À vrai dire, non, elle n'est pas bleue du tout cette maison, elle est en bois et elle en a la couleur mais après tout, peu importe, elle est quand même adossée à une colline alors ça compte. D'ailleurs elle tombe à point nommé cette maison ; non pas qu'Ismaël n'aurait pas pu monter sa tente à peu près n'importe où ici, puisque ça fait un petit moment maintenant qu'il marche le long d'un ruisseau probablement écoulé depuis le Fleuve Mongetimor. Mais tant qu'à faire, puisqu'il y a une maison ici... pourquoi se priver ? Les Pokémon seront contents de dormir au chaud ailleurs que dans leurs pokéballs.
La porte n'est pas verrouillée et étant donné ce qui se trouve à l'intérieur, Isma en déduit immédiatement qu'il s'agit d'un refuge placé là pour les randonneurs comme lui désireux de battre la campagne pendant plusieurs jours. Il s'installe, rapidement, habitué à sortir et ranger toutes ses affaires en un temps record. Than s'installe aussitôt sur le petit oreiller et se roule en boule tandis que Ceyx vient piailler à la fenêtre pour aller faire un tour. Les autres se trouvent un coin, et ils sont assez à l'étroit mais après tout, ce n'est pas vraiment inhabituel. Au pire, il en laissera quelques-uns dormir dehors ; la Petite est comme lui, elle n'aime pas trop avoir un toit sur la tête alors ça ne l'étonnerait pas qu'elle se trouve un buisson à proximité de la cabane.
Isma allume le réchaud et y place une casserole remplie de l'eau de la rivière, qu'il a préalablement filtrée. En attendant qu'elle commence à bouillir, il balance ses chaussures près de l'entrée et s'étale sur le lit pour échanger quelques messages avec Mallory et lui faire regretter d'avoir voulu rester tranquille chez lui plutôt que de l'accompagner.

Dan n'est pas vraiment du genre à être surpris par grand chose. Depuis des années qu'il exerce son métier, il en a vu, des trucs bizarres ; des objets volants dans les maisons, des Pokémon qui n'avaient rien à y faire, des phénomènes paranormaux, même ce qu'il a considéré comme étant des esprits. Il peut se vanter ne plus avoir peur de grand chose et être accoutumé aux bizarreries en tout genre ; ce qui fait que généralement, sa réactivité est tout à fait honorable lorsqu'il s'agit de faire face à toute une série de problèmes inconnus. En tout cas, c'est ce qu'il aime à se dire, parce qu'il a toujours été très attentif à ce qu'il se passait autour de lui. Depuis l'épisode avec cet affreux Spiritomb, par exemple. Pour conclure, donc, il a toujours songé qu'il ne pourrait plus vraiment être étonné par quoi que ce soit.

Force est de constater qu'il se trompait, et lourdement.

Lorsque le scientifique rentre de sa promenade dans la Lande, il n'est pas immédiatement alerté par la présence d'un Minisange posé dans un arbre juste sous la petite chaise qu'il avait installée pour lire. L'idée, pour ce soir, c'est de prendre une bonne douche, de se préparer quelque chose à manger au réchaud - un sacré challenge quand il ne s'agit pas de nourriture toute prête, qu'il exècre - puis de s'asseoir dans l'herbe, fumer une cigarette rigolote et étudier ses derniers prélèvements au laboratoire avant d'aller se coucher. Le calme règne, ici, il est éloigné de toute forme de civilisation. Le silence l'a toujours aidé à réfléchir, et c'est tout à fait tranquillement qu'il ouvre la porte de chez lui... et écarquille les yeux.

Sur son lit, il y a un type. Un type peinard, couché sur son matelas, qui est en train de faire chauffer quelque chose sur son réchaud, et qui a semé des Pokémon un peu partout dans sa cabane ; une courte seconde, Dan reste interdit devant la porte, la mâchoire pendante, observe les chaussures balancées devant la porte, l'Osselait sur son oreiller... c'est une plaisanterie, hein ? « Mais... mais ça va pas la tête ?! braille-t-il aussitôt en pénétrant dans sa petite maison de tranquillité, rapidement suivi par René qui s'approche du réchaud, ne trouve rien et ignore superbement les autres Pokémon pour aller regarder dans le gros sac de camping de l'inconnu s'il n'y a pas quelque chose à manger. Sortez de chez moi tout de suite ! » Il est complètement maboule ce type, qu'est-ce qui lui a pris de venir squatter comme ça ? Il n'est pas vraiment tranquille, Dan, parce qu'il n'a pas de Pokémon et que ce n'est certainement pas René qui va chasser les importuns. Pourtant, il escompte bien garder la main sur son territoire quand il désigne la porte d'un geste du doigt, après avoir posé son propre sac sur le plancher. « Allez, ramassez votre smala et fichez le camp avant que j'appelle la police ! C'est quand même pas croyable... »

Isma n'est pas installé depuis très longtemps lorsque la porte de la petite maison s'ouvre. Surpris, il redresse la tête et pose les yeux sur un type visiblement plus vieux que lui. Des cheveux longs, un air éberlué, figé comme une statue dans l'entrée... cet homme ne s'attendait visiblement pas à ce que quelqu'un ait investi le refuge. « Mais... mais ça va pas la tête ?! »
D'accord, cette fois le cri fait clairement sursauter Isma qui s'assoit d'un bond, la bouche ouverte pour prononcer un bonjour qu'il n'a absolument pas eu le temps d'articuler. C'est à son tour d'écarquiller les yeux ; pourquoi il s'énerve comme ça, qu'est-ce qui lui arrive ? « Sortez de chez moi tout de suite ! »
De chez lui ? Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Isma est un peu paumé, là ; il pose les pieds par terre mais ne se lève pas tout de suite, baissant les yeux vers le Okéoké qui commence à fouiller dans son sac en toute tranquillité. La Petite est déjà en train de s'approcher de lui à pas de loup dans le but manifeste de le surprendre. « Allez, ramassez votre smala et fichez le camp avant que j'appelle la police ! C'est quand même pas croyable...
– Eh oh, vous vous calmez ? fait-il finalement en haussant les sourcils, les deux mains relevées au niveau de son ventre pour lui faire signe d'apaiser un peu son coeur. Comment vous vouliez que je sache que c'était chez vous ici ? La porte était pas fermée à clé, y a pas le moindre écriteau qui indique une propriété privée... ça ressemble à un refuge pour randonneurs comme y en a partout dans la région, si vous voulez pas être emmerdé faudrait voir à prendre quelques précautions hein. »
Rendu de très mauvaise humeur par le fait de se faire aboyer dessus et accuser d'il ne sait quel acte malveillant, Ismaël a les traits bien plus tendus maintenant et d'ailleurs, il fronce un peu les sourcils en dévisageant l'inconnu qui semble vraiment mécontent, lui-aussi. « D'ailleurs qu'est-ce qui me prouve que c'est vraiment chez vous et que vous voulez pas juste me piquer la place, hein ? »

« Eh oh, vous vous calmez ? » Se calmer ? Et de quel droit le devrait-il, il n'a pas à se calmer, cet homme s'est introduit dans sa cabane à lui et il a envahi son petit havre de paix de Pokémon bruyants tout en utilisant son matériel. Il y a de quoi être en colère, non ? Que dirait-il, ce jeune paltoquet, si jamais il avait trouvé Dan dans sa maison, étalé sur son canapé à utiliser son four pour se faire à manger, et le tout sans autorisation ? Qu'il lève les mains s'il veut, ce bohémien ; cela ne change rien, il va devoir s'en aller, et vite. « Comment vous vouliez que je sache que c'était chez vous ici ? La porte était pas fermée à clé, y a pas le moindre écriteau qui indique une propriété privée... ça ressemble à un refuge pour randonneurs comme y en a partout dans la région, si vous voulez pas être emmerdé faudrait voir à prendre quelques précautions hein. »  

Alors comment explique-t-il que personne n'ait encore eu l'étrange idée de venir squatter sa maison avant lui, exactement ? De toute manière, aucune excuse n'est et ne sera validée par le scientifique : cette maison est son petit repère, et aussi vétuste puisse-t-il être, Dan n'a jamais eu besoin d'autre chose. Contrarié, sourcils froncés, il dresse sa silhouette chétive pour se grandir un peu. Ce gars en face de lui le coucherait en une tarte, mais il n'a jamais vraiment été effrayé par ça non plus. « D'ailleurs qu'est-ce qui me prouve que c'est vraiment chez vous et que vous voulez pas juste me piquer la place, hein ?
– Quoi, il faut que je vous présente un titre de propriété pour que vous débarrassiez le plancher ? Bon sang, c'est la meilleure, beaucoup de gens se promènent avec ça, c'est vrai. » Grand, costaud, et idiot, donc ; il est bien en veine, songe-t-il alors que René entreprend de mettre sa tête entière dans le sac de l'inconnu. « J'ai acheté cette cabane il y a des années pour pouvoir m'y rendre quand j'ai besoin de travailler sur mes recherches, le peu d'affaires qui sont ici sont à moi et vous vous n'avez rien à y faire. S'il faut que j'appelle la police pour prouver mes dires, je peux tout à fait mais le minimum syndical d'intelligence de votre part serait de vous passer de ce genre d'embêtements et de vous en aller immédiatement, non ? »

Le cri perçant qui retentit près de lui le fait sursauter ; un Zorua vient de sauter sur René, qui a trouvé le moyen de coincer une lanière du sac de l'inconnu dans son cou ; dans la panique, il s'enfuit, et entraine avec lui le sac qui se répand au sol, sous les yeux ébahis d'un Dan voyant sa soirée tranquille s'envoler de minutes en minutes. « Et en plus vos Pokémon sont dressés n'importe comment ! glapit-il en pointant l'homme du doigt. Allez vous-en, bon sang ! »