Il a fallu un peu de temps à Gaspar pour remettre les pieds dans ce parc depuis le traumatisme de la dernière fois ; pour ne pas mentir et dire toute la vérité, il a un peu pleuré quand il est arrivé chez Oliver et qu'il lui a raconté qu'il avait failli finir en prison, puis manqué mourir deux fois - la première fois à cause d'un étouffement inopiné et la seconde fois à cause de celui qu'il a décidé de nommer Cyclone, même s'il aurait aussi bien pu l'appeler Assassin ou Meurtrier ou quelque chose de ce genre. On n'a pas idée de s'en prendre aux gens comme ça, non ? En plus le chanteur est presque certain que ce sauvage l'aurait réattaqué s'il n'avait pas vu Tempête et que, ainsi, son attention n'avait pas été détournée de façon subite.

En fait, il était quasiment près à ne jamais revenir ici et à confier le Nirondelle sauvage à Oliver, mais celui-ci l'a patiemment rassuré et l'a convaincu de se montrer plus fort que la peur. Il élève des Dragons, il ne va quand même pas avoir peur d'un parc pourri avec un règlement débile ? Bien sûr que non ! Il a raison son amant. Qu'est-ce qu'il est intelligent, lui.
Gaspar a donc repris son sac et il est retourné courageusement au Parc Pokélovers de Castlerain, vaillamment secondé par Alecto, toujours partante pour un entraînement de plus : la preuve, elle s'agite sur place en remuant mollement tellement elle est enthousiaste ! C'est génial, cette Pokémon l'adore, c'est sûr ; quoi qu'il dise et quoi qu'il fasse, elle est toujours d'accord avec lui. Vivement qu'elle évolue pour qu'elle puisse s'exprimer plus clairement...

Comme ça, une fois transformée en beau et puissant Léviator, elle pourra montrer à toutes les mauvaises langues qui disent que Gaspar se fait des films quand il prétend la comprendre que non, ce sont eux qui ne comprennent rien, et que lui, il arrive à comprendre son Magicarpe pour de vrai. De toute façon il a toujours dit que ces Pokémon étaient malheureusement incompris et qu'ils n'étaient pas considérés à leur juste valeur. Ils ne payent peut-être pas de mine, mais ils sont vaillants et courageux, ils perdurent et subsistent malgré les éternelles moqueries de leurs contemporains... Quelque part, Gaspar est un peu un Magicarpe à sa façon. Alors il les comprend, c'est comme ça. N'en déplaise aux mauvaises langues stupides qui ne pourront que s'incliner devant la vérité une fois qu'Alecto leur aura montré que depuis le début, Gaspar avait raison.

Alors il a hâte, ô oui, il a vraiment hâte de voir leur tête de débiles quand il aura réussi à la faire évoluer. Pour l'instant, il se contente de la chouchouter, il lui parle toute la journée et il l'encourage autant qu'il le peut pour lui montrer qu'il croit en elle et que les autres qui se moquent sont des idiots. Il n'a absolument pas peur de ne pas être à la hauteur ; là il n'est pas question d'avoir les épaules, il est question d'avoir fait de ce poisson rouge inutile, comme ils disent, une véritable amie qui sera là pour l'épauler exactement comme il l'aura fait avec elle, et comme chaque petit Pokémon sous-estimé et mal-aimé dans le monde mérite de l'être. Aimé et choyé à sa juste valeur. C'est la voie qu'il a choisie de suivre.

S'il y a une chose qu'on ne peut retirer à Gaspar en dépit de tous ses défauts, c'est sa profonde et puissante empathie pour les Pokémon. Pour les humains c'est autre chose parce que leur façon de réfléchir et leurs sentiments sont tellement alambiqués, passent par tellement de chemins et de détours qu'il est bien souvent incapable de les comprendre ou même, simplement, de les concevoir. Mais pour les Pokémon, c'est différent ; les Pokémon ne sont pas aussi tordus, ou en tout cas, pas les siens - les Spectre, les Psy et les Ténèbres c'est une autre histoire, il faut bien le dire. Ceux dont il s'entoure sont gentils et la plupart du temps, bienveillants ; si ce n'est pas le cas de prime abord, c'est qu'ils ont un passé difficile ou simplement qu'ils ne sont pas compris. Un peu comme lui.

Une réaction disproportionnée vient toujours de quelque part et souvent, il n'y a pas besoin de chercher très loin pour en comprendre l'origine. Les sentiments des Pokémon que Gaspar aime sont souvent déterminants dans leur façon d'agir et il suffit d'un peu d'attention pour les comprendre et répondre à leurs craintes de la bonne façon. C'est comme ça qu'il a réussi à capturer son Draby, et le pauvre petit revenait de loin. Aujourd'hui, c'est encore un peu compliqué parce que sa surdité l'empêche de bien communiquer avec les autres Pokémon de son équipe, alors il arrive régulièrement qu'il se batte avec Shape ou encore avec Angmar, mais ça ne va jamais très loin. Les rapports de dominance ne sont jamais simple entre les Dragons ; le pire reste encore Blue, beaucoup trop fier pour accepter de reculer, mais ça viendra.

Oui, un jour ça viendra, ils formeront tous ensemble une belle et grande famille, ils marcheront sur toutes les arènes pour collectionner les badges et ils remporteront la Ligue pour devenir les Maître de Lathea. Ça ne fait aucun doute ; c'est sa vocation, sa passion, et qu'importent les difficultés et les défaites qu'il subira forcément à un moment ou l'autre. Si ses amis sont avec lui, alors tout ira bien.
Et puis il y a Oliver, pour l'épauler et le soutenir, pour l'aider. Ensemble, c'est sûr que rien ne les arrêtera ; ils étaient destinés l'un à l'autre après tout, et la présence de Sacha n'est finalement que secondaire. Ce n'est pas pour rien qu'il ne pense jamais à son mari ; il a même retiré son alliance, bien inutile et beaucoup plus encombrante qu'autre chose. Il la lui rendra à son réveil.

Ça risque d'être compliqué, et il en a bien conscience le chanteur, que toutes ses belles résolutions risquent d'être ébranlées lorsqu'il va se retrouver devant son époux tout juste réveillé d'un coma long de plusieurs mois et qu'il va devoir lui annoncer qu'il le quitte ; mais c'est parce qu'il a retrouvé l'amour de sa vie alors, c'est légitime, non ? Il ne reculera pas, il en est sûr ; il sait ce qu'il veut, et ce qu'il veut c'est Oliver, une vie avec lui, des voyages, des escapades, des victoires. Rien de tout ceci ne serait possible avec Sacha et quand bien même ; maintenant qu'il a retrouvé la chaleur des bras de son âme soeur et la douceur de sa main dans la sienne, il sait qu'il ne pourra plus jamais envisager la présence de quelqu'un d'autre à ses côtés.

En tout cas, pas pour tenir cette place-là. Parce qu'il en a des amis bien sûr et il n'a pas l'intention de les rayer de sa vie ; de toute façon Oliver n'est pas Sacha et il ne lui demanderait jamais une chose pareille, mais c'est différent avec Oliver, bien sûr. Si les autres seront effectivement là, ce sera lui d'abord, comme il aurait toujours dû être : à la première place. S'ils ont perdu autant de temps, ce n'est que parce que Gaspar n'a pas été assez courageux à l'époque pour affronter les difficultés auxquelles il a finalement fait face de la mauvaise façon, avec la mauvaise personne. C'est d'autant plus dommage de se rendre compte qu'il aurait pu vivre tout ça bien plus tôt et sans s'encombrer des regrets et de la culpabilité qu'il trimballe depuis tout ce temps.

Mais s'apitoyer sur tout ceci n'a plus aucun sens maintenant, parce qu'ils avancent ensemble désormais et que le passé peut bien aller se faire... le passé doit être laissé derrière, voilà, parfaitement, et il ne doit subsister des erreurs qui y ont eu lieu que les leçons qui en découlent. Est-ce qu'il a lu ça dans un livre ? Ça sonne bien, il dira que c'est de lui si jamais il en parle à la télévision.
Parlant de télévision, il devrait sûrement aller affronter un champion, un de ces quatre. Pour avancer, progresser dans son voyage et se faire enfin connaître en tant que dresseur digne de ce nom. C'est important, et il le faut ; c'est bien pour ça qu'il a décidé de s'engager sur cette voie, non ? Il doit s'entraîner un peu plus dur ; d'ailleurs, il va faire combattre Alecto.

Il sent qu'elle en meurt d'envie, la pauvre est tout agitée, elle a besoin de se défouler, c'est sûr. Alors, ni une ni deux, le dresseur se dirige d'un pas vaillant vers le premier étang qu'il peut trouver ; il doit bien y avoir quelques Pokémon aquatiques que la belle et puissante Magicarpe puisse affronter, non ? Au pire, elle attaquera les Pokémon hors de l'eau ; si Gaspar doit attraper ce Chaglam et le jeter dans l'étang pour qu'elle puisse s'entraîner, alors il le fera, il ne reculerait devant absolument rien pour permettre à sa fabuleuse Alecto de se sentir bien. Si c'est pas un dresseur en or, ça... tant pis pour le Chaglam. Maintenant que la Magicarpe est à l'eau, il faut attraper le Pokémon sauvage. Alors Gaspar plie les genoux et se met à avancer vers lui aussi discrètement que possible.

Il y est presque, encore quelques pas... et voilà, il se jette sur lui, en se retenant juste à temps pour ne pas pousser un cri de guerre qui aurait forcément alerté le Pokémon ; rien de tel pour faire foirer sa tentative de capture sauvage. Mais il s'y est miraculeusement bien pris et il arrive sans aucun mal à saisir le Chaglam entre ses mains. Aussitôt, celui-ci se met à miauler comme un fou, griffant et feulant tout ce qu'il peut ; sauf que Gaspar est le plus fort et qu'en deux en trois mouvements, ignorant les sévères blessures infligées par la colère de cette créature féroce, il la jette dans l'étang. Alecto en bondit de joie et se met à gigoter encore plus fort autour du Pokémon qui continue de hurler en se débattant dans l'eau pour regagner la rive. Gaspar de son côté, encourage Alecto.