Caractère:

Je suis née dans les bras de l’Océan.
Dans le tumulte de ses humeurs.
Bercée par ses vents.
Alimentée de son sel.
Entourée du chant des oiseaux marins.

J’ai grandi contre son sein vaste, ses étendues infinies troublées par l’audace de la terre, osant se mesurer à lui. J’ai appris à marcher en suivant le rythme de ses flots. J’ai parlé son langage avant celui de ma propre espèce. Je n’ai manqué de rien, car la mer a toujours veillé sur moi. Je n’en conserve que de flous souvenirs et pourtant la paix que cet environnement m’apportait me revient aisément en mémoire. Ce ne sont de quelques sensations, déterminées par mes sens. L’odeur de la brise saline et sa caresse dans mes cheveux. Le clapotis régulier des vagues contre la coque du bateau. L’écume qui crépite, s’énerve et disparaît dans les flots sombres. C’était l’époque où nous n’étions pas orphelines, Cléo et moi. Une autre vie, une vie simple, délicieuse, pleine de rêves et de bonheur. J’aime prétendre qu’à l’époque, je n’ai pas mis pied au sol avant que notre histoire ne vienne m’y forcer. Parfois, j’imagine une autre vie, une où la tragédie n’aurait pas frappé. C’est toujours avec un sourire que j’affirme que je n’aurais jamais quitté mon protecteur, puisqu’il n’y aurait pas eu de raison. Peut-être aurais-je vécu toute ma vie sur ce bateau où nous naviguions ma famille et moi.

Pourtant cette vie marine s’est brutalement achevée lors de l’attaque soudaine de pirates sur le navire familial. J’étais trop jeune pour comprendre, pour assimiler toute cette violence. Cléora m’a mené en sécurité; cette journée puis tant d’autres ensuite elle m’a sauvé la vie. Lorsque le danger s’est écarté, que nos assaillants ont laissé derrière eux leur gratuit carnage, je n’ai saisi qu’une fraction de leurs excès avant que ma grande sœur ne recouvre mon visage, ne me préserve de cette vision d’horreur. Pourtant je me souviens encore des corps inanimés, du sang. Encore aujourd’hui, je tente de faire sens de ce qui s’est produit cette journée-là. Pourquoi ? Cette question me torture encore l’esprit et avec elle la sensation que j’ai ressenti ce jour-là. L’impuissance. Je n’avais que cinq ans, qu’aurais-je pu vraiment faire pour y changer quoi que ce soit ? Non, sans Cléo, j’aurais subi le même sort. Pourtant, nous n’étions pas au bout de nos peines.

C’est la première fois où j’ai goûté à la cruauté des flots. Je ne l’oublierai jamais. À mesure que le bateau coulait, j’ai senti l’étau de la mer se refermer sur mes chevilles. Toutes les tentatives de l’adolescente ne suffiraient pas à nous protéger cette fois. J’ai pleuré, les yeux clos, supplié. J’ai entendu ma sœur tousser, le sel envahir sa gorge. À un moment, elle a lâché prise et je suis tombée à ses côtés dans l’eau, nageant vigoureusement, tirant comme je le pouvais sur son corps qui se faisait de plus en plus lourd.

C’est là que le roi des mers nous est apparu.

Je me souviens de sa majesté, Ô Léviator ! Comme il était beau ! Ses écailles brillaient d’un éclat presque surnaturel. Je ne me souviens plus beaucoup du reste. Tout ce que je sais, c’est qu’il nous repêchées et menées en sécurité sur la berge. Sur les sables humides, j’ai supplié Cléo de se réveiller.

«Tu n’es pas seule.» a-t-elle dit. C’est vrai. Mon aînée a veillé sur moi à cette époque. En revivant nos souvenirs tous les deux, je réalise tous les sacrifices qu’elle a pu faire pour me mettre en sécurité. La culpabilité alors m’assaille. Il y a eu tellement de moments où je n’ai pas mérité son acharnement. Où j’ai été ingrate, insolente, où j’aurais dû me taire mais j’ai crié. Surtout plus tard, bien plus tard dans notre histoire. Cléora s’est occupée de moi à la manière d’une mère dans un certain sens. Elle est tout ce que j’ai connu. C’est elle qui nous a menées à Vermilava, à travers le désert puis à Lavandia dans l’optique de nous protéger d’un ennemi indéfini mais menaçant, celui qui oeuvrait pour nous nuire et dont je ne connaissais que le nom, la Team Aqua. C’est drôle, maintenant qu’on y pense. Combien nous avions tort à leur sujet. Sauf qu’à l’époque, Cléo m’a convaincu qu’ils nous voulaient du mal et je n’avais aucune raison de douter de sa parole. La vérité est qu’elle n’était qu’une enfant elle aussi, une enfant tout aussi paumée que moi.

Deux enfants qui ont fini par atterrir dans le système. Incroyable comment ces quelques mots peuvent évoquer une forme de tragédie. Peut-être ce l’était pour ma grande sœur. Dans mon cas, j’y trouvais la stabilité à laquelle j’aspirais. Nous nous sommes installés à Poivressel, cumulant deux familles d’accueil. J’ai pu m’y poser, grandir, laisser cette folle course contre des ennemis invisibles derrière moi. J’ai aimé chacune d’entre elles. Cléo, elle, vivait les choses autrement. Avec la première famille, il n’y a eu que disputes et discorde, je la laissais faire d’un œil fatigué. Je n’ai pas reçu le même traitement, moi je voulais simplement des parents. À mesure que le temps passait, les souvenirs de cette vie près de la mer m’échappaient. Il n’a suffi que de quelques années pour que s’effritent la mémoire de nos parents. Bientôt, je ne me souvenais plus de leur visage. Je ne repensais à eux qu’avec nervosité, ces jours plus sombres où je revivais la violence de leurs derniers instants, que je revoyais le navire sombrer sous les flots. Je voulais une vie normale, je voulais qu’on m’aime. Mais Cléo était trop occupée à se rebeller, à se faire mon avocate, pour réaliser la réelle étendue de mes besoins. C’était sa manière de vivre avec le deuil, je suppose. Heureusement, notre deuxième famille l’a apaisée. Moïra et John sont devenus ceux à qui je pense lorsque repense à nos parents.

Cela fait-il de moi une mauvaise fille ?

J’avais huit ans quand Cléora a obtenu ma garde. La vie, enfin, se stabilisait. Nous nous sommes installés à Vermilava, où j’ai pu simplement grandir dans une effarante banalité.

Pourtant la houle de la mer me manquait toujours.
Il y avait cette part de moi, comme écartelée, cette soif que je ne parvenais pas à apaiser.
J’étais à l’âge des rêves; je me laissais vibrer de légendes que je taisais, que je conservais pour moi.
Si Cléo avait su, m’en aurait-elle empêchée ? Alors qu’elle souffrait de nos souvenirs, je n’aspirais qu’à retourner auprès de la mer.
Certains soirs, je pouvais presque l’entendre m’appeler au loin.

Alors que flots et marées dictaient le rythme de mon coeur, une toute autre routine m’entraînait lentement au carrefour de mes déraisons. Pendant longtemps, je me suis contentée d’entrer dans ce moule terrestre, celui imposé malgré moi par ma sœur. Je ne voulais pas, je ne pouvais pas lui en vouloir. Elle avait peur. Je taisais ce désir qui crépitait en moi, alimenté de mes lectures candides d’enfant : celles des légendes de Kyogre. Quelque part, je cherchais dans les pages de mes livres colorés cette ivresse qui vient avec le vent marin, le goût du sel contre mes lèvres. Je cachais ces ouvrages là où j’étais certaine qu’ils demeureraient hors de portée de mon aînée. Mon objectif n’a jamais été de lui cacher quoi que ce soit, mais plutôt de la préserver de mes envies, qui ne feraient de la blesser. L’océan ne lui rappelait que notre deuil, le danger, la mort. Je n’ai jamais osé lui dire qu’en tentant de me protéger, elle me privait d’une part de mon souffle, de ma vie.

Ce n’est pas le genre de choses qu’on réalise sur le coup, de toute manière. Je menais ma petite existence comme on l’entendait pour moi. Une jeune fille sociable et populaire, cherchant à faire plaisir aux autres. La sportive énergique qu’on retrouvait dans tous les clubs, toutes les occasions. Si je n’avais pas encore de Pokémon et n’osais en réclamer, je me plaisais à animer les combats de mes amis, parfois en tant qu’arbitre, mais le plus souvent en tant que commentatrice. Mes potes adoraient la grosse voix que je prenais pour décrire, avec une exactitude approximative, les actions des adversaires sur le terrain. À mesure que je vieillissais, on me sollicitait de plus en plus pour ce genre de mandat. Je me construisais une petite réputation. Puis j’allais à des fêtes. Ma vie filait entre mes doigts à mille à l’heure.

Je ne me souviens pas exactement ce qui a causé le bouleversement. Peut-être que ce sont les hormones de l’adolescence, ou une accumulation. Dans tous les cas, ce désir de retrouver la mer est devenue une obsession, un poids. La naissance de Rhéane y est probablement pour quelque chose aussi. J’ai toujours adoré ma nièce; j’aimerai même cette enfant toute ma vie. Or, sa naissance me plaçait progressivement telle une intruse dans la vie de ma sœur. Elle n’a jamais rien fait pour me faire sentir ainsi. Néanmoins je me frustrais de plus en plus de cette dépendance que j’entretenais envers elle depuis toujours. J’avais faim, comme tous les adolescents je suppose, d’une existence où je prenais mon envol, où je déterminais ma vie selon mes propres critères.

J’ai fait la rencontre de Cam, Cameron, à cette époque fatidique. Il m’a trouvée à la croisée des chemins, lors d’une soirée où je n’avais pas le cœur à faire la fête, où mon tumulte intérieur devenait trop intense. J’étais sortie prendre l’air, pour rejoindre la plage à quelques pas de la maison d’été d’une pote. J’observais la mer, rêvant d’une autre destinée. Cam m’a repéré ainsi. Nous avons discuté, comme deux inconnus qui sous l’effet de l’anonymat en dévoilent un peu trop à leur sujet. Nous avons parlé de Kyogre, d’un monde où la mer l’emportait sur la terre ferme.

Cam n’est jamais parti, pas vraiment du moins. Il a laissé une empreinte indélébile sur ma vie qui, jusqu’alors, se révélait beaucoup trop prévisible. Il était plus âgé que moi de quelques années, ce qui n’a pas empêché une amitié durable de s’installer entre nous. C’est lui qui m’a ouvert les portes vers mes véritables projets, lui qui m’a offert mon premier Pokémon, lui qui m’a introduit à la Team Aqua et qui me l'a fait connaître sous un tout autre angle que celui que j'avais jusqu'alors connu. Le premier membre de ma nouvelle famille. Une où je me sentais parfaitement à mes aises. Une que j’avais choisie.

Au contact de la Team Aqua j’ai pu enfin accéder à cette indépendance à laquelle j’aspirais. À mesure que le temps passait, je me radicalisais de plus en plus, complètement charmée par les doctrines de mon organisation. Ma fervente dévotion m’a amené à grimper les échelons malgré mon jeune âge, si bien que bientôt il est devenu difficile pour moi de masquer mes activités à ma famille. Cléo et moi nous sommes disputées lorsque j’ai découvert que de son côté, elle me cachait bien des choses au sujet de nos origines. En me rapprochant d’Arthur, le chef de la Team Aqua, j’ai enfin su que nous avions une famille à Hoenn, bien plus étendue que nous pouvions le soupçonner. Quelle n’était pas mon émotion en découvrant que le destin m’avait placé sur le chemin de mon oncle ! Cléora ne l’entendait pas de cette oreille. Elle a dit que je me laissais embobiner, que mon équipe était responsable de la mort de nos parents. Il n'y avait pas moyen de s'entendre.

Ce soir-là, je suis partie.

Je n’étais qu’une adolescente en perdition. Pourquoi n’a-t-elle pas couru à ma suite ? Pourquoi ne m’a-t-elle pas convaincu de rester ? Je pense qu’au final, c’est le moment qui a tout brisé entre nous. Bien après la tempête, lorsqu’elle est restée passive devant ma détresse. Je me suis réfugiée chez Arthur. J’ai fermé la porte, après avoir regardé une dernière fois derrière moi. Déjà, elle me faisait dos.

Tu n’es pas seule, a-t-elle dit un jour. Mensonge.

Alors j’ai combattu au nom de mes principes, au nom de ma nouvelle famille. Je voulais une nouvelle vie, une nouvelle perspective. Je voulais que Kyogre noie toute ma peine. J’ai fait des choses qu’aujourd’hui je regrette probablement un peu. Ce combat qui n’est pas achevé, mais qui s’est interrompu brusquement à l’apogée du conflit opposant la Team Aqua et Magma. Tout ça c’est du passé. Je peine encore à en parler sans trembler.

Après l’intervention de Rayquaza pour apaiser les tensions, rien n’a plus été pareil. L’équipe se recyclait progressivement vers une version dénaturée d’elle-même, à laquelle je n’adhérais pas totalement. Je cherchais à faire un sens à mon vécu au sein de la Team après plusieurs années de service. Je m’étais acharnée dans cette voie sans considérer toutes les autres. Il me fallait vite trouver une autre issue. Alors j’ai fait ce que toute jeune personne en quête d’identité fait : j’ai tenté ma chance à la Ligue d’Hoenn. J’ai capturé une jolie équipe avec laquelle j’ai tissé des liens solides. J’ai voyagé à travers la région. Mais je n’ai jamais réussi à obtenir plus que quelques Badges. Il fallait me rendre à l’évidence. Je ne deviendrais jamais la dresseuse de mes rêves.

Naufrage.
Ainsi j’ai atterri sur les plages de Lathea, cherchant à faire du sens de la houle.
Un nouveau départ, au cœur d’une région étrangère, là où je pourrais faire une croix sur mon passé.
Du moins l’espérais-je.

Les premiers mois à Lathea s’avérèrent les plus difficiles de ma vie. Je ne parvenais pas à trouver un emploi convenable. Je vivais dans un appartement miteux. Je peinais à reprendre mon souffle après mon abandon de la Ligue d’Hoenn et ma séparation avec tous mes compagnons, à l’exception de (NOM DE POKÉMON), dont je ne pouvais vraisemblablement pas me départir. Pour arrondir les fins de mois, je vendais mes services comme entraîneuse Pokémon pour des jeunots prometteurs. J’avais toujours eu plus de talent pour diriger les autres dans leurs stratégies plutôt que de mener les miennes à terme sur un terrain. J’aimais énormément ces quelques heures de ma semaine destinées à entraîner les dresseurs ! Bien plus épanouissant que les autres passées à servir des clients dans quelque restaurant malfamé de Skyler Bay. Je me devais d’agir pour trouver une carrière dans laquelle je me sentirais à ma place.

Je me suis tournée vers des études en journalisme, avec l’intention ferme de terminer mon parcours devant l’écran, après avoir lancé mon vlog sur internet avec des réponses plutôt positives. Le vlog, traitant des matchs d’Arène, des dresseurs les plus prometteurs et du système Gaïa, me rapportait quelques revenus, sinon je travaillais pour un salaire de misère sur les plateaux de télévision. À la fin de ces trois années d’études, j’avais déjà un nom à la station de télévision. J’étais jolie et charismatique, ainsi on me mettait à l’occasion devant la caméra pour des reportages banaux. C’était toujours un début. À côté, je renouais avec une vieille passion : celle de commenter des matchs. J’animais de petits combats hors ligue, souvent de manière bénévole, simplement pour le plaisir. Mon vlog a progressivement pris en popularité à cette époque, si bien que la station m’a bientôt confié de véritables matchs à commenter. Mon ascension s’est déroulée lentement, mais je suis désormais une journaliste Pokémon bien connue et une commentatrice de matchs chevronnée. J’ai trouvé ma voie. Il était temps.

Je n’oublie pas la mer pour autant. Je n’oublie pas l’appel de Kyogre. Ni Cléora qui se trouve à Lathea, elle aussi, maintenant une Championne en bonne et due forme. Je suis présente pour Rhéane ma nièce. Et pour (NOM DE POKÉMON). Je veux encore faire de grandes choses, me rattraper après ce parcours désastreux à Hoenn en tant que dresseuse.

Il y a encore des jours où mon regard se perd dans ses horizons.
Où le mouvement des vagues me berce.
Je n’oublierai jamais d’où je viens.
Je suis la fille de l’Océan.

As usuel, comme qui dirait, cette plume est toujours aussi agréable à lire ; tu travailles tes personnages, Calypso est toute en nuances, et je suis fan de tellement de choses dans cette fiche   Son métier va t'apporter tout plein de liens j'en suis sûre, le starter est hyper original, son histoire très travaillée et touchante... bref, j'adore déjà ce personnage ! Amuse-toi bien avec elle mon chat, rebienvenue à la maison, c'est toujours un plaisir de valider des gens aussi fidèles que toi et qui écrivent aussi bien

NB : Attention dans ton histoire, Djinn s'appelle encore "NOM DU POKEMON"