Franchement, Ethan, elle était bien gentille, la petite dame, avec ses lunettes de travers et son sourire … Non, en fait, ferme là. N’essaie pas d’être gentil, inutilement. Personne n’est là, pour t’entendre penser tout fort – dans ta tête – à quel point il était flippant, son sourire. Il lui manquait la moitié de ses dents, mais, ouais, au moins, il était sincère, ce sourire. Et toi, tu apprécies au moins ça. En fait, c’est surement ce qui a fini de te convaincre de te lancer à la poursuite de son maudit Skitty pour la sixième fois de ta vie, déjà. Tu ne sais pas trop ce qu’il a ce Pokémon, parce que, il a la belle vie, il faut le dire. Elle le nourrit bien trop, c’est un fait, mais il suffit aussi de le regarder pour comprendre qu’il est sacrément gourmand, alors tu ne penses pas qu’il y voit le moindre inconvénient. Elle le traite comme s’il était son enfant. Il est choyé. Il a tout. Il mène de vie de roi. Et pourtant, il passe son temps à se faire la malle. Et tu sais quoi ? Il ne fait pas les choses à moitié, parce qu’il fait des kilomètres quand il s’y met, et tu le sais, hein, que tu vas devoir le poursuivre à travers toute la région, si tu veux espérer le ramener. Pourtant, trop bon, trop con, disent certains, et dans ton cas, mon vieux, parfois, c’est sacrément bien trop vrai.

Tu sais ce que c’est, en plus, ta récompense, pour ça ? Rien. Ou si. Les biscuits. Ceux dont Azel raffole sans que tu ne comprennes comment, ni même pourquoi parce que, bon sang, les rares fois où tu as eu la folie de t’y essayer, tu as bien cru que tu allais t’y casser les dents. Terrible, n’est-ce pas ? Surtout quand on sait qu’ils sentent sacrément bon quand tu ouvres le sachet. Une vraie torture. Plus que le fait de devoir progresser à travers cette maudite forêt, au beau milieu des Pokémon insecte que tu as tout bonnement en horreur, par cette chaleur, que même les arbres n’arrivent pas à empêcher d’entrer. Heureusement que t’es habitué, hein. Heureusement, surtout, que tu n’es pas du genre à raler quand tu es seul avec Azel … Ouais, parce que forcément, t’aurais un spécimen du genre humain dans les pattes, là, tu peux être certain qu’il en prendrait plein la tête. Quelle vie, hein ?

Elle a l’air de sacrément bien le prendre, Azel, d’ailleurs. Il faut dire, aussi, que bon, franchement, elle est bien différente de toi. C’est à se demander comment vous faites pour vous entendre aussi bien, parce que, c’est pratiquement tout ton contraire, en version Pokémon, évidemment. Mis à part son impatience, son caractère diffère du tien en tous points. Elle est bien plus douce. Elle est bien plus passive. Et surtout, surtout, oui, elle est bien plus ouverte aux autres. Elle n’ignore personne, elle va vers les humains, et les Pokémon avec une facilité plus que déconcertante quand toi, tu ne fais habituellement que passer, la tête basse, même souvent, comme si tu te sentais obligé d’avoir honte de quelque chose.

Tu pousses un énième soupire. L’un de ces très gros soupires qui, chez toi, n’annoncent généralement rien de bon. Encore une fois, heureusement que tu es seul dans cette fichue forêt, parce qu’il y a fort à parier que tu pourrais devenir désagréable. « Elle est bien certaine de l’avoir vu ici, le Skitty, la gamine ? » Ouais. Franchement, tu t’es encore bien éloigné de Skyler Bay pour ce Pokémon, et le fait que cette gamine t’annonce l’avoir vu de bon matin chasser les Papillusion dans un coin de cette forêt c’est ton premier début de piste depuis que tu es parti. Tu n’as même pas repéré une empreinte de patte.

Et tu sais quoi ? Tu es tellement focalisé sur l’idée que cette « chasse » est absolument ennuyante, que tu finis par poser les yeux sur ce Balignon de passage qui s’est arrêté juste devant vous. « Qu’est-ce qui a ? Toi aussi tu t’ennuies comme un Ratata mort ? » Et tu souffles, ouais. Tu viens finalement fouiller dans une poche de ton sac pour en sortir le fameux sachet de biscuit, et après en avoir lancé un à Azel qui le rattrape avec une jolie pirouette, tu en offres un au Balignon avant de te laisser tomber sur une souche pour, toi, boire un peu d’eau … chaude. « Fait chier. »

Tu passes un bon moment, sur cette souche d’arbre. Le Balignon, lui, a eu le temps de décamper et toi, tu es concentré sur … sur tout et rien, en réalité. Tu observes simplement les alentours, tu te demandes bêtement quelle direction que tu vas prendre, étant donné que tu ne sais absolument pas par où a pu partir le félin. Encore moins si c’est vraiment le Skitty que tu cherches. Ni même s’il y avait vraiment un Skitty dans cette forêt. Ouais, t’es toujours méfiant, même quand il s’agit d’une gamine de dix ans avec des couettes, tu as toujours l’impression qu’on pourrait aisément te jouer un tour ou te faire tourner en bourrique. Comment dire que c’est facile avec toi, vu que tu passes ton temps à rendre service ? En faisant la gueule, mais quand même quoi.

Tu as passé tellement de temps au même endroit, qu’Azel à eu le temps de venir t’installer sur tes pieds. Elle est comme ça, c’est quelque chose qu’elle fait souvent, elle ne vient pas sur tes genoux, ou dans tes bras comme le font certains Pokémon, non, elle se couche sur tes pieds, et elle s’y endort. Au moindre petit mouvement que tu peux faire, elle ouvre un œil, elle t’observe, toujours prête à te suivre … Ouais, c’est ce genre de manie qu’elle a qui te font littéralement craquer. C’est bien pour ça que tu prolonges, que tu restes encore quelques minutes, le temps qu’elle se repose, avant de te remettre en marche, de te lever, de t’étirer et de choisir de prendre … à droit, après l’une de ces stupides chansons enfantines qui te servent encore à faire certains de tes choix cornéliens.

Droite donc. Visiblement, le presque hasard à choisi de te faire emprunter une voie un peu moins sympa que la clairière dans laquelle tu as pu te reposer quelques minutes. Le chemin est loin d’être dégagé, il y a là des branches, et des buissons qui obstrue en partie la voie, et qui viennent parfois griffer tes bras laissés à nu par le t-shirt que tu portes. Et ça te fais grogner, Ethan, à chaque que tu sens ta peau être agressé, tu réussis même à écoper d’une belle griffure sur la joue, et tu l’essuies, rageusement, avant de forcer le passage, en espérant que ça se dégage à un moment donné. Vite. Ce serait mieux.

« On va finir par tout cramer, t’en penses quoi ? » Tu y penses, sérieusement, oui, c’est probablement ce qu’il y a de pire, parce que, contrairement à ce qu’on pourrait penser, là, maintenant, en t’entendant émettre des idées pareilles, tu n’es pas un idiot, Ethan, et tu sais parfaitement que si tu commets cette erreur, c’est toute la forêt et ses habitants, qui pourraient flamber. « Hé … » Que tu finis par grognasser, entre tes dents, alors que tu t’arrêtes, et que tu manques de te branche une branche dans l’œil. « Le Larveyette là … bouge … » Et te voilà à décaler le petit Pokémon qui a trouvé judicieux de se mettre sur ton chemin, d’un mouvement de pied, relativement doux, étonnement doux, ouais. Comme quoi, Ethan.

Probablement que tu lui as fait peur au Larveyette, parce que, à peine ton pied l’a-t-il effleuré, pour le pousser hors de ton chemin, qu’il détale à une vitesse impressionnante, sans même lever un regard sur toi. Et tu soupires, en continuant de te battre avec la nature même pour te dégager de ce mauvais pas dans les branchages et les buissons, tu forces, tu réussis même à déchirer l’un des bouts de manche de ton haut, et ça te fais encore râler.

Heureusement, tu finis par t’en sortir après environ quinze minutes d’une bataille plus qu’acharnée. Tu reviens même mettre ton nez dans les ronces, pour attraper Azel entre tes bras et lui éviter de potentielle blessures, en la sortant de là rapidement. « Ça va, ma fille, c’est fini. » Et tu sais quoi ? Tu es perplexe, maintenant, parce que tu te demandes si le Skitty est bel et bien passé par là, tiens. Est-ce qu’il aurait pris ce risque ? Tu n’en es pas certain, et tu commences à te demander si, par hasard, tu n’aurais juste pas fait de très mauvais choix, jusqu’à présent. « On va continuer … » Ouais, parce que, t’as pas franchement envie de faire demi-tour. « Si d’ici deux heures on l’a pas retrouvé, on quittera la forêt. » Le truc, c’est qu’il s’en passe des choses, en deux heures, Ethan.

Tu t’es remis en route, avec une Azel qui trottine à tes côtés, presque joyeusement, contrairement à toi qui t’es remis à tirer la tête. On dirait un enfant, bon sang. La quarantaine approche à grand pas, et c’est tout juste si tu n’as pas exactement les mêmes attitudes que le toi d’il y a trente ans. Cette bouille, aussi frustrante qu’adorable, finalement … qui ne quitte plus, tant tu es frustré. Et pourtant, Ethan, tu l’as choisi, ce boulot, et tu aimes le faire en règle générale. Le truc, c’est qu’en devenant Policier, tu t’attendais peut-être à des choses plus passionnantes qu’une recherche active de Skitty perdu. C’est cliché. C’est ennuyant.

« Tiens. Le dernier. » Le dernier avant … le prochain, oui. Parce qu’on t’a déjà dit plusieurs fois de ne pas céder, Azel est gourmande, mon vieux, tu le sais, et parce que tu le sais, tu cèdes bien souvent, tu lui offres les biscuits, tant que tu les as, tant qu’ils sont frais. De toute façon, ils ne sont que pour elle, rappelons que tes dents n’en viennent pas à bout.

Le truc, c’est que, le biscuit que tu jettes, dans l’espoir qu’elle le rattrape – elle le fait toujours – n’arrive jamais à ton Pokémon. C’est un Poichigeon de passage, qui, dans une cascade aérienne plutôt impressionnante pour son espèce vient l’attraper au vol et faire cracher quelques flammèches agacées à ta petite Salamèche.

Tu vois Azel s’éloigner, tenter de lui courir après. Et voilà bien l’un de ses défauts principaux – et l’un de ses points communs avec toi – bon sang : ta Salamèche est têtue. Tu as beau l’appeler, lui demander de laisser tomber, elle trace, elle court à toute vitesse à travers les arbres et puisqu’elle va vite, Ethan, elle te force à accélérer le pas, toi aussi. Bientôt, tu es littéralement en train de lui courir après pour essayer de lui remettre la main dessus, et surtout, ne pas la perdre. Le Poichigeon ? En ce qui te concerne, tu ne l’as déjà plus en vue, ce n’est pas sur lui que tu te concentres mais sur ta partenaire qui ne semble plus voir autre chose que l’affront qu’elle vient de subir avec ce vol de biscuit.

Et plus tu avances, plus les arbres sont nombreux. Elle est jolie cette forêt Ethan, tu pourrais t’en rendre compte, si tu prenais le temps, et surtout, si ce type de paysage était à ton goût. Tu n’as jamais aimé les forêts, probablement que ça te rappelle un peu trop ton enfance, et surtout, c’est toujours bourré d’insectes. Oui. Est-ce que tu as déjà dit à quel point tu avais les Pokémon Insectes en horreur ? Oui. Probablement.

« Azel enfin ! Arrête ! » Là, tu viens de tenter de prendre une très grosse voix, grave, une voix qui porte et qui se veut autoritaire pour tenter, désespérément un peu, de raisonner ta Salamèche. Si ça marche ? Tu n’en as pas l’impression, certes, elle ralenti, certes, elle te lance un regard et semble se rendre compte de ce qu’elle est en train de faire, mais quand un buisson se met à s’agiter sous son nez, elle semble se remettre en … chasse. Étrange, non, pour un Salamèche ? Elle pense sans doute avoir remis la main sur le Poichigeon voleur, toujours est-il que, quand tu arrives à ses côtés, elle est en train de secouer le buisson de toutes ses forces, et c’est quand tu remarques qu’elle est à deux doigts de patte d’y mettre le feu sans pression que tu viens l’attraper, la soulever dans tes bras. « Mais qu’est-ce que tu fais ? »

Bon sang. Aussi susceptible que toi, aussi. Encore un point commun. Et du coup, tu soupires. Lourdement. Puis, tu reposes Azel au sol, et de ton doigt autoritaire, tu lui ordonnes de ne pas bouger tandis que tu approches doucement du buisson que tu viens secouer, énergiquement. Et là, Ethan, ce n’est pas un Poichigeon qui en sort, hein, mais un petit Bulbizarre qui n’a pas l’air inquiet pour deux sous …

Tu observes donc ce petit Pokémon, en train de sortir, lentement, mais surement, de son buisson. Voyant qu’il ne s’agit pas de la bestiole à plume, Azel s’approche, doucement, visiblement désormais bien plus calme, et ayant, semble-t-il décidé d’abandonner sa chasse au Poichigeon pour venir saluer le Pokémon plante. « Tu vois, on l’a dérangé pendant sa sieste à cause de toi. » Tu lances à la Salamèche un regard accusateur, avant de soupirer, et puis, te revoilà sortir les biscuits, encore, et si tu en offres évidemment un à Azel, tu viens en déposer deux sous le nez du Bulbizarre. « Deux, oui, ne me regarde pas comme ça, c’est une compensation. » Que tu lances, à ta partenaire, alors qu’elle braque sur toi les yeux de l’injustice.

« Dis donc, le Bulbizarre, t’as pas vu un Skitty passer, hein ? » Que tu demandes, désormais accroupi devant les deux Pokémon. « Qu’est-ce que t’attends, Azel, demande-lui, toi, je parle pas Bulbizarre moi … » Franchement, faut tout faire, hein, tout dire, aussi. T’en serais presque las, et offusqué. Ouais. Rien que ça.

Et te voilà, Ethan. Face à deux Pokémon qui semblent partis dans une discussion fort intéressante. Du moins, tu le supposes, puisque, ni l’un, ni l’autre, ne semble plus faire attention à toi au point ou finalement, tu reviens attraper un biscuit, et faire une tentative de croquer dedans … en vain. Du coup, tu finis par parvenir à le casser en deux, et tu viens les offrir à Azel, et à son nouveau pote le Bulbizarre.

Le biscuit est rapidement englouti, et puis, le Pokémon plante bouge, il se met à avance dans une direction, et si, pendant un instant, tu te dis juste qu’il va s’en aller, et qu’il en a assez, ta Salamèche, elle, vient te tirer avec elle, pour te pousser à te redresser, et à te lever. « Tu vas pas me dire qu’il a vu un Skitty … » Que tu souffles, comme si c’était complètement surréaliste. Mais Azel insiste, en fait, et du coup, tu finis par te résigner, et par suivre les deux Pokémon à travers les arbres, en silence, et sans soupires, pour cette fois, c’est fort, hein ?

On en est là, donc, Ethan. Tu te retrouves, à suivre ta Salamèche – jusque-là, ça va – ainsi qu’un Bulbizarre qui semble vouloir faire ami-ami avec vous deux, parce que, tu n’as juste aucune idée de ce que tu peux faire pour potentiellement tenter de remettre la main sur un pauvre petit Skitty égaré – tu parles, égaré, il s’est juste cassé. En fait, ça en dit long, là, sur ta lassitude, omniprésente, parce que bon sang, tu ne veux plus, tu n’as plus envie, tu ne penses qu’à rentrer t’enfermer à la maison, en prenant bien soin d’éviter tout, et tout le monde, d’ailleurs, parce que … Skyler Bay, quoi, aussi. Tu te demandes encore ce qui t’as pris de t’installer là-bas, hein. C’est tranquille, ouais. C’est un peu atypique, aussi. Mais finalement, tu t’en es vite lassé … trop joli, trop mignon, trop accueillant, et que dire de la quantité de couples que tu peux croiser dans les rues et qui ont toujours eu le don de te mettre mal à l’aise pour des raisons toujours totalement inexplicables ?

Il est lent, le Bulbizarre. En fait, toi qui a passé une grande partie de la journée à pratiquement courir et te presser, tu as l’impression de faire une balade, là, et autant dire que tu n’as pas spécialement la patience pour ça. « C’est encore loin ? » Que tu demandes, à Azel, autant qu’au Bulbizarre, comme si tout à coup, tu t’attendais à ce que l’un d’eux se retourne pour t’exposer un plan clair, net et précis tout en te donnant des indications de temps compréhensibles et acceptables. Autant dire que tu te fourres le doigt dans l’œil et que tu hérites tout juste d’un regard en coin de la Salamèche. « On arrive bientôt ? » Un enfant. Ethan. Encore, toujours.

Vingt minutes. Ils te font marcher, comme ça, pendant vingt minutes, à travers cette forêt, sans même savoir exactement où tu vas, et si tu vas avoir le moyen de remettre la main sur le Skitty. Finalement, tu te retrouves à nouveau dans une clairière, bien plus petite que la première, dans la laquelle, visiblement, pullulent les Pokémon. En fait, quand tu débarques ici, tu ne vois rien clairement, mais tu captes du mouvement tout autour de toi. Tu comprends que ta présence à effrayer la majorité des Pokémon qui se trouvaient là, et tu finis par soupirer, tu fais quelques pas, pour t’approcher de cette espèce de … tout petit lac, ou d’étang qui se trouve au centre même de la clairière. Tu attrapes un peu d’eau claire entre tes mains, pour venir la plaquer contre ton visage afin de te rafraichir, puis, tu te laisses tomber, assis, sur la berge.

C’est ce moment que choisi un Venipatte pour t’approcher, sans que tu n’aies eu l’occasion de le voir arriver … On a déjà dit que tu n’aimais pas les Pokémon Insecte ? Oui. On l’a déjà dit.