Si Heathcliff commence à être familier d’un certain nombre d’endroit dans la région de Lathea, ce n’est pas encore le cas de la Lande où il n’a, pour ainsi dire, jamais mis les pieds. Il ne sait pas non plus ce qu’il va pouvoir dénicher dans les environs. De plus, on lui a laissé entendre que l’endroit est calme et prospère quand il n’est pas le théâtre d’affrontements entre les éleveurs du plateau et les Pokélovers qui s’en prennent à leurs installations. C’est donc avec quelques appréhensions qu’il se rend malgré tout sur place. Un coup de train et il y est en seulement quelques heures. Si le Pendragon est quelqu’un qui a majoritairement vécu dans les traditions familiales les plus ancestrales, il va sans dire qu’il mentirait en affirmant ne pas apprécier cette modernité à laquelle il a recours depuis qu’il a déménagé à Lathea. Ne serait-ce que pour les voyages, c’est beaucoup plus simple de prendre un train ou un taxi volant plutôt que de se contenter de la marche. Sur des courtes distances, il le fait sans problème mais lorsqu’il s’agit d’aller de Castlerain jusqu’à une zone sauvage plus éloignée, c’est agréable de ne pas avoir à faire une si longue route. Et surtout, ça permet un énorme gain de temps qu’il peut rentabiliser en restant plus longtemps sur place.

En arrivant dans la Lande, Heathcliff laisse un sifflement étonné s’échapper de sa gorge. Déjà, il a l’air d’être tombé sur un bon jour étant donné qu’il ne voit pas le moindre signe de combat dans les alentours. Ensuite, il s’imaginait une zone complètement plate, des plaines à perte de vue. Pourtant, ce sont bien des petites collines qu’il parvient à discerner un peu plus loin. Dans sa vision directe, il y a plusieurs étables et quelques maisons qui les accompagnent. Calme et prospère, comme on le lui a dit lorsque les jours sont normaux. Rassuré sur la teneur des quelques heures qu’il s’apprête à passer ici, Heathcliff entame son parcours à travers la Lande. Au bout de quelques minutes cependant, une silhouette attire son attention. Curieux et pris d’une drôle de sensation, le médium s’approche avant d’écarquiller les yeux lorsqu’il se retrouve à proximité de l’homme - puisque c’en est un - et qu’il le reconnaît. « Bonjour Ismaël, ça faisait longtemps. », dit-il calmement après s’être repris, sourire aux lèvres, signalant sa présence par la même occasion. A croire qu’il est destiné à recroiser toute la famille Esperanza d’une manière ou d’une autre. Et en vérité, ce n’est pas pour lui déplaire ; il apprécie ces gens, Heathcliff, et cette famille a toute sa confiance.

Heathcliff se demande s’il ne s’est pas fait un peu trop discret lorsqu’il voit Ismaël sursauter suite à ses paroles. Rapidement pourtant, il hausse les épaules sans se départir de son sourire même au moment d’entendre la réponse d’Ismaël. Il ne le reconnaît pas et si c’est une remarque qui aurait pu vexer n’importe qui, le Pendragon la prend plutôt bien. Les deux hommes ne se sont pas croisés depuis des années ; ils ont changé, grandi, bref, ils ont tout simplement fait leur vie. Et jusqu’à très récemment, Heath avait lui aussi oublié ses plus anciennes amitiés de Johto bien qu’elles ne soient pas particulièrement nombreuses. Alors il est patient, Heathcliff, et il attend que les souvenirs reviennent à la surface de la mémoire d’Ismaël. Ce garçon plus jeune que lui avec lequel il aimait se rendre dans des vieilles ruines, tard le soir. Non seulement c’était plus simple pour croiser des fantômes durant ces horaires nocturnes mais en plus de ça, ça faisait partie des quelques rares moments où le petit Isaïah n’accaparait pas le dos du Pendragon en lui réclamant des tours de magie. Certes, il en rigolait mais ces sorties étaient tout de même bienvenues et clairement libératrices. Ils n’avaient pas trouvé énormément de fantômes ou de Pokémon spectres durant cette petite expédition mais quand il y repense, Heath a le souvenir d’avoir passé quelques bons moments. Alors quand l’expression faciale d’Ismaël change et qu’il prononce son prénom, Heathcliff hoche la tête.

« J’ai déménagé à Lathea pour le travail. Ce que j’avais à Johto ne me convenait plus. », il ne ment pas en disant ça. Il omet seulement de donner des détails et c’est pour le mieux. Il n’a pas envie d’en parler et ça n’intéresse probablement pas Ismaël. « Maintenant, je suis rattaché au laboratoire de Castlerain. Je ne sais pas si tu y es déjà allé ? Il est immense et il est équipé de tout le matériel dernier cri dont un scientifique peut rêver. », il commence à s’emballer, le chercheur ; avant de se calmer en le remarquant. « Mais... Et toi ? On m’a dit que tu n’étais plus dans la région depuis un certain temps. Alors j’ai été un peu surpris de te revoir en tant qu’arbitre à la Tour de Combat. », demande-t-il en s’intéressant davantage à son interlocuteur. Pour le moment, il préfère ne pas divulguer la source qui lui a parlé de son départ quelques années auparavant. Depuis qu’il a fait quelques combats à la Tour d’Enoville, il arrive au scientifique de suivre quelques duels à la télévision  - ou parfois sur place - quand il a un peu de temps. Or, il s’avère qu’il n’était pas loin lors du combat entre Isaïah et Mallory. Il a même parier sur le petit Esperanza pour l’encourager, conscient que Mallory est un dresseur extrêmement doué et un adversaire dangereux. Et en observateur qu’il est - il paraît que ça aide, dans sa profession -, le scientifique n’est pas passé à côté de la tension entre les deux garçons.

Il s’est fait une raison, le Pendragon : s’il recroise tous ces gens qu’il a connus par le passé, ce n’est probablement pas sans raison. Qui plus est, ce sont des personnes qu’il a connu à une époque antérieure à toutes les merdes qui lui sont tombées dessus par la suite. Peut-être qu’il faut y voir un signe, une preuve que les choses vont enfin finir par s’améliorer. Ce n’est probablement pas la seule explication possible mais c’est la première qui vient à l’esprit d’Heathcliff alors qu’il répond à la question d’Ismaël. Le scientifique hoche la tête à la remarque du baroudeur. Oui, c’est pour ça qu’il est là ; du moins, en partie. La nouvelle vie qu’il s’est construit ici lui plaît ; il est libre, il fait ce qu’il aime et il n’a de compte à rendre à personne - à part ses supérieurs mais il s’arrange généralement pour avoir le moins de contact possible avec eux. De fait, il est donc bien mieux ici qu’il ne l’était à Johto bien que sa région natale lui manque à certaines occasions. « Excuse-moi, c’était stupide comme question. », répond-il en comprenant très bien que le plus jeune n’apprécie pas particulièrement Castlerain. Cette ville ne recèle pas l’ambiance la plus saine pour ceux qui souhaitent s’épanouir. « Oh, les patrons ne sont pas toujours faciles à supporter mais globalement, ça me correspond bien mieux, oui. », poursuit-il en ricanant, comme pour rapidement faire passer un éventuel malaise suite à ses excuses. « Je ne vais pas te dire le contraire. Ils ont même mis au point une machine pour ramener les Pokémon des temps anciens à la vie, tu imagines ? », cette machine le fascine et s’il n’a pas encore eu l’occasion de l’essayer pour le moment, il espère que ce sera bientôt le cas. Voir ses collègues le faire, ça va bien un temps ; maintenant, il aimerait lui aussi avoir sa chance.

Et puis, c’est le retour d’un sujet globalement épineux. Si Heathcliff a conscience qu’il aurait certainement mieux fait de ne rien dire, il ne peut tout de même pas s’empêcher de lui demander ce qu’il fait dans la région. Le Pendragon ne comprend vraiment qu’il aurait dû s’abstenir lorsque la mine d’Isma s’assombrit soudainement et qu’il part dans des justifications que le trentenaire n’a même pas réclamé. Heath a demandé ce qu’il faisait là, pas pourquoi il est parti. Ce serait bien mal avisé de sa part d’avoir l’audace de le questionner là-dessus et de porter un jugement alors qu’il a lui-même laissé les siens à Rosalia sans même une lettre d’au revoir. « Je ne te demandais pas des comptes, tu sais. Tu avais tes raisons si tu es parti et ce n’est certainement pas à moi de t’accabler en te disant que c’est bien ou mal. », explique-t-il en haussant les épaules. « Du reste, je suis content que tu aies trouvé une si bonne planque, Ismaël le fonctionnaire ! », laisse-t-il en ricanant un peu plus fortement, désireux de détendre l’atmosphère afin qu’ils ne s’embourbent pas dans une spirale de tristesse. « Pourquoi pas. Tu voulais aller quelque part en particulier ? », il accepte son invitation, n’ayant aucune raison de la refuser. Et puis Heathcliff n’a pas d’objectif précis si ce n’est parcourir la Lande alors si Ismaël a besoin de se rendre quelque part, il peut l’accompagner sans problème. « Dis-moi, en tant que... Fonctionnaire, tu dois avoir tous les avantages qui vont avec ? Un logement de fonction ? Un véhicule personnel ou un taxi volant attitré et gratuit ? », il oublie peut-être certaines choses mais là tout de suite, il ne voit pas vraiment lesquelles.

Il sait, pourtant, que la vie privée est un terrain sur lequel il est difficile d’aller. Cependant, sur ce coup-là, l’étonnement est plus fort que la raison. Un sentiment d’autant plus accentué par le fait qu’à peine quelques semaines plus tôt, Isaïah lui a appris que son grand-frère n’était pas dans la région. Alors forcément, il est surpris de se retrouver là, face à lui mais finalement, peu importe ; ce qui compte, c’est qu’Ismaël puisse mener la vie qui lui convienne. Heathcliff n’a aucune intention de le juger sur quoi que ce soit. Il ne lui en veut même pas de s’être braqué parce qu’à sa place, le Pendragon aurait très certainement eu une réaction similaire devant la redondance de cette question et des reproches qui doivent probablement l’accompagner. Désireux de rapidement dissiper les malentendus, le scientifique précise qu’il n’a aucune intention hostile et que son interrogation, bien que maladroite, n’avait absolument pas pour objectif d’être malveillante. D’autres doivent bien se charger d’enfoncer le clou, lui n’est certainement pas là pour ça. Heathcliff enchaîne ensuite en répondant aux paroles du baroudeur, espérant ainsi que ça permette de passer à autre chose. Le médium n’a aucune envie qu’une boulette ne gâche ces retrouvailles, aussi inattendues soient-elles.

A la place, il préfère le taquiner sur son nouveau travail ; ce qui ne semble pas être une si mauvaise idée puisqu’il parvient à arracher un petit rire à l’arbitre de combat. « Dans ce cas, je te suis. », sa réponse n’aurait pas vraiment changé même si Ismaël avait donné une destination particulière ; il aurait tout aussi bien accepté de faire un bout de chemin avec lui. Seulement, là, il sait à quoi s’attendre : une promenade à travers la Lande sans objectif précis et ça lui va très bien. Puisque c’est entendu, Heathcliff en profite également pour faire son curieux en lui posant d’autres questions sur le métier qu’il occupe depuis quelque temps et la première réflexion qu’il se fait en entendant les réponses, c’est que ça paye d’être arbitre à la tour de combat d’Enoville. « Tu vis gratuitement en face de ton lieu de travail ? C’est sympa ! », voire juste à côté, vu les paroles d’Ismaël. Il est possible qu’il n’ait même pas de rue à traverser s’il passe davantage de temps dans l’ascenseur que sur le trajet. Une situation qui peut aussi avoir quelques inconvénients. Par exemple, être à côté de son lieu de travail peut rendre assez difficile le fait de mettre une barrière entre vie professionnelle et vie privée. Quoique ça n’a pas l’air d’être un problème pour l’Esperanza. « Oui, si tu peux financièrement te le permettre, autant en profiter. Et puis, tu vois d’autres environnements, comme ça. », c’est plus agréable plutôt que d’avoir systématiquement le même décor citadin. Bon, il n’a pas de taxi volant privé mais puisque le salaire est là... « Aucun problème, c’est déjà oublié. Ce n’était qu’un malentendu et je comprends ta réaction. », dit-il en haussant les épaules. Il sait qu’il n’y est pour rien, Heathcliff et il ne rejette pas non plus la faute sur son ami. En revanche, le Johtien sent ses muscles se crisper légèrement suite aux paroles du brun. « Je n’en sais rien... Je n’ai pas vraiment eu l’occasion de les prévenir alors... Je suppose que non, ils n’ont pas dû bien le vivre. », explique-t-il après quelques secondes d’hésitation, continuant d’avancer. Il sait que ce n’était peut-être pas la bonne attitude à adopter mais il n’a pas eu le choix ; s’il leur avait envoyé une lettre ou qu’il était passé les voir pour les avertir, le scientifique n’aurait probablement jamais atteint Lathea.