Accueilli comme un roi par une famille à laquelle il a visiblement autant manqué qu'ils lui ont manqué à lui, Jim ne sait plus où donner de la tête ; il regrette l'absence des autres frères et soeurs mais se réjouit déjà de se savoir le bienvenu dans la maison familiale. C'est un vrai soulagement. « Oh, mon chéri, on savait pas que tu étais sorti, on serait venu te chercher... quel bonheur, tu nous a tellement manqués !
– Allez mon garçon, viens boire une bière, que tu nous raconte ce qui t'est arrivé, hein ! Eva !
– Allez vous faire foutre, pour voir ?! »
Ah, oui, ça c'était à prévoir ; elle n'est pas contente de constater qu'à l'unanimité, c'est elle qui a eu tort le jour où elle l'a foutu dehors ? Bon, il va falloir apaiser la situation. Et c'est d'ailleurs ce qu'il se serait empressé de faire s'il avait eu le temps d'en placer une, mais dans cette famille il est bien placé pour savoir que c'est parfois compliqué. « Qu'est-ce que tu fabriques ?
– Ça se voit pas ?! J'me casse, fait-elle, menaçante par la voix, adorable par sa posture. J'vous préviens, quand je reviens, ce crétin s'est tiré avec ses affaires, c'est clair ?!
– Et allez, c'est reparti ! Tu devrais être contente qu'il soit rentré après que tu l'aies chassé... »
CLAC !
Le silence qui suit est un peu gênant ; déjà, les parents pestent, et lui il doit franchement se retenir de soupirer. Il n'est pas vraiment fier ; à vrai dire il aurait préféré que ça se passe autrement, du début à la fin.
Alpagué par ses beaux-parents, Jim fait de son mieux pour se s'extirper de leurs griffes ; il est très heureux de les retrouver bien sûr, mais sa priorité, c'est Eva. Après tout, c'est son anniversaire, et il n'a pas du tout envie de la voir passer la journée et la soirée en solitaire, triste, énervée et frustrée.
Finalement, il promet qu'il reviendra vite, offre les fleurs à belle-maman et se dépêche de sortir par la porte de devant, cette fois. Ses craintes de ne pas la retrouver disparaissent vite : ses cheveux rouges sont reconnaissables de loin et il n'hésite pas une seconde avant de s'élancer à sa suite au pas de course. « Eva ! l'appelle-t-il une fois à portée de voix, au milieu du parc ; et bien sûr elle ne se retourne pas. »
Il a besoin de courir jusqu'à se planter devant elle pour croiser à nouveau ses yeux, furieux et blessés, bien qu'il ait du mal à comprendre pourquoi. « Écoute, j'suis pas venu pour te faire de la peine, d'accord ? J'ai jamais voulu que ça se passe comme ça, ni aujourd'hui, ni la dernière fois. Pourquoi tu veux pas au moins qu'on discute ? Je t'ai pas manqué, pas du tout ? »

Pourquoi a-t-il fallu qu'il se décide à rentrer maintenant, hein ? Alors qu'elle commençait à peine à reconstruire sa vie, autrement, avec d'autres personnes, qu'elle commençait enfin à s'éloigner comme l'ont fait la totalité de ses frères et soeurs, que va-t-il compromettre, Jim, maintenant qu'il est revenu ? Les questions hurlent dans l'esprit d'une Eva à bout de nerfs, qui marche vite dans les allées joliment décorées du parc Pokélovers. Elle a déposé Aconit près d'elle, laissant tout loisir au petit Pokémon de renifler les parterres de fleurs ; avant de revenir aussi sec vers sa dresseuse qui avance beaucoup trop vite pour ses pauvres petites pattes. Ce n'était pas le moment, elle commençait à peine à l'oublier, grâce à d'autres bras, d'autres attentions. Pourquoi tu l'as quitté, hein ? Personne d'autre te supportera jamais et tu le sais très bien. Voilà ce qu'elle lui a dit, sa mère, le jour où il a fallu annoncer la nouvelle. Très encourageant, pas vrai ?

Même si Isma lui a toujours assuré que c'était faux, elle n'a jamais réussi à le croire. Son frère a pourtant tenté tous les arguments les plus fallacieux possibles, le dernier étant que lui a même fini par se caser. Mais Isma est bien plus coulant qu'elle, beaucoup moins colérique, beaucoup plus gentil et plus patient. Elle, il lui semble qu'elle a épuisé toutes ses forces dans le soin à sa famille, et maintenant, elle voudrait penser à elle et uniquement. Mais comment faire quand cet idiot débarque d'on ne sait où pour revenir s'imposer dans sa vie comme il le fait ? « Eva ! » Et bien sûr, ça ne s'arrête jamais. Jamais.

Elle ne se tourne pas, bien entendu, pas même lorsqu'un pas de course retentit derrière elle. Jim lui court après, sans comprendre que c'est quelque chose qu'il aurait dû faire six années auparavant. Il aurait suffi qu'il arrête la voiture ce jour-là, en la voyant courir, larmoyante quand elle a compris que cette fois, les choses étaient allées trop loin et qu'elle était en train de le perdre. Si lui était fou de chagrin, a-t-il réfléchi à ce qu'il avait laissé derrière lui ? Sa compagne soutenue par absolument personne, qui avait dissimulé sa peine dans un recoin de sa chambre pour garder la tête haute face à une famille accusatrice. Ils devaient se marier. Elle a perdu la bague depuis longtemps. Et lorsqu'il se plante de nouveau devant elle, c'est un regard noir qu'il croise, chargé de rancoeur, d'une peine ancienne. « Écoute, j'suis pas venu pour te faire de la peine, d'accord ? J'ai jamais voulu que ça se passe comme ça, ni aujourd'hui, ni la dernière fois. Pourquoi tu veux pas au moins qu'on discute ? Je t'ai pas manqué, pas du tout ? »

Si, bien sûr que si. Il y a quelques mois, son absence lui pesait tellement qu'elle en a pleuré dans les grottes alors qu'elle cherchait son maudit Tritox. Elle s'est vite reprise, mais elle ne pourra jamais prétendre qu'elle n'a pas eu l'impression de perdre toute sa vie en même temps que lui ; sauf que ce n'est pas un argument suffisant, loin de là. « La première année, peut-être, rétorque-t-elle, croisant les bras dans une posture de défense. Allez, les six mois de la suivante, et ensuite plus, non. Alors je vois pas bien de quoi tu veux discuter. » De ses lettres, de la prison ? La belle affaire. « Si mes parents ont envie que tu restes, soit, mais moi j'ai rien à te dire, Jim. T'es parti, alors maintenant il te reste plus qu'à en assumer les conséquences, d'accord ? J'ai pas envie de te parler. Je veux que tu me laisses tranquille. »

Elle va déménager ses affaires à Nathalia plus tôt que prévu et basta, songe-t-elle, renfrognée. C'est le mieux qu'elle puisse faire, au final. « Le meilleur service que tu pourrais me rendre c'est de disparaître de ma vie définitivement. C'est plus clair, comme ça ? »

À vrai dire, si Eva lui répondait droit dans les yeux que non, il ne lui a pas manqué du tout, Jim ne la croirait pas. Il sait ce qu'il y avait entre eux, il sait ce qu'il y a toujours. Leur amour a survécu à cette longue pause qu'ils se sont imposés, quand bien même il considère que c'est de sa faute à elle, en réfléchissant cinq minutes il comprendrait sans doute que les torts sont partagés. De toute façon, il n'est pas là pour faire des reproches, mais pour la retrouver. « La première année, peut-être, lui dit-elle, en se refermant sur elle-même comme chaque fois où elle ne veut pas assumer la vérité. Allez, les six mois de la suivante, et ensuite plus, non. Alors je vois pas bien de quoi tu veux discuter. »
Il le savait : il lui manque encore. C'est sûr et certain, et donc il y a beaucoup de choses dont ils doivent discuter. Elle lui a manqué, chaque jour ; très vite après son départ, il a su qu'ils se retrouveraient, qu'ils reviendraient, et d'ailleurs il mentirait s'il prétendait que sa désertion à l'armée n'a pas en partie été motivée par le manque qu'il ressentait. Ce qu'il n'avait pas prévu, c'est de finir emprisonné à cause de ça. Comme quoi, il y a vraiment des fois où il devrait réfléchir un peu avant de faire de la merde ; dans tous les cas, il se dit que c'est quelque chose qu'il devrait dire, qu'elle devrait entendre. Il a dit beaucoup de choses dans les lettres qu'elle n'a pas lues, mais il peut les dire maintenant, ça ne le dérange pas ; à vrai dire il ne demande que ça. « Si mes parents ont envie que tu restes, soit, mais moi j'ai rien à te dire, Jim. T'es parti, alors maintenant il te reste plus qu'à en assumer les conséquences, d'accord ? J'ai pas envie de te parler. Je veux que tu me laisses tranquille. »
C'est un peu facile de lui faire assumer les conséquences de la décision qu'elle a prise en le mettant dehors, mais encore une fois, et même si ça commence à l'exaspérer de se voir reprocher ça, il n'est pas là pour se disputer avec elle, alors il prend sur lui. « Le meilleur service que tu pourrais me rendre c'est de disparaître de ma vie définitivement. C'est plus clair, comme ça ?
– Si tu dis ça, c'est que tu as oublié tout ce que j'ai toujours été prêt à faire pour toi, répond-il très sérieusement, déterminé, sincère. Ça a pas changé Eva, rien a changé, je t'aime encore et je t'aimerai toujours. »
Ils sont faits l'un pour l'autre, ce n'est pas le genre de choses qui change en seulement six ans. « Laisse-moi au moins t'inviter ce soir, j'ai des tonnes de choses à te dire, beaucoup de temps à rattraper... insiste-t-il, pas vraiment ravi par cette position de faiblesse dans laquelle le rejet de sa femme le place, mais pas décidé à faire le difficile aujourd'hui. Y a pas un jour qui est passé sans que je pense à toi, j'ai jamais voulu partir et si j'avais pas été emprisonné par ces connards j'serais revenu bien plus tôt. J'ai été en colère deux jours à tout casser, comme d'habitude, sauf qu'après j'étais coincé et j'avais pas moyen de te joindre. »
Il s'approche un peu, saisit sa main entre les siennes. Sa peau est chaude ; elle a toujours eu les mains chaudes, Eva, plus que lui en tout cas. Le contact lui arrache un sourire ; elle lui a manqué, tellement manqué, tous les jours. « Ce soir, c'est tout. On ira au Parecool Toqué, comme avant ; et s'ils ne font plus de Flingouste grillé on en trouvera un autre. »

« Si tu dis ça, c'est que tu as oublié tout ce que j'ai toujours été prêt à faire pour toi. » Ou alors, que lui a oublié les conséquences directes de son départ et ce que ça allait impliquer ; Jim a toujours pris soin de sa famille, c'est un fait, et il ne s'est jamais dédouané du choix qu'il a fait il y a des années de tout quitter par amour pour elle. Mais c'était il y a seize ans, et beaucoup de choses ont changé ; certaines situations ne sont pas faites pour rester figées. En premier lieu, cette solitude qui l'a glacée, quand elle a compris qu'il ne rentrerait plus jamais à la maison, à la fin d'une dispute dont elle ne se souvient même pas de la teneur. « Ça a pas changé Eva, rien a changé, je t'aime encore et je t'aimerai toujours. »

Et elle aurait voulu, continuer à prétendre de toutes ses forces que ces mots-là ne lui font aucun effet, qu'ils glissent sur elle comme de l'eau sur les plumes d'un oiseau, mais ce n'est pas vrai. Jim a toujours su lui parler, il a très vite compris ce qui était susceptible de marcher, comment et à quel moment. Si elle peut lui trouver ribambelle de défauts, la bêtise n'en est certainement pas un le concernant. Parce que le visage furieux de la jeune femme se décompose et que, si elle retrouve une contenance très vite, elle peut sentir quelque chose se tordre au creux de sa poitrine là où elle espérait ne plus rien trouver du tout. « Laisse-moi au moins t'inviter ce soir, j'ai des tonnes de choses à te dire, beaucoup de temps à rattraper... ya pas un jour qui est passé sans que je pense à toi, j'ai jamais voulu partir et si j'avais pas été emprisonné par ces connards j'serais revenu bien plus tôt. J'ai été en colère deux jours à tout casser, comme d'habitude, sauf qu'après j'étais coincé et j'avais pas moyen de te joindre. »

Ah vraiment, deux jours ? Qu'est-ce qui l'a empêché de faire demi-tour, son stupide engagement dans l'armée ? Qu'il vienne lui reprocher ses coups de tête, il n'a jamais été mieux, et voilà où toute cette histoire a fini par les mener. Pendant dix ans, ils ont été sur le bord de la déchirure en permanence. Il ne se passait pas une semaine sans qu'une dispute éclate, et elles les épuisaient tous les deux. C'est bien mieux comme ça ; ils n'étaient pas faits pour être ensemble, quand bien même s'aimaient-ils assez fort pour tenter d'y croire malgré tout. La preuve en est, cette main qui se saisit de la sienne, qui ne lui demande pas la moindre autorisation. « Ce soir, c'est tout. On ira au Parecool Toqué, comme avant ; et s'ils ne font plus de Flingouste grillé on en trouvera un autre. »

C'est toujours dans ce genre de moments qu'Eva comprend à quel point son coeur est faible. Dans d'autres circonstances, elle aurait sans doute accepté. Elle le sait quand elle le regarde, et que ses yeux suppliants ne jouent pas, cette fois ; loin du fanfaron qui a passé la porte de la maison, Jim est un homme aux abois qui l'attend, et qui l'aime. Mais l'amour ne rattrape pas tout ; il ne pardonne pas la souffrance et les rancoeurs accumulées. « Je t'ai dit que j'étais prise ce soir, et c'est pas un mensonge, assène-t-elle, en s'efforçant de rester la plus sèche possible. Tu peux pas disparaître pendant six ans et revenir comme si je t'avais attendu tout ce temps, c'est pas le cas. » Il y a quelques mois, peut-être. C'est désolant à reconnaître. « Beaucoup de choses ont changé pendant que t'étais absent, tu vois ? Je vais quitter la maison, bientôt. C'est une question de jours ou de semaines. » Et s'il sourit, visiblement très content de la voir enfin étendre ses ailes, elle lui coupe presque aussitôt l'herbe sous le pied. « Et j'ai un mec. C'est lui qui m'a invitée ce soir, pour mon anniversaire. T'es arrivé beaucoup trop tard, c'est fini Jim. Je veux que tu t'en ailles. »

Il l'a vue se décomposer quand il lui a dit qu'il l'aimait. Il l'a vue, il en est sûr maintenant : elle-aussi. Elle a beau prétendre qu'elle ne veut pas le voir, il sait que c'est faux. Elle l'aime encore, elle-aussi. Alors elle va accepter de le voir ce soir, et ce sera comme la première fois qu'il l'a emmenée au restaurant ; il sortira le grand jeu, son bouquet de fleurs sera encore plus grand et... pourquoi elle lui retire sa main ? « Je t'ai dit que j'étais prise ce soir, et c'est pas un mensonge. »
Cette fois, l'homme n'est pas loin de soupirer. Pourquoi elle se débat comme ça ? Il ne la croit pas, c'est inutile de se chercher des excuses pour lui dire non ; et pourquoi essaie-t-elle seulement de se retenir alors qu'il sait qu'elle en a envie, de ce dîner avec lui ? « Tu peux pas disparaître pendant six ans et revenir comme si je t'avais attendu tout ce temps, c'est pas le cas. »
Ah. Alors c'est de la vexation, c'est ça ? Elle est en colère parce qu'il est parti trop longtemps, alors elle a décidé de lui en faire baver. C'est un peu injuste, parce qu'après tout, encore une fois, c'est elle qui l'a mis dehors, et elle encore qui n'a pas ouvert ses lettres une seule fois en quatre ans, mais bon. Il jouera le jeu ; avec elle, il joue toujours le jeu. « Beaucoup de choses ont changé pendant que t'étais absent, tu vois ? Je vais quitter la maison, bientôt. C'est une question de jours ou de semaines. »
Aussitôt qu'il entend ça, le sourire de Jim s'agrandit. Il est ravi de l'entendre ; malgré tout l'amour qu'il a pour sa famille, il faudrait être fou ou stupide pour ne pas se rendre compte qu'il est impossible de construire sa propre vie en tenant celles de six autres personnes à bout de bras. « Et j'ai un mec. C'est lui qui m'a invitée ce soir, pour mon anniversaire. T'es arrivé beaucoup trop tard, c'est fini Jim. Je veux que tu t'en ailles. »
Un mec ? Il fronce les sourcils. « Qu'est-ce que tu inventes encore, soupire-t-il cette fois, en croisant les bras puisqu'elle ne veut pas qu'il lui tienne la main. Je ne sais pas pourquoi tu t'acharnes à ce point à te trouver des excuses pour me dire non. Je sais que tu m'as pas oublié pendant tout ce temps, et moi j'attends de te revoir depuis des années maintenant. »
Il secoue la tête, et soupire, décroisant les bras pour passer une main dans ses cheveux, les lèvres pincées. « On a eu un petit accroc dans le parcours, c'est jamais qu'un de plus. Combien de fois on s'est disputés pour rien ? Un jour ça allait forcément aller trop loin, mais ça a pas tout remis en question pour autant, et sûrement pas nos sentiments. Les miens sont intacts en tout cas. J'ai juste à te regarder pour me rappeler pourquoi j'ai préféré pourrir dans une cellule que de continuer à jouer ma vie au combat pour ces salauds. »
Sans tendre les mains cette fois, et sans la toucher, il s'approche d'un pas de plus, de quoi se tenir tout près d'elle, la tête penchée vers son visage pour ne surtout pas lâcher des yeux les deux émeraudes qu'il a toujours adorées. « Je voulais revenir, Eva. Et je suis là maintenant. »

Il ne la croira pas, hein ? Bien sûr que non, il ne la croit pas, c'est évident lorsqu'il fronce les sourcils, et qu'il lève les yeux au ciel, bras croisés dans une position de défense tout à fait comparable au déni qui s'accroche dans sa grosse tête vide de mâle beaucoup trop sûr de lui. « Qu'est-ce que tu inventes encore. » Et Eva s'est toujours demandé comment il se démerdait pour l'exaspérer aussi vite qu'il était capable de l'attendrir ; si sa dévotion lui a fait de la peine une poignée de minutes plus tôt, maintenant elle se dit qu'il avait clairement mérité la gifle qu'elle lui a collé quand il s'est pointé avec ses fleurs à la con et son sourire idiot.

« Je ne sais pas pourquoi tu t'acharnes à ce point à te trouver des excuses pour me dire non. Je sais que tu m'as pas oublié pendant tout ce temps, et moi j'attends de te revoir depuis des années maintenant. » Mais elle, elle ne l'a pas attendu. Elle a arrêté de l'attendre il y a bien longtemps, quand elle a compris qu'il ne reviendrait plus, que cette fois, c'était la dispute de trop. Il faudra qu'il le comprenne ; il finira par s'y résoudre, quand il verra que toutes ses tentatives ne seront qu'une succession d'échecs accablants. « On a eu un petit accroc dans le parcours, c'est jamais qu'un de plus. Combien de fois on s'est disputés pour rien ? Un jour ça allait forcément aller trop loin, mais ça a pas tout remis en question pour autant, et sûrement pas nos sentiments. Les miens sont intacts en tout cas. J'ai juste à te regarder pour me rappeler pourquoi j'ai préféré pourrir dans une cellule que de continuer à jouer ma vie au combat pour ces salauds. »

Peu importe. Tout ça, ça ne compte pas, ça n'a pas d'importance, ses regrets sont bien loin des réalités, du temps qui a coulé sans qu'il le voie, de ces années qui sont passées sans qu'il réchauffe sa vie, son lit, ses pensées. Tu es parti, tu nous a abandonnés. Et si sa famille est capable de le pardonner, tant mieux pour elle. Parce qu'elle, elle ne le fera pas. Même s'il s'approche, même si ses yeux brillent, même si elle connait ce regard par coeur et qu'elle a toujours ressenti une admiration sans limites envers la détermination dont il a toujours fait preuve. Jim ne renonce jamais. A rien, y compris à elle, visiblement, même si elle a longtemps cru le contraire. « Je voulais revenir, Eva. Et je suis là maintenant.
– Moi pas. Je sais bien que ça a l'air de tomber dans l'oreille d'un sourd mais il va quand même falloir que tu t'y fasses, parce que c'est comme ça. »

Elle ne va pas se fatiguer à lui parler de Deklan. Les autres diront sans doute à Jim qu'elle n'a jamais parlé de lui, et cela le confortera dans l'idée qu'elle invente, mais peu importe ; de toute manière elle n'a pas du tout envie de les voir s'affronter, ils se ressemblent beaucoup trop. Reculant d'un pas, elle s'écarte, quitte son regard, reprend sa marche. S'il veut la suivre, soit. Mais elle, elle ne s'arrêtera pas. « Tu vois, le truc c'est que pour que deux personnes se remettent ensemble - parce qu'on est plus ensemble même si l'info a l'air d'avoir du mal à passer - il faut que les deux partis soient d'accord et j'ai pas l'intention de te reprendre. » Plus calme maintenant, comprenant que se mettre en colère ne l'aidera pas, Eva hausse les épaules, sans lui accorder le moindre regard. « Si tu savais que c'était une dispute comme une autre alors t'aurais pu revenir dans l'heure, comme d'habitude. Au lieu de ça, t'es parti te trouver une cause à défendre et t'as fini en taule parce que ça t'allait pas ; c'est absolument plus mon problème. » Même s'il lui a manqué, même si tout. Peu importe. « On était pas faits pour être ensemble de toute façon, enchaîne-t-elle sur un drôle de ton, presque badin. T'as toujours été un tocard complètement macho et t'as jamais supporté que je veuille faire ce dont j'ai envie, paradoxal d'ailleurs pour un mec qui m'a cassé les pieds pendant des années pour que j'me casse de chez mes parents. Tu croyais vraiment que j'allais troquer une prison contre une autre, Jimmy ? » Minaude-t-elle dans un petit rire, levant le nez pour écarter une mèche de ses cheveux rouges. « T'es vraiment naïf, alors. »

« Moi pas. Je sais bien que ça a l'air de tomber dans l'oreille d'un sourd mais il va quand même falloir que tu t'y fasses, parce que c'est comme ça. »
Oh, alors il a des hallucinations quand il l'imagine devant lui, là ? Qu'elle ne dise pas de conneries, il la voit, elle est là, et lui aussi ; même si elle recule encore telle une vierge effarouchée, il n'y a aucune raison pour qu'ils ne puissent pas être ensemble, strictement aucune.
Retenant tout de même un petit soupir exaspéré, parce que sa patience commence à souffrir du caractère à la con de la femme de sa vie, Jim lui emboîte le pas. Il ne renoncera pas à elle. Il ne renonce jamais. « Tu vois, le truc c'est que pour que deux personnes se remettent ensemble - parce qu'on est plus ensemble même si l'info a l'air d'avoir du mal à passer - il faut que les deux partis soient d'accord et j'ai pas l'intention de te reprendre. »
Pas l'intention peut-être mais elle le fera quand même parce que c'est ce qu'elle veut, au fond. Sinon ça ne l'aurait pas calmée d'entendre qu'il l'aimait, sinon elle aurait déjà appelé la police comme elle a menacé de le faire. Inutile de jouer à ça avec lui, il la connaît bien ; elle n'a pas changé depuis l'époque où elle l'a jeté, ou en tout cas pas dans sa façon de se comporter avec lui. Et ça, ça veut dire qu'elle l'aime toujours. Sinon pourquoi elle se comporterait comme à l'époque où elle assumait ses sentiments ? Rien n'a changé du tout. « Si tu savais que c'était une dispute comme une autre alors t'aurais pu revenir dans l'heure, comme d'habitude. Au lieu de ça, t'es parti te trouver une cause à défendre et t'as fini en taule parce que ça t'allait pas ; c'est absolument plus mon problème. »
C'est plutôt bien résumé, concrètement, à ceci près que ça a bien l'air d'être son problème étant donné qu'à cause de ça elle s'est retrouvée toute seule et que ça l'a quand même rendue vachement aigrie, cette solitude. Et puis encore une fois, elle oublie de prendre en compte sa propre responsabilité dans l'histoire, mais ça ne l'étonne même plus. « On était pas faits pour être ensemble de toute façon. »
Ah, elle a réussi à dire une connerie encore plus énorme que cette histoire de mec imaginaire. À vrai dire cette fois, Jim est assez impressionné. Il sait qu'elle n'en pense pas un mot de toute façon. « T'as toujours été un tocard complètement macho et t'as jamais supporté que je veuille faire ce dont j'ai envie, paradoxal d'ailleurs pour un mec qui m'a cassé les pieds pendant des années pour que j'me casse de chez mes parents. Tu croyais vraiment que j'allais troquer une prison contre une autre, Jimmy ? »
Cette fois il fronce un peu les sourcils ; il n'a jamais supporté qu'elle l'appelle comme ça et elle le sait très bien ; Eva fait ça seulement pour l'énerver, comme avant, et ça marche comme avant. Encore une preuve que rien n'a changé, et cette pensée le réconforte un peu. « T'es vraiment naïf, alors.
– Déjà, ne m'appelle pas comme ça, la reprend-il en levant les yeux au ciel. Et ensuite, j'suis peut-être un tocard naïf et macho, mais toi t'as toujours été une connasse bornée et caractérielle. C'est exactement pour ça qu'on s'aime. »
Il hausse les épaules. C'est comme ça, c'est tout. « Et c'est aussi pour ça qu'on est faits pour être ensemble. Personne d'autre pourrait nous supporter sur le long terme. Admettons que t'aies vraiment un petit amoureux ; t'es avec lui depuis quoi, six mois ? »
Il pouffe, cherchant les yeux verts de sa femme qui regarde droit devant elle. « Comme si ça pouvait compter après nos quinze ans à nous, arrête ton char. C'est moi qu'il te faut. Dix-neuf heures le restau ? »

« Déjà, ne m'appelle pas comme ça. Et ensuite, j'suis peut-être un tocard naïf et macho, mais toi t'as toujours été une connasse bornée et caractérielle. C'est exactement pour ça qu'on s'aime. » Bien sûr, et donc parce que leur relation a duré dix ans tout en étant malsaine, c'est logique de la continuer ? Bon sang, Jim a toujours été intelligent, mais sur certains points, Eva en avait oublié comme il pouvait être con. Parce qu'à force de se convaincre, il va vraiment finir par croire en tous ces fantasmes imaginaires, et ce n'est bon pour absolument personne ; elle n'a pas du tout l'intention de le suivre dans ses délires, il a fait un choix six années auparavant ce n'est pas pour qu'elle accepte de le reprendre parce que monsieur retourne sa veste après tout ce temps. « T'es vraiment fatiguant. » Une connasse bornée et caractérielle, hein ? Eh ben c'est formidable, mais plus personne ne l'oblige à la supporter, en fait.

« Et c'est aussi pour ça qu'on est faits pour être ensemble. Personne d'autre pourrait nous supporter sur le long terme. Admettons que t'aies vraiment un petit amoureux ; t'es avec lui depuis quoi, six mois ? » Trois, à vrai dire. Mais pas question de répliquer, de toute manière le ricanement qu'elle entend à côté de lui prouve bien qu'il ne la croit pas. Il risque d'avoir une sacrée surprise, mais bon ; tant pis pour sa gueule, finalement, il n'y a qu'un seul moyen d'avoir la paix. « Comme si ça pouvait compter après nos quinze ans à nous, arrête ton char. C'est moi qu'il te faut. Dix-neuf heures le restau ?
– Tu sais quoi ? D'accord, réplique-t-elle en levant les yeux au ciel, consciente pourtant, qu'elle ne sera absolument pas au resto à dix neuf heures. Va pour un resto, de toute façon tu me lâcheras pas tant que j'ai pas dit oui. »

Au moins, elle aura une histoire rigolote à raconter à Deklan ce soir, si tant est qu'elle ait envie d'en rire ; parce que pour le moment, pas du tout, en fait. « Maintenant que t'as ton oui tu pourrais peut-être retourner voir mes parents, hm ? Ils sont contents de te voir, eux. Moi j'ai toujours besoin d'air au cas où ça aussi ça t'échappe. » Avec un peu de chance, il va partir, hein ? C'est quoi ce bras, là, qui passe autour de ses épaules ? Les yeux écarquillés, Eva se dégage en un geste, outrée. « Me touche pas. »

« Tu sais quoi ? D'accord. »
Ah, il le savait bien qu'en fait elle en mourait d'envie ; c'était sûr, il en était certain et il la connaît beaucoup trop bien pour se tromper sur ces choses-là. Ravi, il sourit de toutes ses dents, les yeux légèrement écarquillés de surprise tout de même parce qu'il ne s'attendait pas à ce qu'elle craque aussi vite. « Va pour un resto, de toute façon tu me lâcheras pas tant que j'ai pas dit oui. »
Ah, elle le connaît si bien, elle-aussi. Ça l'attendrit, à vrai dire ; il est tout content, et assez fier aussi, il faut l'admettre. « Maintenant que t'as ton oui tu pourrais peut-être retourner voir mes parents, hm ? Ils sont contents de te voir, eux. Moi j'ai toujours besoin d'air au cas où ça aussi ça t'échappe. »
Bah elle prend l'air là, non ? Son acharnement à vouloir lui faire croire qu'elle n'est pas contente de le voir est admirable, mais il sait très bien qu'il lui a manqué et qu'elle est intérieurement ravie de le revoir ; ce serait trop bête de couper déjà court à ces retrouvailles tant attendues tant de sa part à lui que de la sienne à elle. Alors il ne va pas s'en aller, non, et il passe même un bras autour des épaules de la jeune femme pour marcher côte à côte avec elle pour une balade en amoureux. Il savait bien qu'il n'existait pas ce mec imaginaire de toute façon.
Cependant, et sans que ça ne le prenne vraiment au dépourvu même s'il aurait adoré être surpris, Eva ne tarde pas à se dégager. « Me touche pas. fait-elle, agressive, et en réponse il lui sourit.
– Quand je dis que t'as pas changé. »
Elle a toujours été un peu sauvage, il faut le dire ; moins au début quand ils apprenaient à se connaître, mais il n'a pas tardé à découvrir ce côté de sa personnalité. Dire que ça ne lui a pas beaucoup plu serait un sacré mensonge, d'ailleurs. « D'accord, je te touche pas, mais arrête de me regarder comme si t'allais me bouffer, tu sais très bien quel effet ça me fait. »
Allez, une petite plaisanterie de couple n'a jamais tué personne, n'est-ce pas ? Qu'est-ce qu'il est rigolo ce Jim. « Allez, raconte-moi ce que j'ai loupé après que tu m'as jeté dehors. Tu vas déménager, alors, enfin ? »

« Quand je dis que t'as pas changé. » Il est vraiment trop sûr de lui, Jim. Que s'imagine-t-il, que les choses vont reprendre comme si elles ne s'étaient pas brusquement arrêtées pendant six ans ? Cet excès de confiance commence très sérieusement à la gonfler, et il lui est bien impossible de réprimer le long soupir exaspéré qui passe ses lèvres comme un sifflement de serpent alors qu'il recule sagement en dépit de son sourire moqueur, comme s'il s'attendait à cette rebuffade. Alors pourquoi l'avoir tenté, hein ? Sans doute parce que dans sa petite tête, il est acté qu'il est venu la retrouver et que quoi qu'elle dise ou veuille n'y changera absolument rien.

« D'accord, je te touche pas, mais arrête de me regarder comme si t'allais me bouffer, tu sais très bien quel effet ça me fait. » Et elle n'en a absolument rien à foutre à vrai dire. Parce que s'il y a bien une chose qu'elle n'envisage pas du tout tout de suite, c'est ce que cet imbécile est en train d'envisager ; c'est totalement insultant, il prend des libertés qu'il ne devrait pas prendre. Tant pis, elle l'aura sa vengeance ; elle est même à deux doigts d'appeler Isma, aussi bien pour lui annoncer le retour en fanfare de Jim que pour lui demander d'être à dix-neuf heures trente devant le restaurant avec son plus bel appareil photo pour immortaliser la gueule déconfite de ce gros abruti quand il comprendra qu'elle ne viendra pas.

« Allez, raconte-moi ce que j'ai loupé après que tu m'as jeté dehors. Tu vas déménager, alors, enfin ?
– J'ai acheté un terrain avec une amie à Nathalia, dit-elle en prenant soin de rester hors de portée de bras, parce que la prochaine fois il en prend une. J'ai bossé pour un éleveur à Lucinel pendant un moment, et maintenant je vais ouvrir le mien. » Et elle aurait dû penser à cette possibilité de carrière il y a longtemps, à vrai dire, mais seul Aconit lui a permis de trouver le déclic pour avancer. « Vu que je suis la dernière à la maison dans la mesure où Isa a fugué il y a des mois et que maintenant il a commencé son voyage Pokémon, j'ai plus de comptes à rendre à personne, alors je vais bientôt déménager. Maman me fait la gueule depuis quatre jours à cause de ça. Oh, et t'es pas le seul fantôme à être réapparu, Ismaël aussi est rentré. »

« J'ai acheté un terrain avec une amie à Nathalia. »
C'est une bonne nouvelle, songe-t-il, même si ça l'agace un peu de se dire qu'elle se décide à faire ça avec une amie maintenant alors qu'elle aurait pu le faire bien plus tôt et bien plus tranquillement avec lui. À tous les coups elle a été obligée de s'endetter pour acheter ce terrain ; s'ils l'avaient fait en temps et en heure, c'est à dire avant qu'il ne dilapide ses économies pour payer les factures de la famille, ils auraient pu expédier ça et construire leur vie à deux sereinement. Enfin. Tant pis, suppose-t-il. « J'ai bossé pour un éleveur à Lucinel pendant un moment, et maintenant je vais ouvrir le mien. »
Oh, elle va devenir éleveuse, alors ? C'est surprenant, il ne lui a pourtant jamais connu d'affinités particulières avec des Pokémon. Ça veut dire qu'elle a renoncé pour de bon à essayer de faire carrière dans la musique. C'est dommage, ça aussi, mais en l'occurrence il n'a jamais voulu la forcer à rien pour ce qui était de sa carrière. Comme quoi, Eva se fout un peu de la gueule du monde quand elle parle de quitter une cage pour une autre cage. « Vu que je suis la dernière à la maison dans la mesure où Isa a fugué il y a des mois et que maintenant il a commencé son voyage Pokémon, j'ai plus de comptes à rendre à personne, alors je vais bientôt déménager. Maman me fait la gueule depuis quatre jours à cause de ça. Oh, et t'es pas le seul fantôme à être réapparu, Ismaël aussi est rentré.
– Oh c'est vrai ? Faudra que je passe lui dire bonjour alors. Il habite où ? »
Pendant longtemps, Jim a été très en colère après le plus vieux des garçons de la famille ; partir comme ça, sans dire au revoir, disparaître sans prévenir et abandonner tout le monde de son propre chef, il a trouvé ça vraiment détestable. Mais de l'eau a coulé sous les ponts, non ? Ce n'est pas avec de la rancoeur qu'on récupère ce qu'on a perdu et ça, c'est une leçon qu'Eva devra apprendre. « T'as l'air ravie, dis, constate-t-il en la dévisageant. Ça te fait pas plaisir qu'il soit rentré ? »
Autant enfoncer les portes ouvertes, au point où il en est...

« Oh c'est vrai ? Faudra que je passe lui dire bonjour alors. Il habite où ? » Ah tiens, il a décidé de pardonner à Ismaël aussi, Jim ? C'est marrant ça, quand on fait les mêmes conneries que celui qu'on a couvert de reproches au moment de son départ, on remet sans doute un certain nombre de choses en question. Au moins un peu, et sans doute inconsciemment parce que cet énergumène n'a jamais été capable d'avoir de vrais doutes sur ses convictions de façon réelle et délibérée. Non, et la pensée la renfrogne un peu plus ; si elle avait marché sur un chemin de terre, Eva aurait sans doute shooté dans un caillou d'agacement, tant toutes les répliques de cet imbécile l'horripilent. C'est incroyable, comme on se fantasme un certain nombre de choses quand l'autre n'est plus là. Toute à son chagrin, elle en avait oublié comme Jim pouvait être con et insupportable quand il s'y mettait.

« T'as l'air ravie, dis. Ça te fait pas plaisir qu'il soit rentré ?
– Oh, mais si, bien sûr que je suis absolument ravie de voir des revenants débarquer la gueule enfarinée avec des excuses plein la gueule comme si ça allait changer quoi que ce soit à leur départ, réplique-t-elle aussitôt, hargneuse, en tournant un sourire hideux vers son ancien fiancé. » Parce qu'eux deux, c'est exactement la même chose, à a différence près qu'Isma n'a jamais été en prison, mais passons. « Il est revenu un après-midi à la maison, il a même pas reconnu son petit frère alors qu'il l'a croisé devant la maison, il avait fugué, tout le monde le cherchait, c'est dire s'il en avait quelque chose à foutre. » Rien que d'y repenser, elle le frapperait sans doute encore ; mais de l'eau a coulé sous les ponts, Eva s'est efforcée de faire des efforts. En substance, les choses vont mieux entre Isma et elle, même si ce n'est pas rose tous les jours. « Au moins il prend ses responsabilités. De toute façon c'est plus mon problème, j'ai décidé d'arrêter de me prendre la tête avec les conneries de tout ce petit monde, je garde juste un oeil sur Isaïah parce qu'il est encore jeune et qu'il a besoin de quelqu'un pour veiller à ce qu'il oublie pas de manger tous les soirs. » Et de tourner la tête une nouvelle fois, tandis qu'Aconit semble faire ami-ami avec un petit Rozbouton, près d'un buisson. « Mais bon puisque t'es rentré tu vas reprendre les choses en main, hm ? Comme un bon chef de famille, bon après avoir passé quatre ans en taule mais c'est un détail. »

« Oh, mais si, bien sûr que je suis absolument ravie de voir des revenants débarquer la gueule enfarinée avec des excuses plein la gueule comme si ça allait changer quoi que ce soit à leur départ. »
Ah, mais il faut vraiment qu'elle se détende bon sang ; il a posé une question, c'est tout, pas la peine de l'agresser comme ça. Eva est toujours aussi belle mais ce sourire crispé est vraiment moche ; elle a besoin d'un bon bain, d'un massage, de vacances. Elle est vraiment dans un état de nerf indécent, même pour elle. Il est à deux doigts de siffler d'admiration, parce que des records pareils c'est impressionnant, sans rire. « Il est revenu un après-midi à la maison, il a même pas reconnu son petit frère alors qu'il l'a croisé devant la maison, il avait fugué, tout le monde le cherchait, c'est dire s'il en avait quelque chose à foutre. »
Et c'était il y a combien de temps, ça ? Non parce qu'Isma est parti quatre ans avant lui alors... alors Isa avait quoi, six ans, sept ? À l'époque il ne ressemblait pas vraiment à l'adolescent qu'il est devenu - d'après les photos qu'il a vues sur le buffet du séjour -, ce n'est pas surprenant qu'Ismaël ne l'ait pas reconnu. Mais c'est triste, et franchement navrant, il veut bien l'admettre. « Bah, Isma a jamais été très dégourdi, hein, fait-il tout de même remarquer en haussant les épaules. Ça m'arriverait pas à moi.
– Au moins il prend ses responsabilités, repend Eva, et Jim fronce les sourcils en se demandant ce qu'elle sous-entend, là. De toute façon c'est plus mon problème, j'ai décidé d'arrêter de me prendre la tête avec les conneries de tout ce petit monde, je garde juste un oeil sur Isaïah parce qu'il est encore jeune et qu'il a besoin de quelqu'un pour veiller à ce qu'il oublie pas de manger tous les soirs. »
Ça lui ressemble bien, tiens. Enfin, c'est déjà bien qu'elle ait décidé d'arrêter de veiller sur tout le monde sans jamais s'occuper d'elle ; puisqu'il n'était pas là pour ça ces dernières années, il se demande bien qui a tenu ce rôle.
Ah, mais oui, il est con : le petit-ami imaginaire bien sûr. Pas étonnant au final qu'elle ait eu besoin de s'en inventer un, elle a dû se sentir très seule sans lui. « Mais bon puisque t'es rentré tu vas reprendre les choses en main, hm ? Comme un bon chef de famille, bon après avoir passé quatre ans en taule mais c'est un détail.
– C'est exactement ce que j'ai l'intention de faire, oui, répond-il très naturellement avec un petit sourire. Et je te signale que puisque tu n'as pas lu mes lettres tu ne sais pas pourquoi j'ai fait de la prison. C'est un peu facile de condamner sans rien savoir, mais bon, je peux pas t'en vouloir. T'es encore en colère. »
Mais ça va passer, ne dit-il pas, peu désireux de se prendre une autre gifle. « Si ça t'intéresse, tu me poseras la question. Et Aconit, tu l'as depuis longtemps ? Il a l'air vachement sociable, regarde on dirait qu'il s'est fait un nouveau copain. »
Comme quoi, certains sont plus doués que d'autres pour ça.