce une raison pour le rejeter ? Il serait fou de faire une chose pareille. Alors il se rapproche, sa main se noue à la sienne quand il lève le nez, plus confiant que jamais quand il lui sourit, cette fois, et qu'il approche doucement son front du sien. « Mais si t'as la patience de me porter dans les pentes, alors on partira dès que ton cher et tendre sera mis au courant. »

Est-ce qu'il s'y prend correctement, pour aider Ollie ? Est-ce que ça le rassure un peu, est-ce qu'il arrive à l'encourager sans passer pour un idiot qui ne comprend rien et qui ne mesure ni l'ampleur de sa blessure, ni ses conséquences, ni même sa douleur et son chagrin ? Gaspar s'inquiète un peu, parce qu'il n'a pas envie de tout faire foirer. Il veut être un appui pour Oliver, un soutien, exactement comme l'adolescent qu'il a connu il y a tant d'années a été un véritable pilier pour lui. Mais les attentes de chacun sont différentes maintenant et Gaspar n'a jamais été aussi fin, aussi intelligent et aussi attentionné que l'était son meilleur ami, à l'époque. Il a terriblement peur de mal s'y prendre. « Quoi, tu voudrais que je l'adopte ? »
Pourquoi, est-ce qu'elle est si stupide cette idée ? Un peu surpris par la question et surtout par le rire de son amant, il l'interroge du regard. Pourquoi pas ? « J'sais pas, j'ai déjà pas mal de Pokémon... et elle a sûrement besoin de beaucoup de temps, j'sais pas si Mallo va beaucoup m'en accorder, alors...
– Et si tu le fais pas, qu'est-ce qui va lui arriver ? »
Gaspar l'adoptera, si Oliver ne veut pas s'en occuper, mais à vrai dire l'idée l'effleure à peine. Il sait déjà que son musicien n'abandonnera jamais ce Nirondelle blessé qui ne pourra probablement pas vivre comme tous ses semblables à cause de sa blessure. Personne ne saurait s'en occuper mieux que lui. « T'as sûrement raison. Pour à peu près tout. C'est juste que... j'en sais rien. Peut-être que ça me fait un peu peur de tout plaquer pour partir pile poile au moment où j'avais arrêté d'espérer. »
Oui, c'est compréhensible. Gaspar n'en dit rien, bien sûr, parce que ce serait sans doute terriblement malvenu puisqu'il est responsable de cette perte d'espoir qu'ils ont tous les deux dû supporter, mais des pensées semblables l'ont traversé après ce coup du destin, dans la Lande, ce jour-là. Finalement, il est certain d'avoir pris la bonne décision, et chaque geste qu'a Oliver vers lui, quand il reprend sa main, qu'il approche son visage du sien, le convainc un peu plus que son choix était le bon. La vie qu'il a toujours voulue, il n'y a que lui qui peut la lui apporter, et il ne sera jamais aussi heureux qu'ainsi, à la frontière de son souffle. « Mais si t'as la patience de me porter dans les pentes, alors on partira dès que ton cher et tendre sera mis au courant.
– J'te porterais au bout du monde, répond-il très sérieusement, dans un élan de niaiserie dont il ne se rend absolument pas compte. Et je suis désolé d'avoir rendu les choses si compliquées mais... j'te promets que je vais me rattraper. »
C'est le moment que choisit le Leveinard du Centre pour sortir par les portes coulissantes, et leur indiquer d'un doux son que s'ils le veulent, ils peuvent revenir à l'intérieur. Gaspar sourit, et indique la porte à Oliver d'un geste du menton. « Y a quelqu'un qui t'attend à l'intérieur, je crois. »

« J'te porterais au bout du monde. » Ah, vraiment ? Et que va-t-il lui proposer ensuite, hm ? Un mariage au bord de la mer, un voyage de noces sur des barques dans une ville féérique avec des Lackmécygne partout ? Il ne va pas en rire, Oliver, parce que s'il dit ça, il est presque persuadé que ça lui plairait comme idée, au chanteur. Alors il se contente de sourire, heureux, rassuré. Ces phrases-là, il a toujours eu envie de les entendre, après tout. Dans des rêves un peu cons et inavoués notamment, inavouables d'ailleurs, parce qu'il imagine d'ici le ricanement plein de mépris de Mallo et le haussement sourcil d'un Erèbe incapable de rester fidèle à sa copine. Alors il sourit, un peu bêtement, lui aussi. Si Gaspar promet de l'aider, de le soutenir, il sait qu'il lui rendra la pareille alors ça ne peut que marcher, hein ? Si son connard de mari finit par dégager et que Mallory ne les tue pas tous les deux. « Et je suis désolé d'avoir rendu les choses si compliquées mais... j'te promets que je vais me rattraper. »

Je te crois. Il le croit et il ferme déjà les yeux pour le lui dire autrement qu'avec des mots, mais c'est un petit cri de Leveinard qui le fait sursauter, reculer ; le Pokémon soigneur est à l'entrée du centre, et leur fait signe d'entrer. Aussitôt, comme piqué par un Pokémon insecte, le batteur se redresse. « Y a quelqu'un qui t'attend à l'intérieur, je crois. » Il sourit Oliver, peut-être pas très confiant, mais dépose un baiser, un peu trop léger sur ses lèves avant de s'appuyer sur sa canne pour se lever ; qui l'attend, il ne sait pas, mais il va effectivement falloir qu'ils aillent voir.

La petite est bien là, au chaud, posée sur un lit du centre. Son aile a été remise en place, bandée, mais toujours un peu tordue ; à l'évidence, elle ne pourra effectivement plus jamais voler comme avant. Quand il arrive, Oliver se penche doucement, approche une main pour ne pas l'effrayer mais la Nirondelle n'a pas peur ; au contraire, c'est un pépiement joyeux qui l'accueille, et elle sautille, finalement, pour s'approcher de ses bras. « On dirait qu'elle vous a adopté, note l'infirmière, amusée, tandis qu'il en a presque le coeur tordu.
– On dirait, ouais. Alors, ça va mieux ? Ce serait peut-être pas mal que tu viennes avec moi... » Oui ? Non ? Dans le doute, il tire une Pokéball de sa poche, le jeune homme ; l'approche du Nirondelle qui l'observe, avant d'entrer tout simplement dedans, sans la moindre hésitation. Ça lui arrache un rire, à Oliver, tandis qu'il hausse les épaules en rangeant la balle dans sa poche sous le petit cri ravi de sa Tarsal. « Bon, ben... adjugé, hein ? Il va falloir que j'aille l'entraîner pour la rééducation. » Et de se tourner vers son amant, qui les observait depuis le début. « Tu viendras avec moi ? »

Il est si attendrissant, ce sourire un peu inquiet que lui adresse Oliver avant de déposer un baiser sur ses lèvres ; Gaspar ne peut s'empêcher de regretter qu'ils aient des choses à faire, il serait bien resté ici, avec lui sur ce banc, à se bécoter comme des adolescents. 
En silence et s'efforçant de se faire discret en dépit de son charme naturel qui attire les regards des quelques âmes errantes dans le center, le chanteur suit son amant jusqu'à la petite pièce dans laquelle se repose le Nirondelle blessé. 
Il reste à l'entrée alors qu'Oliver s'approche, et apprivoise en un instant le petit Pokémon sans doute très reconnaissant, et bien vaillant, puisqu'il est déjà prêt à sautiller jusqu'à ce grand humain aux beaux yeux noirs. « On dirait qu'elle vous a adopté, dit l'infirmière en souriant, et Gaspar hoche la tête sans un mot, approbateur.
– On dirait, ouais. Alors, ça va mieux ? Ce serait peut-être pas mal que tu viennes avec moi... »
Ce serait même quelque chose comme la meilleurs solution possible en fait, et si Oliver a un peu de mal avec l'idée, le Nirondelle, lui, l'a bien compris. La preuve, il entre directement dans la pokéball que lui tend Oliver, comme ça, tout simplement. Ça aussi, c'est le destin, c'est sûr. « Bon, ben... adjugé, hein ? Il va falloir que j'aille l'entraîner pour la rééducation. »
Oui, effectivement. Et dans le même temps, ça permettra à Ollie de se prouver à lui-même qu'il est parfaitement capable de s'occuper d'un Pokémon et de devenir dresseur. « Tu viendras avec moi ?
– Bien sûr, approuve-t-il en hochant la tête, un doux sourire au bord des lèvres. On pourrait aller dans la Lande pour qu'elle ait de l'espace. Et après, dans la Forêt pour qu'elle se réhabitue aux arbres. Tu vas voir, ça va bien se passer. »
Gaspar a terriblement envie de s'approcher, maintenant, de lui prendre la main et de l'embrasser. Mais il y a du monde. Ce ne serait pas bien, pas correct pour son mari entre la vie et la mort auquel il n'a qu'à peine pensé depuis qu'il a rejoint son amant.
La frustration lui fait pincer les lèvres, baisser la tête, puis s'écarter de l'encadrement de la porte pour désigner la sortie d'un signe de tête. « On y retourne ? Je crois qu'on a d'autres Pokémon à sauver dans ce parc. »