Surfant sur le dos de Neptune et armé d'une canne à pêche, je me suis rendu à l’œil de Lathea pour essayer d'y dénicher des pokémon aquatiques rares, J'ai été beaucoup trop habitué à voguer sur l'océan, la mer, prendre le Sunflower – mon voilier monocoque - pour une balade vers le large. Mais jamais je n'ai pris la peine de bien m'attarder sur les lacs magnifiques qui ornent notre belle région Lathea. J'ai déjà passé du temps à Halosis et donc au lac que l'on nomme Œil de Lathea, mais jamais au point d'y passer une journée entière avec en tête d'y capturer des pokémon. Il faut dire qu'à mon retour à Skyler Bay, j'avais une équipe complète pour l'arène et capturer d'autres pokémon était une idée saugrenue. Le temps semble couvert, l'air est lourd, signe qu'un orage éclatera plus tard, sûrement dans la soirée. Beaucoup de gens utilisent des barques prêtées ou louées à Halosis pour naviguer sur le lac et aller pêcher. Ou tout simplement se rendre sur les nombreuses petites îles du lac. Mais depuis que j'ai Neptune, mon Démanta, je n'ai plus besoin de planche de surf, ni de bateau où je dois ramer pour naviguer sur n'importe quel point d'eau. Neptune est large, assez pour me permettre de m'allonger sur lui en pleine mer pour bronzer. Légèrement plus grand que les autres Démanta, sa croissance a été surprenante mais fort bien utile. Il faut croire qu'aujourd'hui les gens ne veulent pas faire le tour du lac, les rares personnes que je vois se baigner restent au bord. Je ne vois qu'un seul bateau au loin avec une tête blonde courageuse, prête à naviguer malgré le temps qui s'annonce à l'orage. De loin, j'aperçois son bateau rentrer dans quelque chose.

« Accélère Neptune, je crois qu'elle a un problème. »

Je lui demande en m'abaissant légèrement, comme quand je surfe sur les vagues déchaînées pour garder l'équilibre tout en restant aérodynamique. Je vois un barrage, à peine visible. Des Keunotor et Castorno ont dû le construire. Et ayant pris ça pour une attaque, ils sont en train d'acculer la jeune femme sur son bateau.

« Venez, je vous emmène, dépêchez-vous ! »

Je lance d'un ton pressé alors que Neptune fait un dérapage aquatique, prêt à repartir. Quand elle tourne son regard vers moi, je la reconnais. Nelly. La fille de ma mère. Ma sœur. Ma demi sœur précisément. J'en tombe des nues. Je ne peux pas faire machine arrière. Est-ce que j'en ai véritablement envie ? J'ai beau la détester, je ne souhaite pas qu'elle finisse grignotée et noyée au fond du lac.

« Monte dépêche-toi ! »

Mon ton est plus sec et impatient. J'attrape sa main et l'invite à se mettre debout sur Neptune qui fend l'eau aussitôt, laissant le bateau en bois sombrer au fond du lac après quelques coups de crocs de ces pokémons.

« Ils nous suivent, ils tenaient vraiment à leur barrage, tu as dû l'abîmer. »

Mon ton est neutre, plus explicatif, aucune trace de blâme. Je pointe du doigt une petite île proche.

« On va se cacher là-bas, je doute qu'avec deux personnes sur son dos, Neptune puisse distancer tout un groupe de Castorno et de Keunotor. »

L'île abrite quelques arbres, buissons et arbustes en plus de rochers, elle sera parfaite le temps de se faire oublier.

Ah bah ça, elle en était fière de son plan. Il était parfait. Tout était prévu, encadré, fait pour que la journée se passe calmement et paisiblement. Mais non, bien sûr que non, ça ne s’est pas passé comme ça, parce que c’est quand on prévoit tout que ça passe pas correctement, c’est ça l’explication ? Non c’est pas convenable comme excuse non.

Nelly est au lac depuis la nuit dernière, où elle a même rencontré Donna qui avait besoin d’aide pour une alerte. Alors aujourd’hui, elle a décidé de louer un bateau à la ville la plus proche pour aller sur le lac, après en avoir presque fait le tour avec l’ex-championne Eau. Elle est donc arrivée ce matin, sa barque et ses pagaies sous les bras, son Spike la suivant fièrement, et parmi trois nageurs peu téméraires et les deux pokémon insecte qu’elle se refuse de regarder dans les yeux, elle monte sur son embarcation et commence tranquillement son acheminement vers le milieu du lac. C’est un endroit sympathique, et pour tout dire, elle n’a vraiment pas fait attention à la météo. C’est une fois bien engagée dans sa traversée et plus du tout protégée du vent par les arbres, qu’elle se rend compte que, quand même, il y a du vent. Mais pas de soleil.
Dans une situation comme celle-ci (le froid), Nelly a un choix à faire. Ulysse, seul pokémon feu de son équipe, est bien sagement rangé dans sa pokball, et sa température naturellement chaude la réchauffe toujours quand elle caille. Sauf que là, elle est au dessus de l’eau. Imaginons qu’elle… n’importe quoi en fait, qu’elle fonce dans une barrière de coraillon, comme il y en a tant dans les lacs en cette saison -si si croyez-moi- l'embarcation coule et le canidé avec. Très mauvaise idée. « J’ai pas super envie de faire mourir Ulysse, alors t’as qu’à venir là toi, tu me réchaufferas peut-être... » Le deuxième choix ? Se les peler -parce que Kaiminus est un pokémon de sang froid, donc aucunement réchauffant- en continuant son chemin. Naturellement, pour la survie de son pokémon, elle choisit la deuxième option.

Enfin elle n’a pas longtemps à ramer en essayant d’éviter les coups de dents joyeux du bébé sur ses genoux avant qu’un énorme “PONK” retentisse. Elle a moment de bug total, Nelly. Ele regarde Spike, Spike la regarde, il n’y a pas un bruit. Comme le silence avant la tempête. Sauf qu’elle aurait très largement préféré que le PONK soit en réalité la déformation du bruit d’un coup de tonnerre et que la tempête ne soit liée qu’à la météo. Sauf que de nouveau, ç’aurait été trop simple. Il fallait que le karma se mêle un peu de l’histoire. Le bruit ne venait pas du ciel, mais de l’eau douce sous ses planches. Un instant elle sourit, la blonde, parce qu'elle se félicite intérieurement de n’avoir pas sorti Ulysse. Puis, sans réellement réfléchir à ses actes, ses instincts maternels prenant le dessus, elle jette Spike dans l’eau le plus loin possible en lui hurlant de courir jusqu'à la première île qu'il croisera. Enfin de nager quoi, il a compris.

Son pokémon est sauvé, c’est super, mais elle, elle est toujours bloquée sur son bâteau. Bâteau maintenant percé. Ses yeux jonglent entre les fuites qui font monter le niveau d’eau à ses pieds, les pokémon qu’elle distingue dans l’eau derrière elle, une silhouette qui court sur l’eau et Spike qui- hein ? Qui court sur l’eau ? Elle s’attarde un peu sur l’homme qui dérape maintenant près d’elle. Il devait aller à une vitesse folle. Sous lui, un démanta. Donc il ne courait pas. ... Elle oublie presque sa situation désespérée devant les actions de l’homme, mais une main lui est tendue et la voix qu’elle entend la ramène bien vite à la réalité. Elle connaît cette voix. « Venez, je vous emmène, dépêchez-vous ! » Elle l’a entendu peu de fois, mais on n’oublie pas la voix de son frère. Et en effet, alors qu’elle relève pour la première fois les yeux vers son visage, plus aucun doute n’est seulement envisageable.
Pourtant elle hésite, Nelly. Ce n’est pas une question de confiance, ni de peur de monter à deux sur un pauvre pokémon qui va devoir les trainer loin des pokémon agressifs, parce qu’en réalité, elle ne pense pas du tout à toutes ces questions pratiques. Là, tout de suite, ce qui la dérange, c’est que c’est Fye, qui lui propose de l’aide. Fye qui lui a adressé la parole à tout casser trois fois dans sa vie. Son demi-frère qui a une dent contre elle depuis qu’elle est née. Ce qui lui est reproché ? Elle suppose simplement d’exister, mais elle ne s’arrêtera sûrement pas de vivre pour lui, ce gros égoïste qui est parti vivre sa vie tranquillement sur les océans en laissant sa mère devenir complètement folle. Alors non, elle n’acceptera pas cette aide hypocrite, et fronce les sourcils en ouvrant la bouche pour répondre quelque chose. Elle ne sait pas encore exactement quoi, et heureusement qu'une secousse la “sauve” -fait perdre l'équilibre- avant qu'elle ne se ridiculise. Puis tout s'enchaîne très vite, le champion l'attrape par la main et la force gentiment à monter sur le démanta avant de mettre les gaz.

Alors si, elle s’aggripe à lui, parce qu’elle n’est pas débile, et en voyant sa barque être réduite en morceaux quelques secondes après leur départ elle est reconnaissante, parce que merde, s’il n’avait pas été là, elle aurait finie dans le même état que ce bateau !

« Ils nous suivent, ils tenaient vraiment à leur barrage, tu as dû l'abîmer. » Pardon ?? Mais !! Son ton n’est pas agressif, mais c’est tout de même une attaque personnelle, hein. -Non sérieux ? Si ce truc était pas important pour eux elle veut pas savoir ce qu’il se serait passé si ça avait été le cas. Elle grogne un peu mais ne répond pas, ce serait un coup à ce qu’il la jette par dessus nageoire. Comme si elle avait sciemment défoncé leur construction… De toute façon il ne lui laisse pas le temps de parler, et enchaîne déjà. C’est drôle comme en deux minute il réussit à aligner plus de mots qu’en 18 ans... « On va se cacher là-bas, je doute qu'avec deux personnes sur son dos, Neptune puisse distancer tout un groupe de Castorno et de Keunotor. »
Neptune ? Ah le poisson. Elle hoche la tête, elle sait qu’il la sent bouger contre son dos nu. Et une fois à portée de la terre ferme, elle se débrouille toute seule pour descendre du pokémon taxi sans un regard pour Fye. Sans même faire attention à s’il lui propose son aide ou quoi que ce soit. En fait, elle serait même contente qu’il se soit pris un vent.

Nelly avance à travers les rochers qui forment comme une muraille à l’île, pour s’assurer d’être hors de portée des pokémons dangereux, puis se tourne vers Fye une fois les pieds dans le sable. « Merci ? » Ce n’était pas sensé avoir l’air d’être une question. Elle aurait voulu paraître sûre d’elle, un poil agressive aussi, parce que non, elle n’est pas enchantée de devoir rester ici avec son demi-frère pendant peut-être plusieurs heures. Dépitée, elle se racle la gorge avant de reprendre la parole. « C’est toujours à dos de poisson que tu sauves les jeunes femmes en détresse ? elle sourirait presque, si elle ne l’avait pas mauvaise d’avoir été la jeune femme en détresse aujourd’hui. » Parce que mine de rien, elle a failli mourir il y a cinq minutes juste parce qu’elle voulait pas accepter l’aide de son demi-frère avec qui elle a une relation désastreuse. Ses bras sont croisés sur sa poitrine et ses pieds s’enfoncent dans le sable alors que son bébé Kaiminus s’accroche à ses jambes pour signaler sa présence. Elle défronce alors les sourcils et s’accroupit pour le câliner, le laissant la mordiller un peu, consciente qu’il a eu peur au moins huit fois plus qu’elle.
Et Fye ? Oh et bien s’il a envie de communiquer avec elle il viendra, pour l’instant c’est Spike qui est important. Après tout elle l’a déjà remercié, non ? Ils ne se doivent plus rien...

Elle me remercie. Enfin je crois. Son ton n'est pas très reconnaissant mais ça m'importe peu. Ce qui m'importe c'est qu'elle va vivre et que je n'aurais pas à écouter ma mère à dire que j'aurais pu la sauver d'un groupe de Castorno et de Keunotor enragés parce que sa si précieuse fille a été assez stupide pour s'improviser une virée sur un lac, seule, un jour où le temps est loin d'être clément, sans connaître les dangers. Je ne lui réponds pas. Enfin pas avec ma voix, je me contente d'un hochement de tête et d'un geste de la main, comme pour dire « c'est rien ». Je la laisse faire à partir du moment où elle est sur la terre ferme et je me poste sur les rochers pour voir si les pokémon en colère nous suivent. La réponse est non. Ils se sont arrêtés à une quinzaine de mètres de l'île mais ils nous observent. Pourquoi ne viennent-ils pas ? Ils peuvent aussi bien nager que marcher sur terre pourtant … Je suis prêt à dégainer mes pokémon les plus puissants pour combattre si besoin. Ils guettent sans doute le meilleur moment pour nous attaquer. Ils savent que nous sommes à notre désavantage dans l'eau et ils savent aussi que nous sommes sur une île et qu'on devra en sortir par la voie des airs ou par la nage. Je rappelle Neptune dans sa pokéball puis je me tourne vers Nelly quand elle me lance une réflexion, je ne sais même pas si c'était une pique. Et si ça en était une, elle est bien pathétique car ça ne m'atteint pas.

« Tu vis en quelle année ? De nos jours, la majorité des femmes savent se sauver toutes seules. »

C'est la seule chose que je peux répondre. Calmement, sans la moindre animosité. Il ne faut pas que je m'énerve sur elle, même si je ne l'aime pas. Même si je l'envie, je la jalouse. La petite fille parfaite qui a eu la famille rêvée. La petite fille couverte d'amour qui a des amis et une famille. Ma mère a refait sa vie, a eu un autre enfant pour me remplacer après mon départ. Et quand je suis revenu, mon père m'a laissé tombé, tout comme il a abandonné son ex femme. Finalement, je goûtais le fruit de mon propre traitement, j'avais fait la même chose à ma mère. Mais elle avait quand même réussi à refaire sa vie et trouver son bonheur avec une famille parfaite. Je m'arme de mon téléphone et compose le numéro des taxi de Corvaillus. En quelques secondes, je donne notre position et ils m'envoient immédiatement un chauffeur.

« Le taxi sera pas là avant trente minutes pour te chercher. Je vais attendre avec toi qu'il te récupère et t'emmène où tu veux. »

Je lui informe en regardant son beau Kaiminus qui s'accroche à elle. Je souris subrepticement, attendri. Après ça, je pourrais reprendre le cours de ma journée, comme s'il ne s'était rien passé.

« Si jamais tu veux revenir au lac, tu devrais venir accompagné avec tes amis. Ou bien un guide. N'y va pas toute seule, surtout par un temps comme ça, il a prévu de l'orage. »

Je ne sais pas quoi dire d'autre. On dirait un grand frère qui conseille sa petite sœur, si j'avais un ton plus agressif on aurait presque pu dire que je la gronde. Mais je refuse de le faire, elle se débrouille après ça. Un grand frère l'aurait ramenée à la maison, il se serait assuré qu'elle va bien. Mais je ne lui ai même pas demandé si elle était blessée ou si elle avait peur. Parce que je ne veux pas avoir à la consoler. Je ne vois ni sang, ni expression traumatisée sur son visage, donc elle va bien.

Elle ne répond rien au contre de Fye. C’est vraiment le garçon parfait, il a toujours réponse à tout. Il est parti quand il le voulait avec son père, pour vivre la vie dont il a toujours rêvé, il n’a jamais eu envie de rien, puisqu’il a eu tout ce qu’il voulait dès qu’il le voulait. Puis il est devenu champion d’arène. C’est vraiment un garçon parfait dont ses parents peuvent être fiers, hein ? Et elle à côté ? Bloquée à la maison par sa mère parce qu’elles n’avaient pas les mêmes envies et les mêmes attentes de l’autre, obligée de fuguer, de couper les ponts avec sa famille pour réaliser son rêve. Elle n’avait même pas d'excellentes notes à l’école ! Une ratée, comparée à cet être admirable, idole d’au moins un tiers de la population de Lathéa, si ce n’est du monde !!

Rah ! Elle serre les dents et attrape dans ses bras le béb pokémon pour le serrer contre elle, même si elle ne tiendra certainement pas longtemps… Il a beau être bébé, il n’est pas pour autant léger ! Et jette un regard rapide à son frère alors qu’il raccroche et lui indique ce qu’il vient de faire. « hm. » ses lèvres sont pincées, et ses yeux fuyards viennent se loger en plein dans ceux de Fye. « Si ça te saoule de rester là tu peux t’en aller hein, je suis plus une gosse. T’as jamais eu envie de passer du temps avec moi alors ça changera pas grand chose à ma vie. » C’est un peu sec, un peu dur. Elle n’a pas vraiment envie d’être sympathique à son encontre, et ce même si il lui a sauvé la vie. Parce que bon, si ils restent bloqués là dessus, ils n’iront pas bien loin, elle ne lui vouera certainement pas une reconnaissance éternelle. C’est censé être normal de toute façon, un frère qui sauve sa petite sœur en danger, non ?
Comment pourrait-elle le savoir ?

La jeune femme repose son pokémon par terre, devenu trop lourd pour ses petits bras, et elle écoute Fye avec un sourire ironique aux lèvres. Il joue à la maman, là, c’est ça ? Elle en a quitté une, c’est pas pour en retrouver une autre un peu plus loin, merci.
« Ca normalement c’est quelque chose qu’on dit avant que la personne parte. Ça doit être le genre de conseils qu’un frère donne à sa petite sœur, quand elle prépare son voyage, ou quand elle pose des questions sur celui que t’as fait. » Partir d’une situation générale pour revenir à la sienne, ce n’est pas particulièrement intelligent, elle le sait ; elle a encore parlé trop vite, mais si elle avait essayé de formuler sa phrase avant de parler, elle aurait mis deux semaines à répondre et ça aurait été trop tard.
Alors tant pis, elle coince rageusement une mèche de cheveux derrière son oreille, et continue de le regarder. On n’aurait même pas l’impression qu’ils ont un parent en commun… Qu’est ce qui les rassemble, à part une partie de leur ADN, au final ? « Mais tu as mis un tel point d’honneur à m’éviter le plus possible et à me détester que je pensais que ce genre de choses n’arriverait jamais… Vaut mieux tard que jamais, comme on dit... » Elle baisse les yeux vers Spike qui fait un trou dans le sable avec sa queue, mais les relève très vite vers l’homme. « Quoique, non. Pas dans notre cas. Maintenant c’est trop tard. J’ai fini par découvrir ce que j’aurais pu apprendre avec toi toute seule. » Elle hausse les épaules, sentant bien sa colère se dissiper lentement pour laisser place à une tristesse enfouie, et transformée au fil du temps en colère. Une tristesse née du manque, quoi que la jalousie à toujours été un peu présente… Après tout, il a toujours eu ce qu’elle voualit.